Sylvie Binette est une adepte du « fourrageage », soit la pratique de recherche de nourriture dans la forêt, par un animal ou un être humain. Cette passion la nourrit, dans tous les sens du terme, alors que ses aliments sont cueillis dans les environs et préparés dans sa cuisine à Valley View.
« Je mange aujourd’hui de l’orge du Yukon en risotto avec des champignons sauvages », explique Sylvie Binette. Et je vais manger des bonbons d’angélique sur de la crème glacée pour le dessert […] Je mange aussi beaucoup de poisson local et de viande sauvage – du caribou et du bison – que des amis m’apportent. Je suis chanceuse. »
La propriétaire de la petite compagnie Heavenly Wild a en effet un garde-manger bien garni. Ça n’a pas toujours été le cas pour celle qui a longtemps passé ses étés loin de la maison, comme cuisinière dans des camps éloignés ou comme technicienne de la flore et de la faune, aux quatre coins du territoire.
L’appel de la forêt sur les bancs d’école
Surprenamment, le premier choix de carrière de Sylvie Binette était celui d’esthéticienne, dans la région de Montréal. Le but avoué de cette orientation était de créer ses propres crèmes et masques, afin de soigner par les plantes. Finalement, deux décennies, une technique en foresterie, la naissance d’un enfant et une maîtrise suédoise en biologie plus tard, c’est dans la forêt yukonnaise que Sylvie Binette poursuit son apprentissage de la forêt.
Elle se heurte cependant à un problème : elle n’a pas le pouce vert! Alors qu’elle écarte l’idée d’un grand jardin, elle commence à lire sur le « fourrageage », ou les « mauvaises herbes qu’on peut manger », comme on disait souvent à l’époque.
Le concept d’autonomie alimentaire ne lui est pas non plus étranger, car il se rattache à son désir d’être consciente de son empreinte écologique. « Quelle est ma relation avec mon terroir? Je me demandais quels étaient ma place, mon rôle et ma responsabilité face au territoire [où je vis] », déclare la cueilleuse.
Connecter avec le terroir
Le terroir, pour Sylvie Binette, c’est l’ensemble des saveurs locales. Pour entrer en relation et échanger avec le territoire où elle puise ses produits, il lui faut en retour exprimer sa gratitude pour ces trouvailles. Les mettre en valeur à travers la cuisine, les préparer pour les présenter au marché et les faire connaître au public : voilà comment elle redonne et remercie.
Ce n’est pas une tâche facile, puisque plusieurs demeurent méfiants face à une nourriture qu’ils ne connaissent pas. Celle-ci continue d’attirer les curieux et curieuses en proposant ses pestos aux mourons des oiseaux et ses bourgeons de marguerite en tempura.
Blanchir, sécher, congeler, canner ou lactofermenter? Voici les questions qui fusent dans l’esprit de celle qui se déplace avec ses paniers en osier et ses sacs de papier à travers les fourrés. Elle développe son code d’éthique au fur et à mesure des années, comme laisser la racine du champignon et ne cueillir que 30 % des buissons de baies qu’elle trouve.
« La cueillette vient par rushs. On ne sait pas toujours ce qu’on va trouver. Il faut parfois rester tard le soir dans la cuisine pour tout nettoyer ce qu’on vient de cueillir », raconte-t-elle.
En hiver, la cueilleuse profite toujours de ses récoltes. « Je n’aime pas trop sécher car c’est long, mais je congèle beaucoup de choses, blanchies préalablement. Je consomme aussi mes marinades! », confie-t-elle. Elle avoue cependant avoir de temps en temps envie de savourer une salade verte et laisse donc libre cours à cette pulsion.
Chaque saison apporte son nouveau lot de trouvailles et d’essais culinaires. L’important, donc, c’est d’essayer.
Risotto d’orge yukonnaise aux champignons sauvages
Ingrédients :
- 1 tasse d’orge en grains de Hinterland Flour Mill (Yukon)
- 250 grammes de champignons sauvages comme les bolets, agarics et lactaires délicieux
- 1/2 oignon haché
- Ail finement émincé (quantité selon le goût)
- Huile d’olive pour la cuisson
- Sel et poivre
Pour le bouillon :
– Eau avec miso, sauce soya Dr Brenner et un peu de gras de canard. Ou bouillon de racines sauvages cueillies et lactofermentées de pissenlit, tabouret des champs et de passerage de Virginie.
Recette :
– Faire tremper l’orge dans beaucoup d’eau pendant une journée, puis la rincer.
– Faire rissoler l’ail et l’oignon dans l’huile d’olive.
– Ajouter les champignons, puis l’orge.
– Saler et poivrer.
– Ajouter beaucoup de bouillon, laisser s’évaporer et rajouter de l’eau au fur et à mesure jusqu’à ce que l’orge soit tendre.