Partout dans le monde, des espèces animales parcourent des centaines, voire des milliers de kilomètres à la recherche d’aliments, d’un nouveau territoire ou d’un endroit pour se reproduire et bénéficier d’une diversité génétique. Ces animaux doivent contourner de nombreux obstacles tels que des routes, des villes et d’autres risques urbains.
Pour que leurs déplacements se fassent sans heurts, des couloirs de protection peuvent être mis en place et prendre différentes formes : des espaces naturels protégés, comme les parcs et les réserves, des bordures de terrain le long de champs, des viaducs autoroutiers ou des passages souterrains d’autoroute. Les rivières, marais et lacs peuvent également servir de passages pour les poissons et les oiseaux.
Protéger une région de plus de 3400 km
L’initiative de conservation Y2Y a pour objectif de protéger les habitats naturels et de maintenir la connectivité, c’est-à-dire le mouvement sans entrave des espèces, à travers neuf régions du Canada et des États-Unis.
Cette association réunit plus de 400 entités pour travailler sur des actions de conservation telles que des propriétaires de fonciers locaux, des entités autochtones, des entreprises, des agences gouvernementales, des bailleurs de fonds, des donateurs, des donatrices et des scientifiques.
Candace Batycki, directrice du programme Y2Y en Colombie-Britannique et au Yukon, explique que la collaboration est le nerf de la guerre de l’organisation. « Nous effectuons des études scientifiques, parlons aux politicien.ne.s, soutenons des initiatives locales, offrons des financements, mais surtout nous voulons réunir les différents acteurs autour d’une table afin de discuter de l’évolution d’un territoire et de trouver des solutions constructives écologiquement et économiquement basées sur des faits scientifiques », affirme-t-elle.
Réconcilier la nature et les activités humaines
La hausse des activités humaines pendant les dernières décennies menace de fragmenter la région montagneuse de Y2Y. Selon Jill Pangman, membre du conseil Y2Y, naturaliste et guide touristique en milieu sauvage au Yukon, c’est en raison d’une forte activité humaine que l’initiative du passage faunique a été amorcée : « Dans la Colombie-Britannique, l’Alberta et le nord des États-Unis, la région s’est développée très rapidement avec un réseau routier dense, des zones industrielles, forestières et agricoles. Pourtant, c’est aussi un environnement très riche en matière de faune et de flore. L’objectif du Y2Y était donc de protéger les zones de biodiversité et de promouvoir une coexistence harmonieuse entre les gens et les animaux. »
Un exemple majeur de protection de la faune se situe dans le parc national de Banff en Alberta. D’après un article publié par l’initiative Y2Y en 2016, plus de 34 000 véhicules parcourent les quatre voies du parc chaque jour pendant l’été. Y2Y en collaboration avec de nombreuses parties prenantes a mis en place des passages sécurisés pour les animaux sauvages. Des clôtures ont été construites le long de l’autoroute afin d’éviter l’intrusion des animaux sur la route et les guider vers ces passages sécurisés.
En 2016, un total de 6 passerelles et 38 souterrains ont été comptabilisés entre la porte est du parc national de Banff et la frontière entre la Colombie-Britannique et l’Alberta. D’après l’organisation, c’est la plus grosse concentration de couloirs sur une seule portion d’autoroute au monde.
« C’est une initiative fantastique. Évidemment, ce n’est pas idéal, car l’autoroute est toujours au milieu, mais au moins il est possible pour la faune de circuler en toute sécurité », partage la guide yukonnaise.
Le Yukon : de l’eau et des terres vierges
Jill Pangman explique que la situation du Yukon est tout autre que celle du reste de la zone Y2Y. « La faible densité de la population yukonnaise nous offre le potentiel de protéger la vie sauvage. J’ai voyagé partout dans le monde pour mon travail et, selon moi, les plus grandes richesses du Yukon sont son eau et ses terres vierges — sans infrastructure. Un territoire unique au monde. [Avec le changement climatique], des espèces animales se déplacent vers le Nord pour assurer leur survie, et ce n’est que le début. J’espère que nous aurons des espaces protégés pour assurer leurs déplacements en toute sécurité dans le territoire et aux frontières. »
Pour la directrice du programme yukonnais, il est possible de trouver un juste équilibre entre développement économique et protection de l’environnement : « Chaque lieu et projet doit être évalué séparément. Je suis toujours heureuse de pouvoir discuter avec des gens qui veulent trouver des solutions. Tout le monde a besoin d’un emploi, d’un revenu et, quel que soit le projet, la préservation des écosystèmes doit être une priorité dans son développement. Avant les gens disaient “oui, oui, la nature c’est important”, mais avec les changements climatiques récents — tout particulièrement dans le Nord — il y a une plus grande compréhension de la valeur des écosystèmes. La nature nous donne de l’eau pure, capture du carbone dans les sols — et c’est fondamental. »