Gilles Wendling décrit la lixiviation en tas de cyanure comme un « procédé où l’on extrait la roche aurifère qu’on dépose ensuite en débris et en tas. Un liquide à base de cyanure est injecté sur les tas de roches et dissout chimiquement l’or. L’or et le liquide sont collectés à la base de l’infrastructure dans des bassins, puis on réutilise le liquide en ajustant la dose optimale de cyanure. » D’après ses recherches scientifiques, la pollution est inéluctable sur plusieurs dizaines d’années à la suite de ce type d’exploitation, notamment sur le sol et l’eau.
Cette technique est réservée aux grandes exploitations, exigeant un terrain d’un kilomètre et demi de long et de plusieurs centaines de mètres de large pour sécuriser les bassins de rejets. « La lixiviation en tas au cyanure est utilisée au Yukon depuis des décennies. Le territoire est un chef de file dans la façon de bien faire les choses », a tempéré le citoyen yukonnais Jeff Campbell à la conférence de Whitehorse.
Informer sur les risques
Gilles Wendling était invité par les Yukoners Concerned, un groupe de citoyens et citoyennes surveillant les impacts de l’exploration pétrolière, gazière et minière. Il a donné des conférences en personne et en ligne, notamment à l’Office des eaux du Yukon.
« La population doit connaître les risques, pour l’eau du territoire, la vie sauvage et notre santé. Il faut améliorer les réglementations et la surveillance rigoureuse de l’eau, demander des obligations et garanties adéquates aux mines concernées et étudier les effets cumulatifs à long terme », explique Donald J. Roberts, président de Yukoners Concerned. Le groupe cherche à préserver la sécurité du territoire pour les générations à venir.
À Mayo et Dawson, Gilles Wendling a rencontré des mineurs défendant la lixiviation en tas de cyanure. « Certaines mines méritent d’être mentionnées, comme Brewery Creek près de Dawson. Il s’agissait d’une mine d’or par lixiviation en tas qui a été exploitée avec succès et nettoyée grâce à un excellent programme de remise en état », défend le Yukonnais Tyler Nichol, qui a travaillé dans l’industrie minière du Klondike pendant plusieurs années.
Des impacts à long terme
Dans la conception des mines utilisant cette technique, les tas de roches sont positionnés sur des couches imperméables pour éviter la perte et la migration de liquide toxique riche en cyanure qui contaminerait le sol et les eaux souterraines.
« En observant les anciennes mines de lixiviation en tas, on observe toujours des fuites. L’eau est contaminée, même après fermeture, estime Gilles Wendling. Il s’agit de contaminants relâchés et présents dans les sols et les ruisseaux tels que l’arsenic, le chrome, le sélénium, le cobalt, les nitrates et sulfates. Leurs concentrations excèdent les critères acceptables », ajoute-t-il.
L’hydrologue, qui a affirme avoir coopéré avec de nombreuses sociétés minières, estime que « toutes les exploitations minières génèrent des résidus miniers riches en contaminants ».
« La pollution est inévitable, ajoute-t-il. Les effets négatifs mettent des décennies avant d’être perceptibles, l’eau souterraine se déplaçant lentement et gelant plusieurs mois par an. Il faut ensuite construire les infrastructures pour contrôler le problème, et calculer leurs durées d’opération pour des résultats acceptables. »
Les effets cumulatifs des pollutions minières, causés par la proximité de mines et par les différents types de polluants rejetés, sont inconnus. « On connaît l’effet de certains polluants sur le système neurologique et reproductif des poissons, mais l’équation pour analyser les effets de l’accumulation des polluants est trop complexe », explique Gilles Wendling.
Incidents passés et décisions d’avenir
En 2021, deux incidents de déversements notables ont eu lieu près des mines de Victoria Gold avec des fuites de 70 litres et de 17 000 litres de solution de lixiviation. Le premier incident a eu pour conséquence une amende de 460 $. « Les pénalités restent très faibles, c’est plus facile pour une compagnie minière d’accepter qu’un incident va arriver plutôt que d’investir des dizaines ou centaines de millions dans un système de contrôle adapté », partage le spécialiste en hydrologie.
Le projet minier Coffee Gold de Newmount, qui devrait devenir la plus grosse exploitation aurifère yukonnaise en utilisant la lixiviation en tas de cyanure, inquiète. Il devrait générer 200 millions de tonnes de déchets de roches, dont 86 millions de tonnes de résidus miniers pollués au cyanure. L’Office d’évaluation environnementale et socio-économique du Yukon (YESAB) a fourni ses recommandations et le gouvernement a donné son aval au projet. Les activités du projet — y compris les plans de fermeture et de remise en état — s’étaleraient sur 24 ans.
La question de la valeur de l’eau est centrale pour l’avenir du territoire. Les risques d’inondations printanières causés par le changement climatique augmentent ceux d’écoulement des champs de lixiviation. « Qu’est-ce qui est acceptable pour les générations futures? Quelle est la valeur d’un écosystème sain et d’un environnement dégradé? C’est une question de société. Est-ce normal qu’un petit nombre d’individus en profite au détriment de plusieurs générations? », conclut Gilles Wendling.
IJL – Réseau.Presse
L’Aurore boréale