En ce mercredi 20 septembre 2023, au parc du Centenaire, à Moncton, au Nouveau-Brunswick, la tension monte.
Des groupes d’extrême droite et des groupes d’intégristes religieux, autant chrétiens que musulmans, rassemblés sous la bannière « 1 Million March 4 Children », ont encerclé les personnes moins nombreuses issues des communautés 2ELGBTQIA+ et leurs alliés et alliées qui contremanifestaient.
Un enfant est encouragé à les invectiver tandis que des drapeaux trans sont arrachés et déchirés. La violence, tant symbolique que physique, est insoutenable, et plusieurs personnes quittent la manifestation en état de choc.
Il ne s’agit pas d’un acte isolé ou d’un « dérapage ».
Partout au pays, la scène se reproduit et on assiste au même schéma, avec des enfants placés en première ligne des affrontements et des communautés culturelles minoritaires instrumentalisées par une droite conservatrice avide d’étendre son pouvoir.
Un véritable bouleversement pour de nombreuses personnes venues contremanifester, peu préparées à se défendre contre un tel déferlement de haine de la part de personnes marginalisées elles aussi. Mais également la preuve, si besoin en était, du niveau de préparation et des efforts fournis sur le plan de l’organisation et de la coordination par l’extrême droite pour parvenir à ses fins.
Polarisation des débats
Voici plusieurs années que l’on observe, un peu partout dans le monde, une augmentation des attaques contre les personnes 2ELGBTQIA+ et une recrudescence des mouvements contre les droits de ces personnes.
Citons par exemple les manifestations contre les lectures de contes aux enfants par des drag queens ou les pétitions lancées contre des livres jeunesse sur la sexualité jugés trop explicites.
Citons également les récentes politiques adoptées en Saskatchewan et au Nouveau-Brunswick obligeant le personnel éducatif à informer les parents lorsque leur enfant demande à être identifié par un autre prénom ou pronom. Ces politiques ont donné lieu aux manifestations transphobes du 20 septembre.
Ce phénomène s’explique notamment par la montée des organismes et des partis d’extrême droite et par la radicalisation d’une portion de la droite traditionnelle. Ces groupes récupèrent les enjeux 2ELGBTQIA+ afin d’attirer des membres en diffusant des discours simplistes de haine et de division.
Le « wokisme » et les « idéologies de gauche » sont pointés par ces groupes comme autant d’épouvantails visant à canaliser la peur et l’ignorance d’une partie de la population qui se sent abandonnée par le système – souvent les mêmes personnes qui ont participé au Convoi de la liberté, mais pas seulement – et qui peut se sentir attaquée par les mouvements progressistes et par ce qui est perçu comme « la gauche intellectuelle », tels que les médias et l’université, qui ne les représentent pas.
Ces groupes extrémistes ont pour stratégie d’entretenir les préjugés présents dans les segments de la population qu’ils cherchent à séduire et de simplifier à outrance certains enjeux sur lesquels ils polarisent les débats afin de justifier la création d’un environnement qui encourage l’intolérance envers les minorités.
« Le contre-mouvement fonctionne comme une porte d’entrée vers l’extrémisme et comme un moyen pour celui-ci de croitre et de gagner en puissance », explique le Conseil des femmes du Nouveau-Brunswick dans un rapport plus que pertinent.
Dans le cas de la politique 713 au Nouveau-Brunswick, par exemple, il ne s’agit absolument pas de protéger les jeunes, mais bien d’une tentative désespérée de la part d’un premier ministre critiqué de toutes parts de se maintenir au pouvoir.
Le temps d’agir
Rappelons que 1 personne sur 300 de 15 ans et plus au Canada est transgenre ou non-binaire et que les jeunes 2ELGBTQIA+ risquent davantage de souffrir de problèmes de santé mentale, d’entretenir des idées suicidaires et de faire des tentatives de suicide que les autres.
Porter atteinte à leur autonomie et à leurs droits, au moyen de politiques scolaires restrictives notamment, les expose à de nombreux dangers.
Des jeunes trans et non-binaires pourraient, si leur identité de genre est révélée contre leur gré, être victimes de violence de la part des adultes qui les entourent.
Des jeunes pourraient renoncer à affirmer leur genre par peur de représailles, ce qui pourrait avoir de sérieuses répercussions sur leur santé mentale, sur leur image corporelle et leur anxiété, entre autres.
Plus que jamais, il nous faut aujourd’hui faire preuve de vigilance. Ce ne sont pas des événements isolés, mais bien le symbole d’un mal plus profond qui gangrène nos sociétés. À l’image de ce qui se passe aux États-Unis, nous risquons d’aller vers des violences de plus en plus graves et des reculs de plus en plus importants de nos droits si nous n’y prenons pas garde.
Originaire de Belgique, Julie Gillet est titulaire d’une maitrise en journalisme. Militante éprise de justice sociale, voici près de quinze ans qu’elle travaille dans le secteur communautaire francophone et s’intéresse aux questions d’égalité entre les genres. Elle tire la force de son engagement dans la convergence des luttes féministes, environnementales et antiracistes. Elle vit aujourd’hui à Moncton, au Nouveau-Brunswick.