le Vendredi 11 octobre 2024
le Jeudi 8 Décembre 2022 8:00 Société

Crises à Haïti : Morgan Wienberg revient temporairement au Yukon

De passage à Riverdale pour quelques mois, Morgan Wienberg tente de sensibiliser la population yukonnaise à la situation à Haïti. Elle souligne que plus de 100 000 personnes sont actuellement déplacées, en raison des tremblements de terre antérieurs et de la hausse des violences.
 — Photo : Laurie Trottier
De passage à Riverdale pour quelques mois, Morgan Wienberg tente de sensibiliser la population yukonnaise à la situation à Haïti. Elle souligne que plus de 100 000 personnes sont actuellement déplacées, en raison des tremblements de terre antérieurs et de la hausse des violences.
Photo : Laurie Trottier
À Haïti, la situation se détériore. La perle des Antilles est ravagée par des crises humanitaire, politique et militaire qui paralysent la population. Pour Morgan Wienberg, une Yukonnaise qui a déménagé à Haïti il y a 10 ans, c’est du jamais vu.

La situation à Haïti est telle que Morgan Wienberg, directrice de Little Footprints, Big Steps (LFBS), a décidé de revenir au Yukon pour quelques mois, dans le but de protéger sa petite fille. Rencontrée dans sa maison familiale à Riverdale, Mme Wienberg affirme que rentrer fut une décision crève-cœur pour elle, qui est à la tête d’une organisation visant à réunifier les familles haïtiennes en faisant fermer des orphelinats insalubres. « J’ai un très grand sentiment d’appartenance envers ma communauté et dans les moments difficiles, je veux être là. Mais en tant que maman, je ne veux pas mettre mon enfant dans cette situation », ajoute-t-elle, consciente de ses privilèges. « Quand je suis ici, j’ai un Internet constant et une plus grande tranquillité d’esprit, je peux faire plus de travail pour expliquer aux gens ce qui se passe et militer. » Elle a d’ailleurs organisé une séance d’information publique le jeudi 1er décembre pour tenter de sensibiliser la population yukonnaise.

Escalade des conflits

À Haïti, Morgan Wienberg vit à Les Cayes, une ville au sud de la capitale. Elle affirme que la situation s’est envenimée en août, quand des gangs criminels ont bloqué le transport de carburant et de vivres, entraînant une énorme inflation du coût de la vie. Comme exemple, elle mentionne qu’elle payait environ 200 gourdes (2 $ CA) pour un sac de riz il y a six mois, et que les prix avoisinent maintenant les 1 500 gourdes (14 $ CA). La population peine à s’alimenter, les écoles ont été fermées pendant longtemps et les entreprises locales ont de la difficulté à fonctionner normalement. Les Nations Unies ont fait le point sur cette situation alarmante le 30 septembre dernier.

« Le réseau national ne fournit plus que quelques heures d’électricité par jour et les réserves de carburant pour les systèmes d’appoint, principalement basés sur des générateurs fonctionnant au diesel, s’épuisent. Par conséquent, des services essentiels tels l’accès à l’eau et les télécommunications sont gravement compromis », a écrit l’organisation sur son site Internet.

Le premier ministre Ariel Henry s’est emparé du pouvoir après l’assassinat du président Jovenel Moïse l’année dernière. Une partie de la population réclame que des élections se tiennent le plus rapidement possible.

Aide canadienne dévoilée

De passage au Sommet de la Francophonie le 20 novembre, le premier ministre Justin Trudeau a annoncé une aide de 16,5 M$ à Haïti, dans le but de « rétablir l’ordre et de répondre aux besoins humanitaires immédiats des Haïtiens », a souligné le gouvernement libéral par voie de communiqué. La moitié de ces fonds seront alloués à la société civile. Une enveloppe de 5 M$ est destinée à vaincre la corruption en Haïti, et les 3,5 M$ restants visent à renforcer et « améliorer l’accès à l’aide juridique pour les victimes de violence fondée sur le sexe ». En marge du Sommet, des sanctions visant des personnalités haïtiennes connues ont également été annoncées.

Morgan Wienberg a organisé une séance d’information publique le jeudi 1er décembre pour tenter de sensibiliser la population yukonnaise.

Photo : Kelly Tabuteau

Pour Morgan Wienberg, l’important est de s’assurer que cette aide est durable. « Le soutien que le Canada apporte devrait créer des emplois et renforcer la capacité des Haïtiens, comme construire des infrastructures et remettre sur pied des industries. », insiste-t-elle. « Nous ne pouvons pas garder Haïti dans une situation où elle doit demander de l’aide perpétuellement. » Selon Mme Wienberg, la communauté internationale ne peut pas considérer les propos du premier ministre haïtien actuel comme la voix du peuple haïtien. « Cela revient au fait que le gouvernement [haïtien] doit être tenu responsable des conditions de la population. Le gouvernement devrait protéger les gens contre cela », déplore-t-elle.

Continuer sa mission, coûte que coûte

Depuis 11 ans, Little Footprints, Big Steps sonne l’alarme sur la question des orphelinats, qui contribuent à une industrie « dans laquelle les enfants sont traités comme des attractions touristiques et, dans certains cas, victimes de trafic humain et d’exploitation », expose son site Internet. En raison de l’inflation, les conditions de vie dans les orphelinats se sont dégradées dans la dernière année, selon Morgan Wienberg. « Les enfants sont de plus en plus négligés. Il y a un risque accru que les gangs armés recrutent des enfants dans leurs rangs », avertit-elle. Mme Wienberg a dénoncé la situation devant le sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, le 4 novembre, ajoutant que 700 orphelinats opéraient toujours illégalement, commettant des violations des droits des enfants.

Cependant, pas question pour LFBS de baisser les bras. « Chaque employé que nous sommes capables de garder, chaque famille que nous sommes capables d’aider, fait une différence. » Morgan Wienberg espère retourner à Haïti en janvier 2023.

 

IJL – Réseau.Presse  L’Aurore boréale