le Dimanche 8 septembre 2024
le Jeudi 23 février 2023 7:50 Sciences et environnement

Pratiques minières : entre modernisation et accélération

« L’époque des viols et des pillages est révolue », a déclaré Peter Johnston, grand chef du Conseil des Premières Nations du Yukon, en parlant de la modernisation des lois sur l’industrie minière au territoire, en compagnie de John Streicker, ministre de l’Énergie, des Mines et des Ressources. — Photo : Laurie Trottier
« L’époque des viols et des pillages est révolue », a déclaré Peter Johnston, grand chef du Conseil des Premières Nations du Yukon, en parlant de la modernisation des lois sur l’industrie minière au territoire, en compagnie de John Streicker, ministre de l’Énergie, des Mines et des Ressources.
Photo : Laurie Trottier
L’industrie minière du territoire est en pleine mutation : la demande en minéraux critiques bondit et la pression augmente pour l’établissement de normes environnementales plus strictes. À travers ces bouleversements, voilà que l’opinion du public est sondée dans le but de renouveler les lois sur les ressources minérales, vieilles de plus de cent ans.

Une réécriture complète des lois sur l’extraction du quartz et de l’or, du début à la fin. Voilà ce qu’ont annoncé John Streicker, ministre de l’Énergie, des Mines et des Ressources et Peter Johnston, grand chef du Conseil des Premières Nations du Yukon (CYFN), en conférence de presse le 8 février.

« Elles sont vieilles de plus d’un siècle et ne reflètent plus notre réalité. Il faut aller de l’avant », a expliqué John Streicker. Un comité directeur a été créé à l’automne 2021 pour faire suite aux recommandations de la Stratégie de développement de l’industrie minière du Yukon. « Nous n’avons pas besoin d’entrer dans une leçon d’histoire pour comprendre les impacts négatifs que nous avons ressentis ici sur le territoire au cours de ces 125 années », a quant à lui souligné Peter Johnston.

La nouvelle loi sera élaborée par le gouvernement du Yukon, en partenariat avec les gouvernements des Premières Nations du Yukon et de groupes autochtones transfrontaliers. Un comité de direction a également été mis sur place, qui réunit également des groupes environnementaux et de l’industrie. Pour mener à bien cet exercice, une consultation publique a été lancée et acceptera les commentaires des Yukonnais et des Yukonnaises jusqu’au 9 mai 2023.

Le Yukon loin derrière

Comparé à d’autres provinces et territoires au Canada, le Yukon est à la traîne en matière de législations minières, selon le ministre John Streicker. Jesse Hudson, analyste au département des ressources naturelles du CYFN, a précisé en conférence de presse que la mise à jour de ces lois prendrait plusieurs mois, voire des années.

Délivrance de permis, redevance, remise en état, accords miniers, transparence des processus décisionnels… tout est à repenser. Si le comité de direction partage déjà une vision générale des futures lois – favoriser la réconciliation, créer une industrie minière viable, compétitive et responsable, créer des avantages économiques et contribuer au bien-être des communautés – rien n’a encore été décidé. Une des recommandations de la Stratégie de développement de l’industrie minière du Yukon était de renouveler les lois d’ici 2025. Or, ce délai ne sera probablement pas respecté : « Nous devons bien faire les choses et nous devons travailler de concert avec les Premières Nations », a tempéré le ministre John Streicker.

En janvier, le ministre de l’Énergie, des Mines et des Ressources John Streicker, le premier ministre Ranj Pillai et la vice-première ministre Jeanie McLean se sont déplacés à Vancouver dans le cadre de la conférence Roundup de l’Association for Mineral Exploration, soit une des plus importantes conférences techniques sur l’exploration minière.

Photo: Mark Kinskofer, Vision Video Photography Inc.

Toujours pas de cibles d’intensité définies

Le gouvernement du Yukon s’était engagé à rendre publiques les cibles d’intensité des émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’industrie minière avant le début de l’année 2023. Or, au moment d’écrire ces lignes, ces cibles n’étaient toujours pas publiées. « Nous voulons nous assurer d’avoir des cibles d’intensité minières adaptées au Yukon. Pour ce faire, nous consacrons plus de temps à dialoguer avec l’industrie minière », a déclaré par courriel le ministère de l’Énergie, des Mines et des Ressources.

En 2022, la Société de conservation du Yukon (YCS) a dénoncé à plusieurs reprises le choix du gouvernement territorial de se tourner vers des cibles d’intensité plutôt que des cibles absolues de réduction des émissions de GES. Selon l’organisation, cette approche ne réduira pas les émissions de GES du secteur minier à court terme.

Une ruée vers… les minéraux critiques

De passage au Yukon les 12 et 13 février, Justin Trudeau a discuté des futurs investissements dans le domaine des minéraux critiques au territoire. « Au Yukon [les gouvernements et organisations] ont des longueurs d’avance et une belle industrie développée. Ils ont surtout de beaux partenariats avec les Premières Nations et les peuples autochtones qui permettent un développement accru de ces éléments de façon responsable », a-t-il souligné en mêlée de presse. Ces minéraux comme le lithium, le tungstène et le cuivre, sont jugés indispensables par les gouvernements, qui voient en ceux-ci la possibilité de réaliser leur transition écologique.

Entre opportunités et raccourcis

Selon le premier ministre Ranj Pillai, les Yukonnais et Yukonnaises sont au courant de l’importance de l’industrie minière pour l’économie du territoire. « Il y a énormément d’opportunités ici, mais il y a aussi eu des erreurs. La plus grande erreur est sûrement [le site contaminé de] Faro et maintenant nous devons nous occuper de l’assainissement, mais je pense aussi que les Yukonnais comprennent les besoins de l’exploitation minière », a-t-il lancé.

Pour les organisations de défense de l’environnement au Yukon, cet élan vers les minéraux critiques comporte ses propres défis écologiques. En 2023, la YCS aura donc les yeux rivés entre autres sur les évaluations environnementales, les examens des permis d’utilisation des eaux et les différents projets miniers du territoire, comme l’expansion de la mine Victoria Gold.