le Dimanche 8 décembre 2024
le Jeudi 29 septembre 2022 4:59 Société

Centre d’injection supervisée : un an au cœur de la crise

Si votre consommation ou la consommation d’un proche vous inquiète, vous pouvez composer le 867-668-2552 pour avoir accès à des services en lien avec la crise des opioïdes, des médicaments, des consultations et des soins de santé. Un des médecins prescripteurs est bilingue.  — Photo : Laurie Trottier
Si votre consommation ou la consommation d’un proche vous inquiète, vous pouvez composer le 867-668-2552 pour avoir accès à des services en lien avec la crise des opioïdes, des médicaments, des consultations et des soins de santé. Un des médecins prescripteurs est bilingue.
Photo : Laurie Trottier
Il y a un an, le Yukon devenait le premier territoire à se doter d’un centre d’injection supervisée, dans l’espoir de lutter contre une crise des opioïdes toujours aussi profonde et violente. Depuis, le site a déjà sauvé des vies et enregistre chaque mois un nombre croissant d’usagers et d’usagères.

« Ce fut une année d’apprentissages », reconnaît d’entrée de jeu Bronte Renwick-Shields, directrice du centre Blood Ties Four Directions (BTFD). Le site d’injection supervisée (SIS), au centre-ville de Whitehorse, est le fruit du travail de l’organisme communautaire établi au territoire depuis plus de 20 ans. Il offre un espace sécuritaire et propre à ceux et celles qui veulent consommer leur propre drogue sous la supervision d’un personnel formé.

Un éventail de services est disponible sur place, comme la vérification des substances pour assurer l’absence de substance toxique – comme le fentanyl – et l’accès à de la prévention et de la réduction des méfaits.

Étendre leur offre

Depuis son ouverture, le SIS, conjointement géré par les Services pour le mieux-être mental et la lutte contre l’alcoolisme et la toxicomanie (MWSUS) et BTFD, accueille un nombre grandissant de personnes. « On a vraiment vu une fréquentation accrue depuis l’ouverture d’une nouvelle pièce réservée à la consommation par inhalation en mai dernier », note Bronte Renwick-Shields. En juin et en juillet, 551 visites ont été comptabilisées au SIS et 247 personnes sont venues spécifiquement pour consommer des substances.

Pour Cameron Grandy, directeur des MWSUS, l’augmentation du nombre d’heures de services a aussi changé la donne pour la population. « Nous avons engagé du personnel pour que le site puisse être ouvert de [midi à 21 h], cinq jours sur sept, affirme-t-il. Nous allons engager neuf personnes, infirmières, travailleuses de soutien, travailleuses sociales, et avec de l’expérience vécue pour continuer de bonifier l’offre. »

Pour l’instant, il est impossible de savoir si ce personnel sera en mesure d’offrir des services en français à même le SIS. La prochaine étape selon les deux responsables est de rendre le site disponible sept jours sur sept, incluant les jours fériés.

Sauver des vies, au cœur d’une épidémie

Le SIS a été mis en place alors que le Yukon traverse sa pire crise d’opioïdes jamais enregistrée. En 2021, on comptait le décès de 23 Yukonnais et Yukonnaises des suites d’une surdose, propulsant le territoire au sommet du triste palmarès du plus haut taux de décès dus aux opioïdes par personne au pays, devançant la Colombie-Britannique.

En 2022, le bilan n’est guère plus encourageant : le 4 août, le Bureau du coroner du Yukon annonçait 17 décès par surdose depuis le 1er janvier 2022. « Chaque vie perdue à cause des drogues toxiques illicites au Yukon est une tragédie évitable », soulevait la coroner en chef Heather Jones par voie de communiqué, le 5 août dernier.

Déjà, le SIS a répondu sept fois à des cas de surdose et l‘équipe souhaite avoir encore plus d’impact au fur et à mesure que les liens de confiance et la réputation du site se construisent. Selon la directrice Bronte Renwick-Shields, la relation avec les personnes habitant près du SIS est aussi encourageante et aucun besoin accru de la police n’aurait été rapporté dans le secteur.

Encore à faire

Si le SIS est un pas de géant dans la bonne direction, cela ne doit pas représenter la dernière pierre à l’édifice dans l’offre de services. 

L’idéal, dans cinq ans? « Je crois que j’aimerais voir un centre qui regroupe un certain nombre de services auxquels les gens peuvent accéder, qui sont culturellement appropriés », répond Bronte Renwick-Shields.

Une autre avancée serait la décriminalisation. « Un des facteurs qui accroît la stigmatisation est le fait que ces substances soient criminalisées. Quand quelque chose est illégal, le stéréotype autour de cette activité s’agrandit », avance-t-elle.

Le Bureau du coroner est du même avis : « Cette mesure favorise le déplacement des ressources consacrées au modèle judiciaire au profit d’un modèle fondé sur la santé et les services sociaux [qui] reconnaît que la consommation de substances psychoactives est un problème médical. La situation actuelle empêche de nombreuses personnes d’accéder à de l’aide et à des services qui leur seraient vitaux, et trop souvent elles meurent seules. »

Tant Cameron Grandy que Bronte Renwick-Shields souhaitent rendre le processus d’accès à un approvisionnement sûr (safe-supply) plus simplifié. L’approvisionnement sûr consiste à offrir des médicaments aux utilisateurs et utilisatrices de drogues illicites pour leur offrir une option sécuritaire. « Je crois qu’il devrait y avoir plus de distribution de ces médicaments. En ce moment, c’est encore un nombre limité de personnes qui y ont accès. »

 

IJL – Réseau.Presse – L’Aurore boréale