Marie-Hélène Comeau
À la veille de son départ pour la petite communauté de Tuktoyoktuk aux Territoires du Nord-Ouest, une Franco-Yukonnaise dévoile des parcelles de son histoire nordique qui est cousue d’entraide, de rencontres et d’une église à rénover.
« Il y a une grande paix à Tuk », confie d’amblée Carmelle St Vincent, missionnaire dans l’âme, qui se rend chaque année depuis 2007 dans cette petite communauté inuite de 950 habitants. Un lieu magique logé en bordure du delta du fleuve Mackenzie sur la côte arctique du Canada.
La raison de ces allers-retours? La rénovation de l’église Our Lady of Grace qui a été construite il y a 75 ans par les pères Oblats. Toutefois, l’infiltration d’eau causée principalement par l’énorme coupole de 850 livres installée sur le toit de l’église a fini par avoir raison de la structure, forçant l’exécution de travaux majeurs.
Lorsqu’elle s’installe à Whitehorse en 2005, Carmelle St Vincent est loin de soupçonner que Tuktoyoktuk l’attend sur le chemin du destin.
« Alors que je faisais du bénévolat pour le presbytère à Whitehorse, j’ai pu faire la rencontre de Sister Fay. Elle m’a raconté sa vie à son travail et les gens de sa communauté. Ça a piqué ma curiosité. Cette rencontre a eu lieu en juin et en octobre je prenais l’avion pour séjourner six semaines à Tuktoyoktuk. Ce voyage s’est transformé en temps de repos où j’ai appris… à ne rien faire et à laisser tout simplement arriver les choses », confie-t-elle.
C’est au moment de prendre sa retraite de l’enseignement à Edmonton que Sister Fay se fait offrir un poste à Tuktoyoktuk. Dès son arrivée dans cette petite agglomération nordique, la septuagénaire remarque l’urgence de rénover la vieille église. Toutefois, son horaire du temps chargé entre la banque alimentaire, la friperie pour les démunis et la supervision des gens qui doivent faire du travail bénévole lui laissait finalement peu de temps pour entreprendre ce projet d’envergure.
« Les journées commencent vers 9 h ou 10 h ou dès le moment où on entend la première sonnerie du téléphone et ça n’arrête pas de la journée. À l’heure du souper, il n’est pas rare de réaliser que le repas du dîner a été oublié dans le lot du travail à accomplir », raconte Carmelle en parlant de la maison de Sister Fay située à proximité de l’église. « C’est à la fois une maison privée et publique. C’est dans la salle principale que se tiennent les messes, les dîners ou la couture. Elle sert aussi de salle de jeux pour les enfants et parfois elle peut même se transformer en chambre à coucher en installant des matelas de sol », énumère-t-elle.
Vu l’ampleur de la tâche à accomplir, Sister Fay ne tarde pas à confier à Carmelle de plus en plus de tâches liées à la rénovation de l’église. C’est ainsi que chaque été, Carmelle St Vincent s’envole pour Tuktoyoktuk avec à ses côtés une équipe de bénévoles qu’elle a recrutée afin de participer aux travaux de rénovation de l’église. En plus du recrutement, Carmelle doit commander le matériel, réserver les vols, trouver les outils disponibles sur place, coordonner le transport sur place des bénévoles et s’assurer de la sécurité des lieux.
Ainsi, au fil des étés, à raison de quelques semaines à la fois, les rénovations ont pu progresser. La patience est de mise puisqu’au nord du cercle polaire, c’est la température qui dicte la cadence des travaux. Il faut attendre le court été pour travailler. Néanmoins, sept ans après le début des travaux, la structure de l’église est maintenant surélevée et dotée de nouveaux murs, d’un plancher isolé et sablé, d’un toit réparé et l’électricité est refaite. Si bien que les travaux devraient se terminer cet été, bien que la liste de choses qui restent à faire soit impressionnante passant par la finition du plafond, le revêtement de la bâtisse, l’installation de la cloche et la construction de la croix qui se fera par le Franco-yukonnais Jean-Marc Bélanger dont les talents de menuisier ont été sollicités à plusieurs reprises au cours des travaux.
Tout le travail se fait de façon bénévole alors que les coûts liés au transport, aux repas et au logement sont défrayés par l’organisme Catholic Mission in Canada ainsi que par diverses campagnes de financement et de donateurs privés.
Il ne faut pas croire toutefois que la fin du projet sonnera celle des visites de Carmelle St Vincent à Tuktoyoktuk.
« Je vais continuer à m’y rendre pour aider Sister Fay. Ce bénévolat me donne énormément d’énergie. Et puis, elle continuera à avoir besoin d’aide pour sa comptabilité et pour la vie domestique bien remplie de sa maison », confie Carmelle à quelques heures de son vol.