Comme tout art, la danse est un moyen de communication. Les trois francophones s’accordent en ce sens. « Pour moi, l’art de la danse du feu, de bouger avec le feu, c’est une question d’expressions non verbales […] À travers ça, je suis capable de sortir certains sentiments [tels que le stress ou la colère] », indique Marianna Lahaye Picard, Orbitaa de son nom d’artiste.
Le feu, une fascination
Audrey Gallibois, alias Flow Mystica, a découvert cet art par hasard. Très vite, elle a été fascinée et a décidé d’acheter une corde Dart, une corde de neuf pieds de long avec une tête enflammée au bout.
Marianna Lahaye Picard a commencé aux côtés d’un petit groupe d’amies, dont Audrey Gallibois faisait partie. « On a toutes choisi un accessoire et on s’est dit “let’s go”, on a jumpé dedans », précise-t-elle. Pour les deux amies, les nombreux tutoriels en ligne ont été d’un grand soutien dès leurs débuts dans cette discipline.
« Je viens d’un monde underground. À seize ans, les punks de rue en 1996, ça spinnait, ça crachait [du feu] », explique quant à elle Josée Fortin ou Joe Lajolie de son nom d’artiste. Elle ajoute avoir toujours baigné dans ce milieu. À l’âge de 25 ans, elle a pris la décision de pratiquer davantage cet art et n’a jamais arrêté depuis.
Toutes trois se sont intéressées à cet art pour la même raison : la fascination du feu. Ça « ajoute beaucoup au spectacle », estime Marianna Lahaye Picard. Elle évoque avoir eu des craintes à ses débuts. « Aujourd’hui, j’ai hâte. Je prends le temps de bouger avec le feu, je le regarde. Être en symbiose avec le feu, c’est libérateur », affirme-t-elle.
« Une fois ma corde Dart allumée, je sens une énergie monter. Je suis dans l’instant présent et je me sens connectée avec moi-même et la musique », mentionne Audrey Gallibois, qui rappelle toutefois qu’ « il faut le manipuler avec précaution. »
Les lieux pour s’entraîner
Joe Lajolie essaie de trouver des endroits dégagés pour s’entraîner, « sans lumière au plafond [qu’elle] pourrait briser ». L’artiste rapporte que l’environnement est crucial. Pour elle, il faut surveiller le vent, entre autres.
De leur côté, Marianna Lahaye Picard et Audrey Gallibois s’entraînent chez elles. « J’ai commencé dans mon jardin, maintenant j’ai une pièce avec des miroirs et un mur avec tous mes instruments. Je l’appelle mon flow wall », explique Marianna Lahaye Picard.
L’artiste reconnaît toutefois qu’elle aimerait un jour offrir un spectacle de feu dans une salle, en intérieur. « Ce serait un défi personnel. Mais ça prendrait des plafonds hauts et un endroit bien ventilé », indique-t-elle. « Il faut un système de sécurité approfondi, détaillé et assidu », complète Audrey Gallibois, « ainsi qu’un sol qui “fonctionne’’ bien avec le feu […] et un espace délimité, sans personne proche. »
L’apprentissage sans flamme
Toutes trois s’entraînent avec des instruments éteints pour apprendre à maîtriser leurs gestes et leur posture sans se blesser.
Ainsi, pour Joe Lajolie, ne pas allumer ses instruments lui permet « une plus grande liberté chorégraphique », parce que le risque de brûlure est nul. L’artiste ajoute que pratiquer sans flamme est bénéfique dans le sens où les instruments sont bien manipulés par la suite, lorsqu’ils sont allumés.
Marianna Lahaye Picard abonde en ce sens. « Tous les mouvements que je fais lorsque mes instruments sont allumés, je les ai déjà faits quand ils étaient éteints. Lorsque je l’allume, je me concentre sur le mouvement avec le feu. J’ajuste mon mouvement à la flamme, savoir si ça supporte la vitesse, savoir si c’est plus beau quand c’est rapide ou quand c’est lent », complète-t-elle.
De son côté, Audrey Gallibois explique que lorsque sa corde Dart est éteinte, elle peut s’entraîner seule. « Quand elle est allumée, je dois être avec quelqu’un d’autre. Comme un spotteur qui peut regarder si je prends feu, par exemple », remarque-t-elle.
La chaleur : un élément à considérer
Lorsque les instruments sont allumés, il faut considérer la chaleur produite par les flammes. Pour Joe Lajolie, il s’agit de tester ses limites, notamment au toucher. Mais selon les saisons, l’équipement varie : « Pour l’hiver, je me suis acheté une robe en laine mérinos, que je mets sous ma tenue. Ça m’aide à me garder au chaud. »
Marianna Lahaye Picard explique porter des vêtements en coton qui ne « repoussent pas le feu, mais qui résistent à la chaleur ». Elle s’assure également d’avoir des chaussures avec une bonne adhérence pour ne pas glisser et perdre l’équilibre. De son côté, Audrey Gallibois mentionne l’importance d’avoir des vêtements près du corps et d’éviter de porter des bijoux.
Marianna Lahaye Picard va plus loin. « Au début de ma performance, la flamme est plus forte, plus grosse. Je sais que je ne peux pas mettre mon instrument dans le dos au début. Je vais donc faire des mouvements plus rapides, ça va être plus impressionnant à voir. Vers la fin, ça va être plus lent, plus proche de mon corps », développe la Franco-Yukonnaise.
Pour Audrey Gallibois, « il y a un aspect mental pour désapprendre cette crainte du feu avant tout ». Selon elle, les vêtements qu’elle porte pendant ses performances aident en partie à se protéger de la chaleur. Elle précise cependant avoir dû changer un mouvement à la suite d’une brûlure. Elle l’a alors pratiqué encore et encore avec sa corde Dart éteinte.
Les trois artistes proposent des spectacles majoritairement en été, saison privilégiée pour les festivals au Yukon. Marianna Lahaye Picard et Audrey Gallibois contribuent notamment à l’organisation du festival de musique électronique Paradise qui aura lieu du 9 au 11 août prochains.