Laurie Trottier
8 janvier 2019, 11 février 2020 et 23 novembre 2021 : les manifestations en soutien à la Première Nation Wet’suwet’en ont presque l’allure d’un rendez-vous annuel au Yukon. Si le groupe était plus petit cette année, le message était le même : que la GRC recule.
Le 23 novembre dernier à Whitehorse, sous le soleil, un tout petit groupe était rassemblé près du fleuve Yukon pour participer à une manifestation en soutien à la Première Nation Wet’suwet’en, pour une troisième année consécutive. L’avantage? Les manifestantes et manifestants ont pu recycler les pancartes et les bannières des années précédentes.
« Pas de pipeline sur le territoire des Wet’suwet’en », « GRC, reculez! », « Solidarité aux Wet’suwet’en » : les slogans démontraient à nouveau un soutien indéniable envers les Wet’suwet’en, au nord-ouest de la Colombie-Britannique.
Pendant le mois de novembre, les hostilités se sont envenimées entre la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et des membres wet’suwet’en. Ces derniers s’opposent au projet Coastal GasLink, le pipeline de 670 kilomètres qui traverse leur territoire et ont établi à nouveau des campements pour bloquer la construction d’un des segments. Au moment d’écrire ces lignes, plus d’une quinzaine de personnes ont été arrêtées par la GRC.
Les images d’arrestations musclées se sont multipliées sur les réseaux sociaux et ont engendré de vives réactions à l’extérieur de la province. Des manifestations solidaires ont eu lieu entre autres à Edmonton, Toronto et Montréal, ainsi qu’au centre-ville de Whitehorse.
« C’est une lutte qui nous touche tous, les militants et militantes wet’suwet’en se battent pour protéger notre environnement, notre climat et pour affirmer que les Premières Nations ont le droit de protéger leur territoire et leur mode de vie », souligne Mona Luxion, qui a organisé le rassemblement du 23 novembre au Yukon avec Robin Reid-Fraser.
« Pour moi ce qui était important, c’était de souligner qu’il y a cette lutte qui se passe et de soutenir les Premières Nations moralement, financièrement et physiquement », ajoute Robin.
Pour cette dernière, il est impératif que le gouvernement yukonnais prenne position : « Je veux qu’il garantisse que ça n’arriverait pas ici s’il y avait des enjeux similaires. C’est important, surtout avec un gouvernement fédéral qui dit vouloir changer les choses et améliorer la relation avec les peuples autochtones. »
Réactions au territoire
Le député fédéral Brendan Hanley a tenu à préciser que la solution restera toujours le dialogue. Il dit avoir été perturbé par les arrestations des journalistes. Le 20 novembre, Michael Toledano et Amber Bracken ont été arrêtés pendant la couverture des événements. Les deux ont été libérés depuis.
« En tant que député, j’approuve le principe selon lequel les journalistes doivent pouvoir exercer leur travail à l’abri des menaces et de l’intimidation », soutient le député fédéral du Yukon.Le porte-parole de la GRC du Yukon Sandy Watson a quant à lui affirmé qu’il était impossible de commenter une opération qui se déroule à l’extérieur de sa juridiction. Comparer la situation en Colombie-Britannique à celle du Yukon est aussi un exercice difficile selon lui.
Il affirme cependant que la GRC du territoire « s’implique activement avec différents groupes comme les Premières Nations, dans le programme Veillons ensemble à la sécurité (Together for Safety), avec les communautés et différentes organisations », en plus d’être en contact constant avec le Conseil des Premières Nations du Yukon (CYFN).
« Ce dialogue constant fait du chemin pour nous », ajoute-t-il. À savoir si un conflit d’une telle ampleur pourrait éclater au territoire, Sandy Watson demeure confiant : c’est en « construisant une relation basée sur la confiance et la compréhension » qu’on empêche ces situations d’arriver.
« On peut toujours apprendre des expériences ailleurs, et c’est important d’avoir des conversations et des discussions entre les chefs des Premières Nations et la GRC ici », souligne Brendan Hanley.
Le CYFN et la section yukonnaise de l’Assemblée des Premières Nations n’étaient pas disponibles pour répondre à nos questions.
Élan de solidarité jusqu’à Dawson
En voyant la situation évoluer en Colombie-Britannique, Kimberly Edgar a décidé de s’impliquer en lançant un projet sur sa page Instagram. Basé.e à Dawson, iel a envoyé des écussons faits à la main à ceux et celles qui ont versé 30 dollars ou plus à la levée de fonds organisée par les Wet’suwet’en.
En un peu plus d’un mois, plus d’une soixantaine d’écussons ont été envoyés, pour un total d’au moins 1 800 dollars. Mais la somme totale récoltée pourrait être beaucoup plus élevée, soutient Kimberly, puisque plusieurs dons versés ont été de plus de 30 dollars.
L’artiste derrière la page Instagram The.Foragersclub – qui est aussi le nom de sa compagnie de produits locaux – s’est dit.e « époustouflé.e par le soutien accordé à la levée de fonds ». Tous les écussons ayant été envoyés, il n’est plus possible de s’en procurer.
IJL – Réseau.Presse
L’Aurore boréale