Ce vêtement traditionnel des régions du Grand Nord existe depuis plusieurs milliers d’années et fait aujourd’hui partie de l’identité du territoire. Le mot parka a plusieurs origines : il serait inspiré des régions de l’Oural – de la langue samoyède des nénètses de la toundra et signifierait peau d’animal – et des langues Inuktitut et Inupiaq de l’Alaska où il signifierait chaleur. Le parka yukonnais est emblématique de la mode canadienne et un indispensable pour la population vivant dans les étendues sauvages, particulièrement pendant les longs et impitoyables hivers au nord du 60e parallèle.
« Les parkas sont faits pour les gens qui sont actifs, comme les mushers qui font du traîneau à chiens. C’est un manteau respirant, beaucoup utilisé pour la Yukon Quest. Chaque détail est pensé. C’est comme un velours à porter, c’est différent de tous les vêtements traditionnels, on porte quelque chose d’unique, de nordique », partage le conseiller en entreprise Olivier Pellegrin.

Rosemarie Gassner fait de la couture depuis une cinquantaine d’années et a utilisé un modèle de parka des années 1970 pour former les élèves lors d’ateliers.
Les parkas traditionnels
À l’origine, les parkas étaient fabriqués dans les régions arctiques à partir de peaux de phoques, de caribous ou d’écureuils. « La richesse et l’importance d’une personne pouvaient être jugées par la qualité de son parka. La fourrure était portée vers l’intérieur et la peau vers l’extérieur », explique l’auteure Edna Wilder. « Une couche supplémentaire extérieure en peau d’écureuil pouvait être rajoutée pour les parkas les plus luxueux », ajoute-t-elle.
Ils étaient traditionnellement décorés avec un tissage de perles et la capuche était ornée de fourrure, notamment de carcajou, car cette dernière résiste au gel. L’utilisation d’intestin de phoque était courante pour ses qualités hydrofuges. Cette protection était essentielle pour les activités hivernales de pêche, chasse et cueillette.
La confection des vêtements d’hiver était une activité fédératrice pour les femmes autochtones pendant les longs mois d’hiver. Elle permettait de transmettre un savoir-faire, notamment les techniques de couture traditionnelle avec aiguilles en ivoire ou en os et fils fabriqués à partir de tendons de caribous ou bisons, mais aussi le tannage des peaux et la préparation des fourrures.
Les parkas étaient pensés pour être pratiques et esthétiques, avec des motifs propres à chaque communauté. « La fabrication de parkas a une importance spirituelle. Cela m’apporte énormément en tant que femme autochtone et m’a aidée à surmonter le chagrin et la perte récente de mon neveu. Une partie de moi s’illumine, retrouve goût à la vie grâce à cette pratique », partage San Chuck, une Gwitchin Vuntut qui confectionne des parkas à temps plein depuis 2022.
Au Yukon, les parkas étaient portés et conçus par différents peuples autochtones tels que les Athabascans, les Tlingits et les Inuvialuits. Les explorateurs du Nord, trappeurs, missionnaires, baleiniers et chercheurs d’or ont adopté le parka au cours des siècles. Avec les échanges commerciaux, le matériel de fabrication du parka s’est parfois modernisé avec du coton épais, du polyester ou du gore-tex, toujours dans l’idée de créer le vêtement parfait pour résister au froid.
Au XXe siècle, malgré la modernisation des procédés de fabrication et l’apparition des machines à coudre industrielles, les parkas continuent d’être conçus par des artisans utilisant les techniques de couture traditionnelles, notamment dans des coopératives. « La confection demande environ une semaine. La découpe sur mesure et les finitions prennent plus de la moitié du temps, surtout si on veut décorer le parka. Pour un ornement de perles, on peut ajouter une semaine de travail », explique San Chuck.
Toutefois, le changement de mode de vie – notamment la raréfaction des chasseurs nomades dans la population – entraîne doucement la baisse de fabrication des parkas au Yukon.

Parka yukonnais des années 1980.

Maureen, la nièce de la couturière San Chuck, pose avec une des créations de sa tante.

Détails cousus sur un parka.

