Il est encore trop tôt pour comprendre les conséquences psychosociales spécifiques du confinement yukonnais vécu dans la foulée de la pandémie de la COVID-19. Il est à prévoir toutefois que ces grands bouleversements laisseront des traces sur les plans individuel, familial et communautaire, d’où l’importance du maintien des différents services venant en aide à la population.
D’ailleurs, selon le superintendant Chan Daktari Dara de la Divison M de la Gendarmerie Royale du Canada (GRC) au Yukon, une légère hausse de cas déclarés de violence conjugale a été remarquée au territoire depuis le mois de mars comparativement aux chiffres de 2019. Il en va de même, semble-t-il, pour les cas liés à la santé mentale où la GRC a dû intervenir.
« Nos services auprès de la population de Whitehorse et celle des communautés n’ont pas été modifiés ces derniers mois. Seuls les services aux comptoirs ont été suspendus », assure le superintendant Dara, précisant du même souffle que les agents de la GRC sont maintenant tous munis de masques qu’ils utilisent au besoin.
Selon le superintendant, la fermeture des frontières yukonnaises ne semble pas avoir affecté positivement ou négativement la circulation de substances illicites au territoire. Toutefois, les sept décès yukonnais liés à une surdose, dont trois liés au fentanyl depuis le mois de janvier sont inquiétants. « Nous continuons de concentrer nos efforts sur le trafic de stupéfiants au Yukon. La visibilité policière est même accrue depuis le mois de mars », précise-t-il. « Puisqu’il n’y a personne en vacances ou en train de suivre une formation à cause de la pandémie, tout le monde travaille en ce moment. »
Blood Ties Four Directions
Dès le début des changements vécus au Yukon, il a été important pour le personnel de l’organisme Blood Ties Four Directions de s’assurer que les services offerts allaient rester en place. « Nous nous sommes assuré d’avoir la permission de continuer de faire les tests sur le fentanyl qui se font dans nos bureaux », explique Emily Jones, directrice de l’organisme, qui a dû toutefois diminuer le nombre de gens qui peuvent entrer dans leur bâtiment exigu.
« Pour l’instant, nous avons droit d’accueillir environ trois clients à la fois plutôt que dix », explique-t-elle, en ajoutant que l’étroitesse du bâtiment, combiné au besoin de distanciation physique, les obligera peut-être à déménager dans un lieu plus grand.
D’autre part, Blood Ties Four Directions a également pu continuer à offrir leurs services itinérants au centre-ville de Whitehorse, à l’exception toutefois du service de test du fentanyl. Ainsi, les services offerts, dont la distribution de matériel de survie (manteaux, gants, bonnets, couvertures, bottes, etc.), de café, de thé et de collations; la sensibilisation à la réduction des risques et la distribution de matériel connexe (trousses de crack plus sûres, préservatifs, aiguilles propres et matériel d’injection); ainsi que la sensibilisation aux surdoses et leur prévention (trousses de naloxone qui est un antidote à la surdose d’opioïdes) se sont poursuivies.
En ce qui a trait aux répercussions concrètes de la pandémie chez la population à risque en sol yukonnais, rien n’est encore certain. « Il n’y a pas de statistiques disponibles en ce moment, mais nous avons l’impression que la demande de trousses de naloxone et d’échange d’aiguilles propres a augmenté depuis le début de la pandémie », confie Emily Jones.
Services gouvernementaux en santé mentale
Depuis le mois de mars, le gouvernement du Yukon a également été obligé d’ajuster ses services offerts en santé mentale. Les changements principaux sont au sein des réunions de soutien en groupe ainsi qu’au programme de désintoxication de 35 jours, The Living Treatment Program, destiné aux gens aux prises avec la consommation d’alcool et de substances illicites. Ce dernier a été suspendu pendant quelques semaines en mars. « Nous avons pu recommencer à offrir ce programme dans une version modifiée dès le mois d’avril », explique Cameron Grandy, responsable des services pour le mieux-être mental et la lutte contre l’alcoolisme et la toxicomanie. « Nous acceptons toutefois un moins grand nombre de gens et le nombre de programmes a été diminué afin de pouvoir respecter les normes de distanciation physique. Pour l’instant, nous continuons d’attendre comme tout le monde les directives du médecin-hygiéniste du Yukon avant de reprendre pleinement toutes nos activités. »
Les services de consultation, quant à eux, n’ont pas été annulés. Ils ont pu se poursuivre principalement par téléphone. Les séances de formation pour la manipulation des trousses de naloxone se sont également poursuivies, mais en plus petits groupes.
Soutien au deuil
Le support offert par Hospice Yukon pour les gens qui vivent un deuil a également pu être maintenu avec, encore là, un certain nombre de modifications. « Nous avons été obligés de fermer nos portes au public », explique Deb Higgings, coordonnatrice aux communications pour Hospice Yukon. « Mais nous avons réussi à modifier nos services afin de pouvoir continuer d’offrir du support aux gens. C’était important, car plusieurs Yukonnais ont vécu depuis le début de la pandémie des peines, de l’anxiété et des deuils avec leurs familles ou amis qui sont loin. C’est difficile de faire un deuil dans de telles circonstances. »
Ainsi, des services d’accompagnement continuent d’être offerts par téléphone ou par Internet. « Les deux premières semaines de confinement, je crois que tout le monde était en choc. Plus personne ne nous contactait alors que nous savions très bien qu’il y avait des gens en deuil et en souffrance. Ensuite, tout est revenu à la normale », confie Mme Higgings.
En ce moment, Hospice Yukon aide les gens à trouver des solutions afin de leur permettre de faire leur deuil à distance. « Nous avons offert en ligne l’atelier Deuil et poésie et ça a bien fonctionné », ajoute-t-elle. « Cette formule est peut-être même mieux ainsi, car chacun est confortablement installé chez lui pour réfléchir et écrire. C’est plus privé de faire ce travail de la maison que dans le petit espace de nos bureaux et nous pouvons joindre les gens des communautés. »
Des séances de Marche et chagrin ont pu se faire aussi à distance grâce à l’application Zoom. « Les gens ont pu se connecter virtuellement avant et après leur marche. Ça a bien fonctionné, mais la qualité de l’échange qui s’opère habituellement pendant ces marches n’est pas la même », admet-elle.
Initiative de journalisme local APF – Territoires