Emprunter, un verbe régulier
Plonger dans un roman en français au territoire est de plus en plus facile et, surtout, de moins en moins coûteux. En effet, adultes et enfants peuvent se tourner vers la bibliothèque numérique de la Commission scolaire francophone du Yukon (CSFY) pour emprunter leur prochaine lecture. Au départ, les quelque 500 ouvrages et la cinquantaine de livres audio avaient été pensés pour les jeunes, mais l’institution a choisi d’en faire profiter toute la communauté, explique l’enseignante Anie Desautels.
Les bibliothèques publiques du Yukon ont aussi un large éventail de livres en français, qui semble être apprécié par la communauté. En effet, trois des dix livres pour bébés les plus empruntés en 2021 étaient écrits dans la langue de Molière.
Pour l’organisme Les Essentielles, qui représente les intérêts des femmes francophones, avoir des livres disponibles pour sa clientèle est primordial : « La demande est venue des parents qui cherchaient des ressources en français. Nous avons aussi quelques ouvrages numériques pour les personnes isolées, grâce à un partenariat avec la CSFY », partage Claire Amiotte, responsable du programme Bébé en santé, Avenir en santé. « On y trouve des manuels sur la parentalité, le féminisme, la nutrition et des ouvrages numériques. »
Des vitamines pré et postnatales ainsi que des repas surgelés sont également offerts gratuitement aux familles. « Tout est basé sur la confiance, les personnes sont libres de se servir sans limite. La solidarité entre parents est au cœur de notre programme », ajoute la responsable.
La population yukonnaise peut aussi compter sur une autre initiative afin de démocratiser la lecture : les bibliothèques gratuites Little Free Library. On peut déposer ou prendre un ouvrage dans ces petites boîtes colorées, que l’on retrouve même à Dawson : « Il existe une bibliothèque gratuite bilingue dans le restaurant où je travaillais, ce qui donnait l’occasion aux clients de lire en buvant leur café, partage Genséric Morel, résident de la ville. J’ai ainsi pu partager mes livres préférés avec des personnes de la communauté. C’est une belle façon d’ouvrir le dialogue. »
Accumuler oui, mais pour mieux partager
Lancée en 2019, la ludothèque francophone de l’École Émilie-Tremblay a surpris tout le monde avec son succès fulgurant. « Jocelyne Isabelle [directrice de la Garderie du petit cheval blanc] voulait permettre aux familles de pratiquer des activités en français après l’école », explique Geneviève Tremblay, coordinatrice aux services de la petite enfance et aux familles multilingues pour la CSFY. « C’est gratuit, poursuit-elle. Les parents ont tout de suite mordu. On peut emprunter un jeu par personne pendant un mois. »
Les dons de jeux complets en bon état sont acceptés. « Cela permet de recycler, quand les enfants délaissent certains jeux. Nous avons commencé avec une cinquantaine de jeux : aujourd’hui nous en proposons plus de 400 », précise la coordonnatrice. En février, la ludothèque a célébré l’adhésion de son 300e membre, signe que le service plaît à la communauté.
Quant à elle, une bibliothèque d’outils gérée par des bénévoles a ouvert ses portes en juillet 2021, dans une remorque actuellement hébergée à Raven Recycling. La Whitehorse Tool Library est entièrement financée par ses membres, dont l’adhésion annuelle coûte 45 $. « Notre objectif est de fournir un accès facile aux outils, en particulier aux articles que les gens utilisent rarement », explique Ira Webb, vice-président du programme.
« Nous voulons permettre aux gens de devenir plus autonomes, d’entreprendre des projets domestiques, précise-t-il. Nous souhaitons encourager l’économie de partage pour maximiser l’utilisation des ressources et minimiser les déchets. Nous essayons donc de donner des instructions sur la façon d’utiliser les outils si les gens en ont besoin. »
À Dawson, un programme d’échange de plantes est organisé annuellement. Il suffit d’apporter quelque chose qui a trait au jardinage : des outils, des plantes en pot ou des boutures. « Ceux et celles qui n’ont rien à échanger sont tout de même les bienvenus », explique l’organisatrice Amaris Poznikoff.
La bibliothèque du ministère de l’Énergie, des Mines et des Ressources, située dans le bâtiment Elijah Smith à Whitehorse, est aussi un incontournable autant pour les pouces verts de longue date que pour les personnes débutantes. C’est l’endroit où les Yukonnaises et les Yukonnais peuvent se procurer des livres et des rapports sur les ressources qui se trouvent à travers le territoire.
Toutefois, la mine d’or du jardinage ne se trouve pas parmi les cartes, mais bien dans un classeur couvert de dessins de légumes : la grainothèque. Depuis 2015, plus de trois cents personnes sont devenues membres de cette bibliothèque « verte ». Graines de légumes, de fleurs et d’herbes peuvent donc être « empruntées » au printemps pour être semées dans les jardins personnels.