Le petit fils autiste de la couturière San Chuck adore les camions. Sa grand-mère a donc cousu pour lui un parka à son image.
L’internationalisation des parkas yukonnais avec Yukon Native
Au début des années 1970 et jusqu’en 1997, Kathy et Paul Birckel – alors chef des Premières Nations de Champagne et d’Aishihik – ouvrent le magasin et une ligne de production Yukon Native par l’intermédiaire de la Yukon Indian Arts and Crafts Society pour mettre en valeur les talents des Premières Nations. Ils travaillent notamment en collaboration avec la compagnie de la Baie d’Hudson et vendent à l’international grâce aux catalogues. Chaque commande est alors conçue à la main, les couturières pouvant travailler chez elles ou dans l’arrière-boutique du magasin de Whitehorse. En 1985, 500 personnes fabriquaient parkas, mocassins, mukluks et mitaines pour l’entreprise.
Le parka du Yukon impose alors son style : long, en coupe droite, souvent coloré, avec un revêtement extérieur hydrofuge et un duffle-coat en laine duveteuse à l’intérieur. De la fourrure – principalement de renard ou de lièvre – est cousue au niveau de la capuche et de l’ourlet. Le vêtement est réputé pour sa durabilité grâce à l’utilisation de matériaux de haute qualité. Des symboles du Nord en cuir ou brodés sont généralement ajoutés en décoration : ours, cervidés, arbres, chiens de traîneaux… « Les symboles peuvent aussi être représentatifs des clans ou de la personne qui porte le parka. J’ai par exemple cousu un parka avec des ours pour mon petit fils, car son prénom signifie Ours en gwich’in », partage San Chuck.
Le retour du parka
Depuis quelques années, le Conseil des Premières Nations du Yukon propose des ateliers de confection de parkas offerts gratuitement aux Premières Nations grâce au service de préservation de la famille. « Ces ateliers ont pour but de renforcer les familles et de nous réapproprier notre culture en suivant un enseignement traditionnel », explique San Chuck. Après avoir suivi cet atelier grâce à la formatrice Dorathy Wright, San Chuck a perfectionné son savoir-faire pour pouvoir à son tour transmettre ces techniques traditionnelles. « J’ai déjà donné un atelier et de nombreuses leçons particulières à mon domicile », ajoute-t-elle.
Des ateliers de confection sont également offerts dans les communautés, les écoles, les centres culturels et lors de festivals comme celui d’Adäka à Whitehorse. Cette année, c’est Rosemarie Gassner qui a formé une dizaine de dawsoniennes à l’Université du Yukon. « C’est un long apprentissage. Le prix était très abordable car le Yukon College souhaitait avant tout aider à la transmission d’un savoir typiquement yukonnais et réunir des membres de la communauté au cœur de l’hiver. Le matériel, notamment la fourrure de renard que nous avons utilisée, est particulièrement coûteux », explique Rosemarie Gassner.
Mariève Bégin a ainsi pu confectionner son parka sur mesure. « C’est la première fois que je fais de la couture comme ça, c’est beaucoup d’étapes, de coudre, découdre, recoudre pour que cela s’ajuste. Après 60 heures de travail acharné, j’ai presque terminé. Je ressens une profonde gratitude pour Rosemarie Gassner, pour sa patience, son soutien et ses astuces professionnelles partagées tout au long de l’expérience », s’enthousiasme-t-elle.
Depuis une quinzaine d’années, SKOOKUM, une entreprise yukonnaise de fabrication de parkas cousus à la main sur mesure, a repris le flambeau en proposant des parkas traditionnels et modernes. Ils vendent aussi bien localement qu’à l’international grâce à Internet. Le petit succès de cette entreprise a été appuyé par Olivier Pellegrin. « La compagnie a eu une très belle histoire. Un tiers des ventes est en Scandinavie, un tiers au Yukon et le dernier tiers dans le reste du Canada. À cause des concurrences de villes du Sud et étrangères, c’était presque impossible de développer une entreprise manufacturière au Yukon. À Dawson, c’est encore plus miraculeux », explique-t-il.
« Les parkas, parmi les autres vêtements que nous portons pour nous protéger des éléments, sont aussi l’occasion d’exprimer notre créativité et notre individualité. Qu’il s’agisse du choix des couleurs, des garnitures, du perlage ou du type de fourrure, le parka que nous choisissons de porter, en particulier dans une petite communauté, peut servir de repère pour savoir qui est qui lorsque nous sommes tous emmitouflés. Le style des parkas est également un indicateur de l’endroit où l’on vit dans le Nord, et il est donc toujours amusant de voir des styles différents dans l’ensemble des régions arctiques et subarctiques », partage la couturière Sally Demerchant, qui travaille pour la petite entreprise.
Pour faire un parka adulte traditionnel à base de fourrure, il faut compter :
- de 25 à 35 peaux de lièvre
- ou 40 peaux d’écureuil
- ou de 7 à 9 peaux de lynx
- ou 3 peaux de phoque
Pour orner la capuche, choisir entre le carcajou, le loup, le renard ou l’ours.
Les peaux plus souples comme celles du lièvre et du lynx devraient avoir de la fourrure de carcajou aux extrémités pour protéger le vêtement (manches, capuche, bas du parka).