le Mardi 21 janvier 2025
le Jeudi 5 Décembre 2024 8:05 Économie

Un projet de décontamination des sols fait débat à côté de Haines Junction

Selon les personnes résidentes, le projet d’installation de traitement des sols contaminés dans la vallée de l’Alsek entraînerait des conséquences néfastes tant sur l’environnement que sur les personnes vivant à proximité du site. Ces dernières suggèrent d’autres endroits où mener ce projet. — Photo : Fournie
Selon les personnes résidentes, le projet d’installation de traitement des sols contaminés dans la vallée de l’Alsek entraînerait des conséquences néfastes tant sur l’environnement que sur les personnes vivant à proximité du site. Ces dernières suggèrent d’autres endroits où mener ce projet.
Photo : Fournie
L’entreprise Castle Rock Enterprises souhaite installer un site de traitement des sols contaminés (LTF) au bord du parc national Kluane. Seulement, les personnes résidentes à proximité du site rapportent que la mise en œuvre du projet entraînerait des conséquences néfastes tant environnementales que sanitaires.

Une quarantaine de personnes vit présentement dans la subdivision faisant face au futur site de traitement dans la vallée de l’Alsek. Plusieurs constatent que ce projet manque de transparence, à commencer par sa divulgation.

« C’est un projet qui est entre guillemets sous la table depuis plusieurs mois, comme huit mois, je pense. Ce n’est pas quelque chose qui a été partagé au public, qui a été expliqué ni à la communauté ni aux Premières Nations. C’est un projet qui se trame, un peu ni vu ni connu, et qui a attendu le dernier moment pour sortir officiellement les informations », déplore Lucie Llamas Bravo, une résidente de la subdivision.

« Le projet a été lancé sans permis environnemental, sans plan d’aménagement et sans plan de développement », constate Lynn Iler, propriétaire de l’hôtel Raven’s Rest Inn à Haines Junction. « Lorsque cela a commencé, notre village, l’administration et le conseil n’étaient même pas au courant que cela allait avoir lieu. »

Celle-ci a découvert le projet sur le site Web de l’Office d’évaluation environnementale et socioéconomique du Yukon (YESAB) dans le cadre d’une consultation publique de sept jours concernant le projet. L’organisme a pour mission de conseiller le gouvernement du Yukon sur l’opportunité de poursuivre des projets en fonction de leur impact environnemental, économique et culturel. Le gouvernement peut ensuite accepter, rejeter ou modifier les recommandations. Le rapport du YESAB sera publié dans les prochaines semaines.

Un rapport du YESAB qui devrait conclure si le projet représente un risque pour l’environnement devrait être publié d’ici la fin de l’année, informe Kent Bretzlaff, directeur général de l’organisme.

Photo : Gwendoline Le Bomin

Une période de consultation trop courte, selon Lucie Llamas Bravo, mais Kent Bretzlaff, directeur général du YESAB, rassure qu’à tout moment de la procédure le public peut soumettre des commentaires à l’examen.

Manque d’information

Une réunion publique a été organisée début novembre par l’entreprise Castle Rock pour expliquer plus en détail le projet. Une réunion décevante pour Lucie Llamas Bravo. « Nous avons eu les informations, mais ça n’a été jamais qu’en surface, il y avait des trous dans pas mal d’arguments. »

En outre, la compagnie a déclaré avoir le soutien des Premières Nations, mais « les Premières Nations, du moins celles que nous avons interrogées, ne sont pas au courant », rapporte l’habitante. À ce sujet, les Premières Nations de Champagne et d’Aishihik n’ont pas souhaité répondre à une demande d’entrevue. Castle Rock appartient à la Première Nation Dakwakada Capital Investments, la branche commerciale des Premières Nations de Champagne et d’Aishihik.

La compagnie dit respecter les standards yukonnais. Or, selon Lucie Llamas Bravo, ces standards n’existent pas au Yukon. « Les normes industrielles et les autres normes provinciales n’ont aucun sens à cet endroit », rapporte Alida Thomas, une autre habitante de la subdivision. Après les plaintes des habitant.e.s, la compagnie a prévu d’installer le site 150 mètres plus loin que ce qui était initialement prévu.

