le Mercredi 4 octobre 2023
le Vendredi 6 février 2015 10:48 Société

Pondichéry, un vrai coup de cœur

L'édifice de l'Alliance française à Pondichéry. Photo : Sylvie Binette.
L'édifice de l'Alliance française à Pondichéry. Photo : Sylvie Binette.

Sylvie Binette

C’est la fête du Pongal qui commence aujourd’hui à Pondichéry en Inde. Avec la nouvelle lune du mois de janvier, on passera donc à une nouvelle année et tout le monde est en fête. Déjà, à 6 h du matin, les femmes dessinent des kolams à l’entrée des maisons afin de souhaiter la bienvenue. Ces motifs blancs traditionnellement faits à partir de farine de riz prennent aujourd’hui des couleurs extraordinaires. Pour les quatre prochains jours, la maîtresse de maison prendra soin de créer un nouveau kolam chaque jour.

Un kolam. Photo : Sylvie Binette.

Un kolam. Photo : Sylvie Binette.

Durant ce premier jour du Pongal, on voit aussi des petits feux qui brûlent ici et là, laissant brûler le vieux balai, les vieux vêtements afin de recommencer l’année avec du neuf. Au marché, on s’affaire à vendre les feuilles de bananiers, la canne à sucre et le riz Pongal qui serviront à cuisiner ce riz traditionnel servi en cette occasion. Demain, ce sera la décoration des vaches et la grande parade.

Pondichéry : son passé

Pondichéry, appelée maintenant Punduchery est une petite ville blottie sur le littoral du golfe du Bengale. Ce lieu enchanteur, fascinant et romantique se distingue par son influence tamile et française. Cet ancien comptoir français fut établi en 1869 et comptait un fort et un poste de commerce, ce qui fit de cette ville un lieu commercial central au temps des colonies. Pondichéry n’était pas à sa première expérience avec le commerce. Déjà, au premier siècle durant l’Empire romain, les géographes de Rome la convoitèrent et notèrent ce lieu dans leurs registres, sous le nom de Poduki. Ce lieu Vedic important de l’ancien temps fleurit et prend le nom de Pudicheri qui signifie nouvelle ville en Tamil. Ce nom, elle le porta jusqu’à ce que les Français y établissent leur poste de commerce en 1869, après le passage des Portugais et Danois qui y avaient eux aussi mis les pieds.

La ville prend forme

Cette ville construite sur des marécages et des dunes abrite des rues apparentées au modèle français des villes de la Bastide. Par contre, de récentes découvertes démontrent que les Danois seraient possiblement responsables du développement de Pondichéry lors de leur occupation en 1694.

En 1750, la ville est fortifiée. En 1761, les Britanniques détruisent Pondichéry et la retournent aux Français en 1765, et c’est en 1788 que le grand canal est construit, ce lieu qui démarque très clairement la partie française et la partie Tamul de la ville. Encore aujourd’hui, les rues de la ville sont identiques à celles qui furent établies en 1750.

Clémence raconte : Pondichéry, l’État indien

Clémence Goubert. Photo : Sylvie Binette.

Clémence Goubert. Photo : Sylvie Binette.

Quelle chance que j’ai de rencontrer Clémence Goubert, née en octobre 1935 à Mahé, sous-préfecture de l’état de Pondichéry. Clémence rayonne lorsqu’elle me raconte son histoire, celle de sa famille, de son coin de pays et de son père. Il faut savoir que Clémence est la fille d’Edouard Goubert, un Eurasien issu d’un père français et d’une mère indienne en 1894, qui est respon-sable du traité signé le 6 juillet 1962 avec la France afin de remettre Pondichéry à l’Inde et d’en faire un État indien en soi. Clémence me raconte comment son père, ancien combattant de la Première Guerre mondiale, greffier et maire de Pondichéry durant trente ans, a contribué à cette négociation. Dès 1952, les colonies françaises comme l’Algérie et l’Indochine démontrent des signes qu’elles tomberont des mains des Français. En 1952, le père de Clémence, alors député à l’Assemblée nationale de Paris des territoires français hors France, accompagné du premier ministre de l’Inde Jawaharlal Nehru, négocie auprès de Mendes-France du gouvernement français la restitution de Pondichéry à l’Inde. La décision est prise en 1954 que Pondichéry passera aux Indiens, mais ce n’est que le 6 juillet 1962 que Pondichéry devient officiellement un État indien contenant quatre sous-préfectures : Pondichéry, Mahé sur la côte ouest, Karikal au sud et Yanaon au nord. Un État qui compte maintenant 900 000 habitants. Et la création de cet État, on la doit aussi à M. Goubert qui s’est débattu afin que Pondichéry ne soit pas annexée avec Madras (aujourd’hui appelé Chennai).

La période de 1954 à 1962 ne fut pas sans inquiétudes pour la famille de Clémence, même si la restitution s’est faite sans violence. Son père étant menacé par des Pondichériens préférant rester sous le régime français, la mère de Clémence décida de déménager avec les enfants à Mysore. Le stress causé par ces événements causa sa mort le 21 juin 1954.

Juste après la décision de 1954, le consulat français à Pondichéry ouvrit pour deux jours ses portes et donna à tous les citoyens de Pondichéry qui le désiraient la citoyenneté française. Résultat : nombreux furent les Indiens qui obtinrent cette citoyenneté à émigrer vers la France, tandis que d’autres y sont restés. Aujourd’hui, ces citoyens ont un visa à vie pour l’Inde et nombreux sont ceux qui viennent y passer une partie de leur retraite.

Pour Clémence, après la restitution de Pondichéry à l’Inde, ce fut la rencontre d’un mari français en 1964, alors qu’elle travaille comme hôtesse de l’air pour Air France. Contradictions peut-être, disaient certains de ses collègues de travail français. « Tu viens travailler pour les Français quand ton père a restitué Pondichéry à l’Inde. » Mais pour Clémence, ce fut le début d’une nouvelle aventure.

Pondichéry : mon coup de cœur

Quand je marche dans Pondichéry, je marche sur la rue du Capitaine Marius-Xavier, je retrouve des boutiques comme La vie en rose, des cafés comme Le café des arts et des restos qui servent des plats français en sauce. Un peu plus tard, je bouquine à la bibliothèque de l’Alliance française qui offre toujours des cours de français. C’est à la maison Colombati de l’Alliance française que je rencontre Patrice, un Belge, qui passe quelques heures à faire la conversation avec MSA et SHYAM afin qu’ils puissent pratiquer la langue de Molière. J’aime bien Pondi, cette ville à un je-ne-sais-quoi qui fait que l’on y prend goût.

L'édifice de l'Alliance française à Pondichéry. Photo : Sylvie Binette.

L’édifice de l’Alliance française à Pondichéry. Photo : Sylvie Binette.