« On est obligés d’aller voter à Vancouver quand on n’a pas de procuration. On doit donc faire le vol deux fois de suite », s’attriste Marie-Alexis Dangréau, installée au Yukon depuis dix ans.
Les élections françaises étant à deux tours, la population doit se rendre au scrutin à deux reprises. Les deux candidats ou candidates ayant obtenu le plus de voix au premier tour passent au second, et c’est lors de cette deuxième journée de scrutin que le vote décisif est effectué. Marie-Alexis Dangréau affirme que plusieurs de ses compatriotes français sont dans la même situation qu’elle, et devront s’abstenir les 9 et 23 avril prochains.
Si des bureaux de vote sont installés à Calgary, Edmonton, Vancouver et Victoria, aucun n’a été prévu au Yukon. « Il n’y a pas de bureaux de vote à Whitehorse parce qu’il n’y a que 115 électeurs du Yukon inscrits sur la liste électorale du Consulat », explique Irène Ifrah, consule adjointe et cheffe de chancellerie au Consulat général de France à Vancouver.
Les méandres de la procuration
Pour s’éviter le trajet, la communauté française au Yukon peut voter par procuration, soit mandater une personne qui ira voter à sa place. Il existe deux types de procurations : les procurations faites à l’étranger (mandater une personne en France), ou celles associées à un consulat français, comme le Consulat général de France à Vancouver. La deuxième option est la plus privilégiée au Canada.
« Si vous remettez une procuration, il faut que le mandataire [la personne qui votera] soit quelqu’un qui dépend du même bureau de vote que vous, par exemple, inscrit au bureau de vote de Vancouver », explique Irène Ifrah. Cela complique les choses, selon Marie-Alexis Dangréau : « On est obligé de connaître quelqu’un [dans les provinces où il y a des bureaux de vote] pour voter à notre place », se désole-t-elle.
Le rôle des consuls honoraires
L’établissement même de la procuration pose souvent problème. « Pour établir une procuration, vous devez remettre votre demande à un consulat ou un à consul honoraire habilité à recevoir les procurations », ajoute Irène Ifrah, en précisant que l’ensemble des consignes figurent sur le site Internet du Consulat.
Le consul honoraire de France à Whitehorse, Erik Hougen, ne possède pas la nationalité française et n’est donc pas habilité à recevoir le document. La communauté yukonnaise a donc deux choix : se rendre au Consulat général de France à Vancouver ou déposer le formulaire en mains propres à des porte-parole lors d’une tournée consulaire. La dernière a été organisée en octobre 2021 dans les bureaux de l’Association franco-yukonnaise. De mémoire, trois personnes auraient profité du moment pour renouveler ou remettre leur procuration, selon la consule adjointe.
Cette obligation administrative consterne Marie-Alexis Dangréau. « C’est décevant. Je comprends qu’on n’ait pas de bureaux de vote, mais qu’on soit obligé de déposer notre procuration en personne… je ne comprends pas. On pourrait le déposer à la [GRC] ou à quelqu’un qui pourrait attester notre identité », suggère-t-elle.
La majorité des consuls honoraires de France à travers le Canada possède la citoyenneté française. « Ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que ce sont des bénévoles qui veulent rendre service à la communauté française. On ne peut être que très reconnaissants envers ces personnes », souligne Irène Ifrah.
Virage en ligne?
Dans le meilleur des mondes, selon Marie-Alexis Dangréau, le vote par Internet serait disponible pour la présidentielle, mais ces changements législatifs ne relèvent pas des consulats. En revanche, la possibilité de « dématérialiser » les protocoles pour établir la procuration est examinée en ce moment. « Si ça pouvait se faire à distance, je pense que ça pourrait arranger tout le monde, surtout quand il y a de telles distances », reconnaît Irène Ifrah.
Le vote par Internet sera disponible pour les élections législatives, en mai 2022, mais ne l’est pas pour élire la prochaine personne à la tête de la France.