«Aux Îles, c’est pas pareil.» Cette affirmation, Claude Gosselin, l’ancien prêtre de la communauté francophone catholique du Yukon, l’entend régulièrement aux Îles-de-la-Madeleine. En visite au territoire pour quelques jours de vacances, l’abbé Gosselin a accordé une entrevue à l’Aurore boréale.
Une nouvelle vie
« J’ai échoué aux Îles-de-la-Madeleine il y a maintenant deux ans, et tout est encore nouveau pour moi. Tout est différent! L’altitude, le climat. La société des îles est insulaire, alors que celle du Yukon est solaire, puisque les gens viennent de partout. Ici, on peut faire le tour du monde en restant chez soi. Aux Îles, c’est très différent. Les gens sont là depuis toujours et ils restent chez eux. Il n’y a pas de montagnes, mais il y a la mer. J’apprends à vivre différemment. »

Même s’il vit de façon différente, Claude Gosselin
continue d’aller à la rencontre des gens. Photo: Marie-Claude Nault
Même s’il affirme vivre de façon différente, Claude, comme tout le monde le connaît ici, n’a pas changé. Le regard est toujours intense et le rire éclate à tout venant.
Est-ce que la mer lui parle? « Pas encore, mais ça va venir », lance-t-il. Cet homme qui aime le silence trouve la mer parfois bruyante, voire difficile à apprivoiser. Un insulaire lui a confié : « Un jour, tu ne l’entendras plus. De toute façon, en hiver, elle se tait. »
Beaucoup de changements
Mais se retrouver subitement à l’autre bout du pays entraîne un lot de changements qui ne sont pas seulement géographiques. C’est la première fois que le prêtre travaille dans une église qui a des traditions profondément enracinées. À Whitehorse où il a passé douze ans, tout était à construire et à inventer.
Il constate que les Madelinots ont de la mémoire : la mémoire des jours et des heures, la mémoire des couleurs et des détails. Ils savent se serrer les coudes dans les moments de malheur. La récente tragédie de la famille Lapierre, dont quatre membres sont décédés dans un accident d’avion, a d’ailleurs mis cette région au cœur de l’actualité. Le curé Gosselin était l’un des officiants aux obsèques des Lapierre.
Il arrive que les gens lui disent : « Tu n’es pas notre curé. » Il accepte cette remarque amère avec philosophie. Les temps changent. Les curés autoritaires qui régnaient sur leurs ouailles ne font plus partie du paysage. Aujourd’hui, ils ne sont plus que deux — Claude et un confrère — au service d’une population de quelque 12 291 personnes (recensement de 2011).
À la rencontre des gens
L’abbé Gosselin prend régulièrement la route pour rencontrer ceux ou celles qui en font la demande ou en expriment le besoin. Les îles sont reliées entre elles par des dunes ou des ponts. Il estime conduire 2 000 km par mois sur une étendue d’environ 100 km de terre.
Les funérailles le tiennent aussi occupé au rythme de trois ou plus par semaine. Claude fait les recherches nécessaires auprès des familles des disparus avant d’écrire l’homélie. C’est une tâche qu’il juge importante.
Réconciliation
Dans sa nouvelle terre d’adoption, une terre qui, selon ses mots, oblige à l’humilité, l’homme d’Église fait ce qu’il faisait ici, il va à la rencontre des gens. « C’est mon travail », dit-il. Et le travail ne manque pas. Sur le plan personnel, il dit être à la pêche de la sagesse : « Tous les jours, j’apprends à me réconcilier avec le changement. »