Shawn Hall, porte-parole de la compagnie Castle Rock, assure qu’elle va prendre « des mesures pour que le site soit bien éloigné d’une zone tampon naturelle composée d’arbres et d’autres végétaux et qu’elle respecte toutes les réglementations. »

Site inadéquat?

Les personnes résidentes rapportent que plusieurs études démontrent que l’installation d’un site entraînerait des répercussions néfastes sur l’environnement. « Le ministère de l’Énergie, des Mines et des Ressources a procédé à une évaluation de ce site et a déclaré qu’il ne convenait pas », rapporte Brian Crow, un habitant de la subdivision.

Le projet d’installation est situé près des ruisseaux Bear et Snake, à proximité du parc national Kluane, une zone vitale pour la faune et la flore locales. « Il constitue un risque majeur pour la biodiversité, notamment pour les ours, les élans, les oiseaux migrateurs et la fleur de Draba, une espèce en danger », rapporte Lucie Llamas Bravo. « En cas de fuite, les contaminants pourraient se propager rapidement, affectant les eaux souterraines, les ruisseaux et les écosystèmes marins, notamment à travers la rivière Dezadeash qui se jette dans l’océan. »

« Les vents violents de la vallée de l’Alsek exacerbent ce risque, en transportant des polluants dans l’air, notamment des micro-organismes et des métaux lourds, ce qui pourrait nuire à la santé publique et à l’environnement », explique Alida Thomas. « De plus, le sol perméable du site faciliterait l’infiltration rapide des contaminants dans les nappes phréatiques. »

Toutefois, Shawn Hall informe que la compagnie connaît très bien les conditions de vent « parce que nous avons des activités dans cette carrière. Nous travaillons donc dans cette région depuis longtemps. »

Brian Crow rapporte que le projet pourrait avoir un impact économique négatif. Des agents immobiliers ont prévenu les habitant.e.s que le projet pourrait réduire la valeur des propriétés locales et compliquer l’approbation des prêts hypothécaires pour les résident.e.s actuel.l.e.s et futur.e.s. « Certaines personnes retraitées ont toutes leurs économies dans leur maison », déplore-t-il.

Lynn Iler s’inquiète de l’impact qu’aurait ce projet sur le tourisme, car ce projet dégagerait des odeurs et n’offrirait pas un espace sécuritaire pour les voyageurs.

Toutefois, les habitant.e.s ne sont pas contre le projet, mais suggèrent une nouvelle localisation. « Il faut le meilleur endroit possible pour éviter le maximum de dommages », insiste Lucie Llamas Bravo. Les résident.e.s suggèrent alors d’installer le site sur un sol composé d’argile qui constitue une barrière naturelle.

« Il existe de nombreux sites appropriés dans la région qui sont déjà contaminés », explique Brian Crow. « Ils ne se trouvent pas à proximité de maisons ou de puits, mais à une distance raisonnable. Seulement, le promoteur refuse de les examiner parce qu’il a des activités ici et qu’il est plus commode pour lui de les mener à cet endroit. Lorsque nous leur avons demandé quel était leur processus de sélection du site, ils nous ont répondu qu’il n’y en avait pas. »

Shawn Hall estime qu’un site de décontamination est nécessaire à Haines Junction. « Le site de Whitehorse est trop éloigné de la région de Haines Junction pour être utilisé pour traiter les sols contaminés de cette région. Une installation de traitement à long terme est vraiment nécessaire dans la région de Haines Junction. »

« Nous allons examiner les commentaires et voir s’il y a autre chose que nous pouvons faire pour y répondre. Nous voulons être de bons voisins », ajoute-t-il.

Une pétition pour prévenir les risques environnementaux et sanitaires a été lancée. Au moment d’écrire ces lignes, celle-ci a recueilli plus de 400 signatures.

IJL – Réseau.Presse – L’Aurore boréale