le Dimanche 6 octobre 2024
le Jeudi 27 octobre 2022 5:00 Société

Une crise du logement sans précédent dans le Nord

Le dernier recensement de Statistique Canada met en garde contre la dégradation des conditions de vie des Autochtones, des Métis et des Inuits.

Rendues publiques le 21 septembre 2022, ces nouvelles données, recueillies en 2021, mettent en lumière l’augmentation de la proportion des personnes vivant dans un logement surpeuplé au Nunavut et dans la région désignée des Inuvialuit, notamment.

En 2021, un Autochtone sur six, soit 17,1 %, vivait dans un logement surpeuplé jugé non convenable pour le nombre de personnes qui y habitaient et pour lequel il n’y avait pas assez de chambres à coucher par rapport à la taille du ménage.

De plus, 16,4 % des locataires autochtones sondés vivaient dans un logement nécessitant des réparations majeures, contre 5,7 % pour les personnes non autochtones. Même si cette dernière proportion représente une baisse de 2,7 points (de pourcentage) par rapport à 2016, la crise du logement dans les territoires est toujours présente.

Une crise qui perdure au Nunavut

Cette situation alarmante ne date pas d’hier. Le 23 mars 2016, la Société d’habitation du Nunavut (SHN) publiait un rapport accablant sur les statistiques « dévastatrices du logement au Nunavut ».

« Ce n’est un secret pour personne que le Nunavut fait face à une crise du logement, marquée surtout par une grave pénurie de logements et des taux de surpeuplement inégalés ailleurs au pays », peut-on lire en introduction du rapport.

Les coûts de construction faramineux ainsi que les faibles revenus des personnes vivant dans les logements publics sont quelques-unes des raisons invoquées dans le document. Une stratégie de financement à long terme avec le gouvernement fédéral est invoquée comme la solution pour résoudre la crise du logement au Nunavut, sans quoi aucun financement sans collaboration au préalable ne pourra résoudre cette crise majeure.

« Nous nous sommes réunis avec des organisations inuites pour demander cela en 2004, et sans cela, plus de dix ans plus tard, nous sommes dans la même situation désastreuse en matière de logement qu’il y a dix ans, malgré plus de 500 millions de dollars investis », explique la SHN en conclusion du document.

Le 18 août 2022, la SHN a annoncé avoir conclu une entente de principe avec l’organisme Développement NCC Ltée pour accroître et améliorer l’offre de logements dans le territoire. Que ce soient les logements de transition, les logements publics ou encore les logements à prix abordable, le marché de l’immobilier au Nunavut ne répond toujours pas à la demande et aux besoins croissants de logements des habitants.

Pour la SHN, entre 3 500 et 4 000 nouveaux logements sont actuellement nécessaires pour combler l’écart dans l’offre de logements sur l’ensemble du territoire.

Des logements vétustes aux Territoires du Nord-Ouest

À l’échelle nationale, la proportion de membres des Premières Nations vivant dans un logement nécessitant des réparations majeures était la plus élevée aux Territoires du Nord-Ouest (30,0 %) et au Manitoba (28,7 %) selon Statistique Canada. Sur les 2 500 logements sociaux aux T.N.-O., 39 sont vides et bénéficient actuellement de travaux et 93 ne sont pas habités et nécessitent des réparations.

« Compte tenu de l’ancienneté des bâtiments, certains logements aujourd’hui occupés auront besoin d’être réparés ou rénovés dans les prochaines années. Chaque année, Habitation TNO investit de l’argent dans des travaux de réparations, majeurs et mineurs. Nous composons cependant avec un manque d’infrastructures et, bien que nous tentions de terminer les travaux dans les temps, nous devons d’abord privilégier les réparations les plus urgentes, desquelles dépendent la santé et la sécurité des locataires, avant d’effectuer les autres travaux lorsque les ressources sont disponibles », précise le gouvernement des T.N.-O., qui dit travailler sur l’ajout de 100 nouveaux logements à son parc immobilier au cours de la 19e Assemblée.

Au 29 septembre 2022, 877 personnes étaient inscrites sur la liste d’attente pour obtenir un logement social. Ce chiffre demeure constant depuis les trois dernières années.

Yukon : une situation critique dans la capitale

À Whitehorse, capitale du territoire, la situation des personnes mal logées et itinérantes a empiré. Pour Anthony Boisvert, employé de l’organisme yukonnais pour la défense du droit au logement Safe at Home, les difficultés d’accès à un logement dans la capitale ont atteint un point de gravité jamais connu auparavant. Avec le retour de la saison touristique, qui avait connu deux années en berne à cause de la pandémie de COVID-19, des hôtels de la capitale, dans lesquels une location de chambre au mois était possible, ont demandé à ses résidents de quitter les chambres, avec un ou deux mois de préavis, au 1er mai et au 1er juin 2022.

« Au début de l’été, beaucoup d’hôtels ont mis des personnes à la porte pour pouvoir accueillir des touristes, et de nombreuses personnes se sont retrouvées à la rue sans solutions alternatives », indique M. Boisvert.

Avec l’arrivée des jours froids de l’automne, les solutions manquent. Il y a actuellement à Whitehorse entre 220 et 225 personnes sans logement stable, dont 65 enfants, selon l’organisme. En août 2022, Safe at Home a publié un document dans lequel dix actions rapides, faciles à mettre en place et ne nécessitant aucun budget spécifique ont été présentées, car elles ont le potentiel de résoudre cette problématique à court terme.

Pour M. Boisvert, ces solutions présentent un intérêt majeur pour régler le problème de l’itinérance avant l’arrivée de l’hiver. La création d’une association de locataires ou encore l’interdiction des avis d’expulsion sans raison sont deux actions qui devraient être mises en place rapidement, selon lui.

Le 4 octobre 2022, le gouvernement du Yukon se réunissait avec ses partenaires du secteur du logement communautaire lors du Sommet sur le logement de 2022. Même si ce Sommet portait sur l’accès au logement des personnes vulnérables et les solutions de logement novatrices, M. Boisvert estime que rien ne changera vraiment et ne pense pas que des actions concrètes seront mises en place rapidement.

« Actuellement, toutes les personnes qui louent un logement à Whitehorse sont à risque et ne sont pas à l’abri de se retrouver à la rue à cause des évictions sans raison [que les propriétaires peuvent invoquer] », conclut-il.

Une collaboration des cinq médias francophones des trois territoires canadiens : les journaux L’Aquilon, L’Aurore boréale et Le Nunavoix, ainsi que les radios CFRT et Radio Taïga