Walter et Silvia Streit, propriétaires de la boulangerie depuis presque sept ans, ont annoncé sa fermeture le 5 octobre dernier « parce que d’autres ont créé des conditions désastreuses pour notre activité et notre santé », pouvait-on lire dans un communiqué publié par l’établissement le 26 septembre.
Dans ce même communiqué, le couple explique : « Au cours des six dernières années depuis l’ouverture du centre d’hébergement, le gouvernement a été incapable de trouver une solution aux conditions ruineuses pour les commerces et de protéger les résident·e·s (nous vivons dans un appartement au-dessus de la boulangerie) des conditions de vie insalubres autour du refuge. Les deux ont de plus en plus conduit à des problèmes de santé importants pour ma femme et moi-même […] D’ailleurs, nous n’avons reçu aucune compensation pour les frais de réparation et de nettoyage quotidiens ni pour la perte de revenus. »
« Nos récentes tentatives de transférer l’entreprise à certains employés actuels de la boulangerie ont échoué. Ces personnes estiment que la situation actuelle du refuge et l’inaction du gouvernement du Yukon constituent un risque trop important pour le succès futur de l’entreprise », ajoute le couple.
Selon les propriétaires, l’avenir de la boulangerie reste incertain : « Cela va dépendre des actions du gouvernement dans un avenir proche, mais même s’il est peut-être trop tard pour l’Alpine Bakery, nous continuerons à nous battre pour que le centre-ville de Whitehorse ne devienne pas un bidonville! »
De multiples réactions
En juin dernier, un communiqué publié par l’Opposition officielle du Parti du Yukon exhortait déjà « le gouvernement libéral à réagir et à prendre des mesures à l’égard des graves problèmes signalés dans divers rapports par les propriétaires d’entreprises du secteur, la Ville de Whitehorse, et le public au sujet de l’état de désarroi qui règne à l’extérieur du refuge d’urgence de Whitehorse ».
Dans une lettre publiée le 16 juin, la mairesse Laura Cabott affirmait que la Ville souhaitait faire partie de la solution, tout en reconnaissant que « cette situation perdure depuis des années, sans amélioration apparente ».
Dans un autre communiqué publié le 6 octobre, le premier ministre Ranj Pillai a déclaré s’engager à travailler avec ses partenaires « pour résoudre les problèmes liés au 405 rue Alexander afin que les habitants du centre-ville puissent se sentir en sécurité, que les entreprises du centre-ville puissent prospérer et que les utilisateurs des services fournis au 405 rue Alexander puissent voir leurs besoins satisfaits d’une manière culturellement appropriée qui minimise les préjudices, soutienne les besoins individuels et permette aux gens de se remettre sur pied ».
Plusieurs mesures ont ainsi été prises, comme le retrait des bancs privés situés à l’extérieur du centre d’hébergement. Le gouvernement du Yukon travaille « avec le CYFN [Council of Yukon First Nations] pour piloter une initiative de sensibilisation à la sécurité dans le centre-ville », apprend-on dans le même communiqué.
À court terme, le gouvernement du Yukon prévoit, entre autres, de « continuer à travailler avec les partenaires communautaires pour discuter de la décentralisation des services le cas échéant et de lancer un programme de gestion de l’alcool ».
Sans-abrisme à Whitehorse
La fermeture temporaire de la boulangerie rappelle la situation des sans-abris dans la capitale, ainsi que les autres problèmes d’alcoolisme et de consommation de drogues.
Anthony Boisvert, coordonnateur à Safe at Home, partage son analyse de la situation : « La fermeture de la boulangerie est un symptôme d’une communauté qui n’a pas adéquatement soutenu les gens qui sont dans le besoin et qui n’a pas su prévenir afin d’éviter que la quantité de gens dans le besoin augmente. »
Il explique : « En gros, plus les systèmes d’hébergement d’urgence sont à capacité maximale, plus il devient difficile et complexe d’offrir l’aide nécessaire à chaque individu. On a vu cette situation s’aggraver depuis des années sans vraiment apporter des changements systémiques profonds. Encore une fois, on intervient trop tard. »
Anthony Boisvert suggère plusieurs pistes afin de remédier à la situation : « On peut penser à l’implantation de travailleurs de rue dans les heures où le système dort pour offrir une continuité dans les services, ou encore à bonifier le soutien en santé mentale offert à la population itinérante et de façon culturellement appropriée. On peut penser également à bonifier les conditions de travail dans les milieux névralgiques pour avoir des employés pleinement motivés et formés pour gérer diverses situations de crise. »
« Enfin, le plus important, c’est qu’on mise à développer des relations de confiance et un sentiment de communauté. Pas seulement à travers nos classes sociales respectives, mais à travers toute la communauté. Autant dans les milieux fréquentés par nos populations plus vulnérables que dans nos interactions du quotidien dans la rue ou ailleurs. On y gagnerait tous et on retrouverait peut-être un jour un pain bio à 12 $ qui a meilleur goût », conclut Anthony Boisvert.
Dans sa lettre du 16 juin, la mairesse de Whitehorse a également reconnu que « les activités qui se déroulent à l’extérieur du 405 rue Alexander représentent une situation très complexe, profondément enracinée dans des questions sociétales de longue date » et qu’ « une solution à la situation nécessite une réponse de l’ensemble de la communauté ».
IJL – Réseau.Presse –
L’Aurore boréale