La conquête du ciel fascine depuis toujours. Dès le XVIe siècle, observant le vol des oiseaux, Léonard de Vinci imagina les concepts d’hélice, de parachute et de planeur. L’histoire du parapente, elle, est plus récente. La discipline commence à se développer à la fin des années 1960, lorsque l’Américain David Barish teste son premier vol avec une aile simple entièrement souple dans une station de ski. Mais il faudra attendre 1978 pour que la discipline prenne son envol : s’inspirant des travaux de M. Barish, trois parachutistes du club d’Annemasse (France) lancent officiellement le parapente en décollant avec un parachute d’une montagne.
Le Yukon et sa nature sauvage attirent et, à la fin des années 1990, plusieurs pilotes provenant d’Europe s’envolent du Dôme de Dawson, attisant la curiosité de Stephen Kurth, qui décide d’aller se former de l’autre côté de l’Atlantique. Il revient avec l’idée de développer le sport au territoire. En 1999, en partenariat avec Paraglide Canada, un cours pour former sept pilotes est organisé. Deux ans plus tard, l’Association yukonnaise de parapente et deltaplane (AYPD) est fondée.
Pérenniser le parapente au Yukon
Depuis 2001 donc, l’AYPD soutient les besoins locaux de la communauté yukonnaise de parapentistes en veillant à l’entretien des aires de décollage et d’atterrissage existantes, en développant et en sécurisant de nouveaux sites, ou encore en recherchant des sources de financement pour appuyer ces projets.
Actuellement, il existe une trentaine de sites de parapente au territoire, dont trois près de Dawson et sept aux alentours de Whitehorse.
Certains sont temporairement inaccessibles, comme la colline Haeckel dont la route est fermée pour un projet de construction d’éoliennes. « Ces travaux vont améliorer la route vers le sommet et à terme, une voiture classique pourra monter jusqu’au site d’atterrissage », se réjouit Denise Faulhaber, présidente de l’AYPD.
D’autres sites pourraient en revanche complètement disparaître dans un avenir proche. « Le site près du mont White est vraiment unique, mais le projet d’expansion de la centrale hydroélectrique d’Atlin le menace… car il prévoit le passage d’une ligne de haute tension tout proche de la zone de décollage. Si les parapentistes n’arrivent pas à monter haut assez rapidement, ils se la prendraient dans les jambes! », explique-t-elle.
Pour Yannick Klein, adepte du vol contemplatif, le défi au Yukon est justement de trouver une zone d’atterrissage. « Il y a beaucoup d’arbres ici et il peut être difficile de trouver des espaces sécuritaires assez grands pour atterrir. En fonction d’où je décolle, je dois être certain que j’arriverai à atteindre la zone », confie-t-il. Au territoire depuis six ans, Yannick Klein a appris le parapente en France et s’est depuis élancé du haut de la montagne Caribou, des montagnes qui surplombent le lac Fish ou encore de celles qui se dressent au sud de Carcross (Mountain Hero).
S’instruire avant de s’envoler
Le parapente est un sport autoréglementé au Canada. Si Transports Canada n’impose que peu d’exigences, c’est l’Association canadienne de vol libre (ACVL) qui administre les qualifications des pilotes libéristes (parapente et deltaplane) et certifie les instructeurs et instructrices. « Les divers niveaux de qualifications, allant de Novice à Avancé, sont accordés selon une combinaison de compétences pratiques en vol et d’un test écrit sur les connaissances théoriques », peut-on lire sur le site Internet de l’ACVL.
Selon Yannick Klein, ce système de qualifications est primordial pour une pratique sécuritaire de la discipline. « Les sensations de vol viennent en pratiquant, mais une grande partie du parapente est théorique pour comprendre ce qui se passe une fois en l’air », explique-t-il. Notions météorologiques pour apprendre ce qui est dangereux et ce qui ne l’est pas – connaître les différents types de nuages, prévoir la formation d’orages, repérer les risques de turbulences – ou mécanique de vol pour sentir sa voile sont des aspects essentiels. « Il y a beaucoup de préparation et d’anticipation en parapente. Avant de sortir, il faut notamment vérifier le sens du vent : sa direction et sa vitesse […] Un vent fort de face à l’atterrissage et on arrive très lentement, pas de vent du tout, on arrive vite : il faut s’adapter, et au Yukon, le vent change très vite. »
Trevor Mead-Robins avait ouvert une école d’apprentissage de parapente au Yukon en 2014, Fly Yukon Paragliding, qui a malheureusement fermé il y a quelques années. Depuis, les occasions de décrocher ses qualifications de pilote au territoire sont limitées. « L’été dernier, nous avons obtenu une subvention du Fonds de développement communautaire du gouvernement du Yukon pour acheter des voiles et offrir gratuitement la formation de pilotage à des jeunes de la région de Dawson. Le Yukon compte donc désormais deux nouveaux pilotes! », se félicite Denise Faulhaber. Mais ce type de projet dépend des financements disponibles et ne peut être dispensé que sporadiquement. Les personnes souhaitant se former doivent donc se déplacer à l’extérieur du territoire.
S’informer et profiter
Outre les compétences techniques et théoriques nécessaires, il est fondamental de connaître les réglementations propres aux lieux de pratique du parapente. Certaines zones nécessitent ainsi des permis spéciaux. « Pour décoller du mont Sima, il faut une autorisation et participer à un cours d’orientation. Pour voler au-dessus de la route Dempster, il faut une autorisation particulière », explique Denise Faulhaber.
D’autres zones requièrent de contacter la tour de contrôle de l’aéroport le plus proche, à Whitehorse ou Dawson. Par exemple, les parapentistes s’élançant du mont Grey, du mont Sima, du mont McIntyre, de la colline Haeckel ou de Mountain View doivent « appeler juste avant de décoller, pas plus tôt, car le plan peut changer en fonction des conditions météorologiques. La tour de contrôle prévient ensuite les avions de la zone de la présence de parapentistes », indique Yannick Klein.
L’AYPD fournit toutes les informations utiles aux pilotes volant pour la première fois au territoire. « C’est toujours bien de demander l’avis aux locaux quand on arrive quelque part », conclut Yannick Klein. « Au Yukon, il y a moins d’outils [météorologiques] prévisionnels qu’en France. Les prévisions ne sont donc pas toujours très fiables, et il est important de faire preuve de bon jugement une fois en l’air. »