L’achat d’articles usagés et les friperies
Pour faciliter la réutilisation et la réparation de biens usagés et sensibiliser le public à la réduction de la consommation, il n’y a rien comme les friperies, selon Joie Quarton, présidente de la Société des magasins d’aubaines communautaires de Whitehorse. Plus qu’un simple service, c’est une expérience sociale : « Nous offrons une formation et une expérience de travail aux personnes en difficulté, et nous promouvons l’esprit communautaire par le bénévolat et l’intégration des personnes en situation de handicap », soutient-elle.
À Dawson, ce sont des bénévoles qui font vivre la friperie. « Nous travaillons dur pour remettre des articles fonctionnels dans la communauté à un prix raisonnable. Nous encourageons la population à visiter notre boutique avant d’acheter du neuf », partage Karie Pearse, gérante de la friperie. « Ne donnez pas d’articles cassés ou sales : nous passons d’innombrables heures à trier », rappelle la bénévole Eva Maria Schmid. Le profit des ventes est versé à des organisations à but non lucratif du Yukon ou « à d’autres efforts humanitaires, comme en Ukraine », selon la gérante.
Du côté des Essentielles, c’est surtout sur les vêtements de maternité et d’enfants que mise le programme Frip’famille, offert gratuitement aux parents membres du programme Bébé en santé, Avenir en santé. « On y trouve des vêtements de grossesse, d’enfants de 0 à 8 ans, ainsi que des accessoires pour bébés, explique Claire Amiotte. Nous avons également un programme de prêt de matériel, notamment pour les porte-bébés et les tire-lait électriques. » Selon Laurence Rivard, directrice des Essentielles, le programme est très utilisé : « Les familles apportent des choses en continu. C’est le principe de la roue : quand on a bénéficié du programme, on tient beaucoup à redonner aux autres familles ensuite. »
Au-delà du prêt : le gratuit
Les comptoirs communautaires (mieux connus sous le nom de free stores, en anglais) s’érigent comme une dernière barrière avant le dépotoir. Présents dans les décharges, centres de transfert et de recyclage du territoire, ils réussissent à attirer les personnes les plus curieuses. « Je vais tout le temps au free store », partage l’artiste Élise Germain, à Dawson. « J’y trouve du matériel pour créer des œuvres, mais aussi des vêtements chauds en très bon état. C’est une caverne d’Ali Baba. Quand j’ai besoin de choses particulières, je demande parfois à Francis qui gère la décharge de garder un œil ouvert et il me met les articles de côté », ajoute-t-elle.
Certains comptoirs communautaires exigent un don avant le dépôt d’objets afin d’assurer leur bon état et de faciliter le tri et le rangement, mais les objets laissés sont toujours gratuits.
Quand les comptoirs communautaires ont fermé leurs portes lors de la pandémie, les dons se sont retrouvés sur les plateformes numériques, avec la création de pages spécialisées sur les réseaux sociaux. « Nous voulions continuer à offrir ces échanges essentiels à la communauté tout en encourageant la distanciation sociale », livre Michael Baillie, gérant de la station de transfert de Mount Lorne.
Ces initiatives communautaires se renouvellent d’ailleurs sans cesse, en s’adaptant aux besoins particuliers des habitants et habitantes du Yukon. Une constante demeure fondamentale : favoriser l’accessibilité des biens en misant sur le partage et la réutilisation.
« Je n’ai jamais manqué de rien grâce aux nombreux programmes solidaires et à la générosité de mes voisins. Offrir une seconde vie aux objets procure une certaine satisfaction, tout comme le don de temps par le volontariat ou d’objets lorsqu’ils ne sont plus utiles pour nous. Cette solidarité est la raison qui m’a poussée à m’installer au Yukon, il y a plus de 40 ans. Vivre isolé rapproche », conclut Michelle Dubois, bénévole à la friperie de Dawson.
Adresses et liens intéressants
- Inscription à la bibliothèque numérique francophone par courriel
- Friperie de Whitehorse – 4230, 4e Avenue, Whitehorse
- Friperie de Dawson – 718, 3e Avenue, Dawson
- Les Essentielles – 3089, 3e Avenue, Whitehorse
- Page du comptoir communautaire de Mount Lorne
- Page de dons divers dans la région du Klondike
- Programme offert par l’Association franco-yukonnaise
- Carte des petites bibliothèques gratuites de Whitehorse
- Bibliothèque d’outils de Whitehorse
Articles les plus recherchés en friperies/comptoirs communautaires :
- Articles saisonniers de qualité (veste chaude, vêtement de neige en hiver, bottes au printemps) ;
- Articles de cuisine ;
- Vêtements et jouets pour enfants ;
- Livres ;
- Matériel pour animaux (disponible sur donation dans les sociétés de protection des animaux du territoire).
Articles acceptés aux comptoirs communautaires :
Mêmes articles qu’en friperie, en plus de :
- Meubles ;
- Équipements sportifs ;
- Matériaux de construction.
Devenir bénévole aux friperies
- À Dawson : appelez Katie Pearse au 250-812-8674
- À Whitehorse : par courriel [email protected]
- Pour Les Essentielles : lesessentielles.ca/devenir-membre/etre-benevole/