Propos recueillis par : Marie Mounier
L’Association franco-yukonnaise (AFY) développe le projet Bien vieillir en français au Yukon dans la perspective de répondre aux enjeux d’une population de plus en plus vieillissante au territoire. Rencontre avec Isabelle Salesse, directrice générale de l’AFY.
L’Aurore boréale : Comment s’est développé le projet Bien vieillir en français au Yukon ?
Isabelle Salesse : Depuis environ six ans, l’Association franco-yukonnaise (AFY) a repris le dossier des aîné.e.s sur le territoire. À la lueur des informations que nous avions, nous avons décidé qu’il était nécessaire de mieux structurer nos services. En automne 2019, nous avons créé un comité pour organiser le forum Bien vieillir en Français au Yukon. La première étape a été de mettre en place des consultations qui ont rejoint une quarantaine de personnes pour discuter sur le sujet. Ainsi, nous avons pu identifier les priorités du Forum afin de développer un plan stratégique.
AB : Qui participe à ce comité ?
IS : Patricia Brennan, gestionnaire des services aux aînées et aînés de l’AFY, est responsable du projet. Sandra St-Laurent, directrice du Partenariat communauté en santé (PCS), Jeanne Beaudoin, présidente de l’AFY, ainsi que deux bénévoles qui représentent la population franco-yukonnaise des aîné.e.s font partie de ce comité.
AB : Quelles sont les grandes lignes de ce plan ?
IS : Il est divisé en quatre axes : l’accès au logement abordable et de qualité, l’accès aux soins de santé et de mieux-être, le réseau d’entraide et de vie communautaire et le vieillissement chez soi. Le forum devait avoir lieu à la fin du mois de mars 2020, mais il a été annulé à cause de la pandémie. Le comité a tout de même continué le travail pour développer un plan stratégique et j’ai espoir qu’à partir de cet automne nous pourrons démarrer sa mise en œuvre.
AB : Quels sont vos projets prioritaires en attendant de pouvoir mettre en place le plan ?
IS : Il y a déjà des choses que l’on fait, comme la représentation auprès du gouvernement pour améliorer les conditions des personnes aînées à la retraite. De mon côté, j’ai été contactée par le gouvernement du Yukon pour siéger sur le comité consultatif Bien vieillir chez soi. Ma responsabilité est de m’assurer que les francophones sont inclus.e.s dans ce plan d’action, en fonction des recommandations que nous avons reçues. Nous travaillons aussi à l’identification d’un modèle de réseau d’entraide et de services et sommes en recherche active de son financement. Et, parallèlement, le PCS travaille déjà sur des actions santé et mieux-être.
AB : Comment faites-vous face à la pandémie, qui a grandement touché la population des aîné.e.s ?
IS : Au Yukon, il n’y a pas eu les mêmes répercussions sur les personnes aînées que l’on a pu constater dans le reste du Canada. Cependant, la pandémie a exacerbé l’isolement. Maintenant, tout se fait derrière un écran et une adaptation parfois difficile à la technologie a créé une deuxième couche d’isolement pour certain.e.s. Cela a aussi parfois ajouté du stress à la vie quotidienne, puisque c’est une population plus à risque. Ce n’est pas évident de répondre à tous ces besoins-là, car il faut respecter les règles sanitaires, mais nous avons essayé de faire des petites actions, des gestes d’attention : embaucher une personne pour apporter des épiceries, par exemple. Il y a aussi le café des ami.e.s qui permet (surtout en été) de se rencontrer à l’extérieur. Ça fait du bien de se retrouver avec de vraies personnes et pas derrière un écran.
AB : Combien y a-t-il d’aîné.e.s francophones au Yukon ?
IS : C’est compliqué d’obtenir des chiffres précis, car les échantillons sont vraiment petits, mais selon le recensement de 2016, il y aurait environ 400 personnes francophones de 55 ans et plus. D’ici 2030, on estime que plus de 20 % de la population yukonnaise seront des aîné.e.s.
AB : Comment expliquer ce vieillissement de la population franco-yukonnaise ?
IS : La population franco-yukonnaise est vieillissante et la réalité de notre communauté change. Avant, les gens venaient vivre ou travailler au Yukon, mais ne s’installaient pas pour y vivre à long terme ou pour y passer leur retraite. Aujourd’hui, on constate entre autres que la première génération de Franco-Yukonnais.e.s, née dans les années 80, choisit souvent de rester vivre au Yukon. Leurs parents, qui eux sont arrivés en premier, décident donc souvent de ne pas repartir pour rester auprès de leur famille. Le phénomène inverse existe aussi, où les parents viennent rejoindre leurs enfants au Yukon, au moment de leur retraite.