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le Lundi 1 Décembre 2014 10:36 Société

Michaëlle Jean portera la parole

« Exceptionnelle, selon Christophe Traisnel : du charisme, le sens de la communication et elle sait parler. » (Photo officielle www.michaellejean.ca)
« Exceptionnelle, selon Christophe Traisnel : du charisme, le sens de la communication et elle sait parler. » (Photo officielle www.michaellejean.ca)

Jean-Pierre Dubé (APF)

Le conte de fée continue pour la réfugiée haïtienne à l’aïeule acadienne, devenue journaliste radio-canadienne, gouverneure générale et chancelière d’université. Le 29 novembre, Michaëlle Jean a été élue secrétaire générale de l’Organisation de la Francophonie internationale (OIF).

« Exceptionnelle, selon Christophe Traisnel : du charisme, le sens de la communication et elle sait parler. » (Photo officielle www.michaellejean.ca)

« Exceptionnelle, selon Christophe Traisnel : du charisme, le sens de la communication et elle sait parler. » (Photo officielle www.michaellejean.ca)

Les membres réunis pour un XVe Sommet à Dakar ont orienté l’organisme vers la modernité, les jeunes, les femmes et le développement économique. Ils ont choisi un symbole puissant pour incarner le changement. Nommée à l’issue de tractations difficiles, la nouvelle secrétaire générale entrera en fonction dès janvier et pour quatre ans comme première femme et hors Afrique à diriger l’OIF.

« Je ne peux pas vous dire à quel point on était heureux, déclare Paulette Sonier Rioux, représentante de l’Alliance des femmes de la francophonie canadienne. On entendait toutes sortes de rumeurs. On sait aussi que dans certains pays, on pense que la femme est incapable de jouer un rôle comme ça.

« Ça a été l’apothéose! Notre retour au Canada a été retardé, madame Jean est venue nous rencontrer à l’hôtel, on a pu célébrer ensemble. Chausser les souliers du secrétaire général Abdou Diouf, c’est quelque chose : il est adulé, presque vénéré. Elle va donner un nouveau souffle. »

Le professeur de science politique de l’Université de Moncton, Christophe Traisnel, qualifie la Canadienne d’exceptionnelle. « Elle s’est démarquée des autres, elle a du charisme, le sens de la communication et elle sait parler. On ne lui demande pas d’inventer la Francophonie, mais de porter la parole des États membres.

« La nouvelle secrétaire générale n’a pas occupé de fonctions politiques, reconnaît-il. Elle a été gouverneure générale, un poste protocolaire et de représentation. Au plan diplomatique, il y a un point d’interrogation. Mais elle peut apprendre au fur et à mesure. »

Le Sommet s’est terminé avec l’adoption de résolutions pour renforcer l’usage du français, défendre les droits humains, appuyer tous les instruments en éducation, lutter contre le terrorisme et promouvoir une stratégie économique. La Francophonie mondiale compterait 276 millions de locuteurs.

Selon Christophe Traisnel, l’élection de Michaëlle Jean révèle une présence croissante du Canada et un engagement faiblissant de la France. « C’est révélateur de rééquilibrage. La francophonie n’est absolument pas un enjeu en France, où le Sommet est une simple anecdote dans la couverture médiatique. La France sous-estime l’importance de ce terrain.

« Tandis qu’au Canada, soutient le politicologue, l’enjeu linguistique est un enjeu politique, dans cette concurrence continuelle avec l’anglais. La présence de Michaëlle Jean est très appropriée. Elle va inciter les Canadiens à regarder de plus près la francophonie mondiale.

« Mon espoir, dit-il, c’est qu’il y aura une prise de conscience que le français est une langue internationale, établie sur les cinq continents. Ça ne peut que dynamiser le statut de la langue française au Canada et renforcer la santé des organismes en milieu minoritaire.

« Dans la francophonie canadienne, on se regarde trop le nombril et on a tendance à voir le français comme un enjeu local, note Christophe Traisnel. On parle des francophones noyés dans un océan anglophone. Mais on n’est pas tout seul au monde. On est en pleine mondialisation et le français est la langue qui progresse le plus. C’est une langue d’avenir. Si j’étais parents, je me dirais : il faut absolument que je l’enseigne à mes enfants. »

Malgré la thématique jeunesse, le président de la Fédération de la jeunesse canadienne-française, Alec Boudreau s’est senti tout seul de sa génération à Dakar. « J’étais la personne la plus jeune du Sommet. Les autres avaient au moins 30 ans. Dans les autres délégations, il n’y avait aucun jeune. »

Le président est persuadé que les choses vont changer avec l’arrivée de Michaëlle Jean. « On est là pour vous », aurait-elle déclaré avant le départ de la délégation canadienne. « C’est une femme incroyable et elle a les jeunes à cœur. J’ai l’impression qu’on sera plus nombreux au prochain Sommet.

« Avec madame Jean, ajoute-t-il, le Canada a pris un rôle de leadership. Elle connaît bien la réalité de la francophonie canadienne. C’est pas juste le Québec, elle va nous représenter. En montant dans l’avion pour le retour, on était très excités. Il y avait un grand sens d’accomplissement. »

Paulette Sonier Rioux apprécie la campagne menée par le gouvernement fédéral pour appuyer Michaëlle Jean. « Le premier ministre Harper a joué un très grand rôle sur place. J’ai senti une ouverture du gouvernement pour la francophonie canadienne que je ne sentais pas avant. »