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le Mercredi 15 mai 2013 14:43 Courrier

Internet à l’heure du plan de modernisation de Northwestel

Parabole Northwestel Photo TR
Parabole Northwestel Photo TR

Félix Turcotte

À la suite d’une consultation publique qu’il a menée au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications du Canada (CRTC) a déposé à la fin de 2011 un rapport dévastateur au sujet de Northwestel et de la prestation des services à la communauté. (CRTC 2011-771) Dans ce document, le CRTC mentionne que bien qu’il octroie une aide annuelle de plus de vingt millions annuellement depuis 2007, le constat est navrant :

« … l’entreprise n’a pas réussi à faire les investissements nécessaires dans son réseau. L’infrastructure de Northwestel est désuète, et de nombreuses collectivités éloignées n’ont pas accès à des services comparables à ceux offerts dans le reste du Canada. Le Conseil est aussi préoccupé par le fait que cette situation a probablement influé sur la qualité, la fiabilité et la variété des services offerts aux clients, comme le prouve le nombre d’interruptions de service dans diverses collectivités et le manque d’options de service. » Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications du Canada CRTC. http://www.crtc.gc.ca/fra/archive/2011/2011-771.htm »

Cette affirmation est lourde de conséquences puisqu’elle a obligé Northwestel, entre autres, à présenter en juillet 2012 un plan de modernisation de son infrastructure devant le CRTC et à la population. Par ailleurs, Northwestel est maintenant dans l’obligation de laisser la place à la libre concurrence et de partager l’accès à son réseau de télécommunication avec d’autres entreprises désireuses de faire affaire dans le domaine des télécommunications dans le Nord canadien.

À cela, Northwestel répond par un investissement de 233 millions d’ici 2017. De cette somme, une partie servira à mettre à niveau une large part de son infrastructure de communication, à déployer de nouveaux équipements afin de partager son réseau avec la concurrence, et de répondre aux exigences du CRTC de permettre un accès égal à tous les Canadiens aux services de communication. Enfin, ce plan vise avant tout à répondre aux nombreuses insatisfactions exprimées par le passé par plusieurs personnes à l’égard de la qualité de service prodigué par Northwestel.

Internet haute vitesse

Les télécommunications sont un domaine vaste et complexe; parfois cryptique. Aussi bien le langage de l’administration, de l’informatique et des télécommunications est utilisé pour décrire le monde de ces nouvelles technologies. Je limite donc mon opinion à ce qui a trait à Internet, domaine qui m’est le plus familier. Je me suis posé trois questions :

1. Est-ce qu’Internet sera plus rapide? Internet sera plus rapide pour 58 communautés dans le nord du Canada. Toutefois, pour 38 communautés situées en région éloignée, le débit de 1.5 Mbps en descendant et 384 Kbps en ascendant sera nettement insuffisant dans les années à venir. Le CRTC donne pour cible que la bande passante pour 2015 soit de 5 Mbps en ascendant et 1 Mbps en descendant. En fait, le CRTC considère que les foyers devraient pouvoir écouter à la fois des vidéos tout en téléchargeant des documents, des courriels et parcourir le Web. Il est évident que les vitesses proposées pour nos 38 communautés sont laissées pour compte dans le plan. Si vous avez la chance, faites un essai de navigation à 1Mbps/384Kbps. Parcourir le Web relève de la patience. Imaginez ces communautés dans quatre ans avec un tel débit. Alors que Skype fait référence à la vidéoconférence en 3D, on en sera encore à la messagerie instantanée.

Mon inquiétude est plus grande lorsqu’il s’agit du débit global de bande passante. Selon le plan de modernisation, il devrait passer de 57 Gbps à 134 Gbps.

Simplement à parcourir le Web, on constate que de l’avis général, la demande affiche un accroissement annuel de 30 %. Cette hausse est attribuable principalement à la demande pour des applications multimédias comme YouTube ou Netflix, et à l’arrivée des applications dans le nuage Internet comme Google Drive ou iCloud. Si on applique à notre 57 Gbps un accroissement annuel de 30 %, on en arrive à un débit de 212 Gbps au lieu de 134 Gbps tel qu’énoncé dans le plan. Cette différence est trop importante et mérite toute notre attention.

2. Est-ce que le réseau sera plus fiable? Northwestel procède à un vaste plan de mise à niveau de ses équipements et de ses liaisons partout au territoire. Toutefois, le plan de modernisation évacue pour le moment la question de l’accès à la dorsale Internet. Une grande partie de notre territoire est desservie par un seul lien Internet! Dans les faits, nous sommes aussi vulnérables qu’au moment de la panne majeure que nous avons connue l’automne dernier, et cela risque de durer encore des années.

3. De quelle manière les entreprises d’ici profiteront-elles d’Internet? Est-ce que les entreprises d’ici trouveront leur compte dans la conduite de leurs affaires avec les services Internet prévus pour 2017? En général, les entreprises ont besoin de capacité de bande passante supérieure aux besoins des particuliers en ce qui regarde le débit ascendant (upstream). En effet, Internet est un excellent véhicule pour sauvegarder les données hors des bureaux de l’entreprise. Un débit ascendant de 1 Mbps signifie que pour sauvegarder 1 Gigaoctet, il faut compter une heure et quart. Dans les régions desservies par un lien satellitaire (lien ascendant de 384 Kbps), il faut compter huit heures et demie. En 2017 ou en 2020, est-ce raisonnable de penser que des régions du Nord soient dans les faits coupées de l’activité économique? Le plan aurait dû prévoir des mesures pour accroître le débit ascendant pour les entreprises. Ce problème est d’autant plus criant que seulement trente pour cent des entreprises d’ici prennent la peine de faire des copies de sauvegarde de leurs données.

Le plan de modernisation va beaucoup plus loin que ces quelques points avancés ici, mais toute la question de l’accès à Internet dans le nord du Canada me semble aussi importante que la téléphonie, l’accès à la concurrence ou encore la tarification. Je pense aux communautés éloignées et je ne peux concevoir qu’elles soient éjectées en tout ou en partie du plan de modernisation. Internet, c’est l’accès à la connaissance, la formation en ligne, aux affaires, à la culture, aux loisirs. C’est l’espoir d’une vie meilleure dans les communautés.