Les femmes ne sont pas nombreuses en politique canadienne. Audrey McLaughlin le sait bien, car elle a été la première femme à être élue chef de parti, en remportant l’élection à la chefferie du Nouveau parti démocratique en 1989. Elle avait auparavant été élue députée fédérale du Yukon en 1988, encore là, la première femme à occuper ce poste.

Audrey McLaughlin a constaté que la violence envers les femmes est présente partout dans le monde. Photo : Cécile Girard
Mme McLaughlin a accepté de nous recevoir chez elle au centre-ville de Whitehorse. La journée était pluvieuse, mais dès que nous avons franchi la porte, une atmosphère sereine a pris possession du moment. Son sourire chaleureux et son regard vif y étaient pour quelque chose. La sagesse de ses ans aussi, Audrey McLaughlin aura 79 ans en novembre prochain. Que retient-elle de son expérience politique?
« Être la première a toujours été difficile. J’ai appris à connaître mon pays et j’ai rencontré des gens incroyables, de tous âges, de toutes ethnicités. J’ai aussi appris qu’il y avait de nombreuses barrières que les femmes doivent affronter. Si une femme fait une erreur en politique, on blâme toutes les femmes. Mais si un homme fait une erreur, il est le seul à être blâmé », croit-elle.
Une riche expérience
De 1996 à 1999, Mme McLaughlin a assumé la présidence de l’Internationale socialiste des femmes (L’Internationale socialiste des femmes est l’organisation internationale des organisations des femmes des partis socialistes, sociaux-démocrates et ouvriers affiliés à l’Internationale socialiste).
Celle qui a laissé la vie politique active en 1997 a été impliquée dans des projets relatifs aux élections dans 22 pays, notamment en Afrique et en Europe de l’Est.
« J’ai travaillé dans des endroits qui tombaient en morceaux », lance-t-elle. Son travail consistait à apporter du soutien aux groupes de jeunes et de femmes sur des questions techniques organisationnelles.
En 2000, elle devient membre de l’Institut national démocratique pour les affaires internationales (NDI). C’est dans ce cadre qu’elle se retrouve au Kosovo pour aider les femmes à se présenter en politique.
Violence partout
« Mon travail à l’international m’a amenée à faire un constat : la violence contre les femmes est partout. Comment se fait-il que les femmes soient encore victimes de violence? Quelles places occupent-elles dans nos sociétés? Quelles sont nos valeurs? Les médias sociaux sont une partie du problème plutôt que la solution. Quels rôles jouent-ils dans l’image que les femmes ont d’elles-mêmes? Il y a une trentaine d’années, quand on demandait aux jeunes filles ce qu’elles voudraient faire plus tard, elles répondaient : docteure ou enseignante. Aujourd’hui, elles veulent être des stars! », témoigne-t-elle.
Représentation démographique
Par ailleurs, Mme McLaughlin croit fermement que les femmes devraient représenter 50 % de la faune politique. Le système électoral devrait tenir compte de la démographie. La structure du pouvoir devrait être changée. Elle a consacré une bonne partie de sa carrière à faire du recrutement du côté féminin. Les femmes n’aiment pas être sur la scène publique en raison d’un manque de confiance en elles. Elles se sous-estiment et c’est une caractéristique des sociétés nord-américaines. Audrey McLaughlin trouve navrant que certaines femmes se disent tout simplement ménagère ou femme à la maison. « Avoir des enfants et les éduquer est un rôle très important dans notre société. Les femmes ont un bagage de connaissances impressionnant qui n’est pas toujours reconnu. J’ai souvent entendu dire que les femmes ne sont pas qualifiées. Et pourtant, elles le sont. J’ai vu la véritable bravoure des femmes en Afghanistan et encore au Kenya. Là-bas, elles sont tuées si elles s’impliquent et pourtant elles continuent de s’engager! », raconte-t-elle d’une voix scandalisée qui contraste avec la quiétude des lieux.
L’entretien se termine après 90 minutes alors qu’il y aurait mille autres questions à explorer. Elle m’accompagne jusqu’à son perron et ne peut s’empêcher de commenter le chantier de construction qui va bon train au bout de sa rue. « Une vision à court terme! » Mme McLaughlin s’intéresse à ce qui se passe dans sa cour et partout ailleurs. Il faudra revenir la voir.