Ça prend un petit quelque chose en plus. Un quelque chose que tout le monde n’a pas, mais qui est essentiel lorsque l’on décide de venir vivre au nord du 60e parallèle. Un soupçon d’aventure nous pousse à venir découvrir le Grand Nord et, souvent, le Grand Nord nous prend tout entier et nous garde beaucoup plus longtemps que ce qui était initialement prévu.
La vie de Northener se mérite, mais une fois domptée, un équilibre léger et naturel se crée entre l’humain et sa nordicité fraîchement apprivoisée. Vivre en cabine, en van, dans un véhicule récréatif, dans une maison mobile, dans une tente prospecteur, sans eau et sans électricité : ce que les habitants du Sud perçoivent comme des modes de vie alternatifs sont en réalité pour plusieurs d’entre nous la normalité. Cette normalité alternative rime avec liberté, indépendance et nature au quotidien.
Françoise La Roche : vivre à l’écoute de ses envies
De déménagement en déménagement, Françoise a longtemps cherché le mode de vie qui lui convenait réellement. Elle a quitté la ville pour la campagne, puis la campagne pour le Yukon. C’est finalement dans sa petite cabine qu’elle a vécu le plus longtemps. Elle y a passé huit années de tranquillité au rythme des tâches quotidiennes imposées par la vie en cabine. Mais ça, c’était avant de découvrir les joies de la vie nomade ! Cela fera bientôt deux ans que la jeune retraitée vit dans son campeur. « C’est une vie merveilleuse, je n’ai pas d’attaches, je vis avec mes chiens : je n’ai besoin de rien d’autre », décrit-elle, le sourire aux lèvres. « Dès que je suis dans ma van, j’ai l’impression d’être en vacances !, lance-t-elle, gaiement. C’est l’aventure, la promenade, la route, le camping et la découverte de petits coins tranquilles. »

Au volant de son campeur, Françoise La Roche apprécie chaque minute de sa vie de nomade. Photo : Maurine Forlin
De sa cabine à son vieux Chevrolet, Françoise est revenue à l’essentiel. Elle s’est séparée de toutes les choses accumulées qui l’emcombraient. Elle part sur la route le cœur léger, avec à portée de main tout le nécessaire. « Tant que j’ai mes affaires de broderie et de couture et mes chiens, je suis bien ! », conclut l’artiste nomade. Et si vous en doutiez, Françoise aime rappeler qu’il n’est jamais trop tard pour choisir le mode de vie qui nous convient réellement. Si demain la sédentarité la rappelle, elle y retournera ; mais aujourd’hui, c’est dans sa van qu’elle file, heureuse et sans tracas.
Jocelyne LeBlanc et Kira : la simplicité de mère en fille
La vie de musher peut sembler difficile pour une petite fille de 9 ans. Pourtant, Kira ne veut rien de plus que ce qu’elle a déjà : ses livres, qu’elle lit au chaud dans la cabine partagée avec sa maman, Jocelyne, à deux pas des 112 chiens de Sky High Wilderness Ranch, la compagnie touristique codirigée par Jocelyne. Son grand sourire nous rappelle l’importance de profiter des choses simples, qu’on oublie trop souvent d’apprécier. La jeune fille rejette même les gadgets technologiques tant réclamés par ses camarades de classe. « C’est elle qui me dit de débarquer de mon téléphone! », admet Jocelyne, coupable de lire ses courriels trop souvent. Leur spacieuse cabine est pensée pour être autonome : les panneaux solaires alimentent l’électricité, le poêle à bois les tient au chaud toute l’année et les bidons d’eau remplis en ville leur suffisent pour vivre en harmonie.

La vie simple demande aussi du travail : Kira participe aux tâches, telle que celle de corder le bois de chauffage. Photo fournie.
La nature et le contact avec les chiens sont leur plus grand trésor au cœur de cet équilibre, que le duo complice s’est créé dans la forêt. « En ville, la vie va trop vite, avoue Jocelyne. Dans la cabane tout est plus lent, on prend le temps d’apprécier ce qui nous entoure. » L’âme d’aventurière indépendante de -Jocelyne s’est transmise à Kira sans grande difficulté. Elle évolue sur les traces de sa mère, les deux étant convaincues qu’aucune maison ne sera jamais aussi douillette que leur cabine.
Karine Genest : une habitante du Nord qui n’a pas froid aux yeux
Karine est née pour être dehors! C’est d’ailleurs le besoin de contact avec le plein air qui l’a poussée vers le Yukon, il y a 17 ans. Elle a d’abord vécu dans sa van, puis dans une cabine et enfin dans une maison. Si Karine a pris le chemin inverse du parcours classique des minimalistes en quête de détachement, ce n’était pas pour plus de confort, mais pour l’indépendance qu’une maison lui procure. « Je suis souvent partie et maintenant je n’ai plus à m’inquiéter, je n’ai plus à trouver quelqu’un pour veiller sur ma cabine pendant mes absences, explique-t-elle. En fait, ça me donne plus de liberté et ça me permet d’être un peu plus autosuffisante. »
Pour limiter ses achats à l’épicerie, Karine consomme le plus local possible, notamment en achetant de la viande locale et du gibier d’élevage en grande quantité une fois par année. Pendant que ses vers de terre digèrent tranquillement les déchets organiques fermentés qui ont d’abord servi à nourrir ses plantes, Karine est libre de partir à l’aventure autant qu’elle le souhaite.
Des aventures, Karine en vit au quotidien grâce à son métier de réalisatrice de documentaires animaliers. Quel que soit le mode de vie adopté, l’exploratrice est convaincue : « Vivre au Yukon, ça t’apprend une forme de débrouillardise, ça forge le caractère ! » Face à la popularité grandissante du territoire, la Yukonnaise de longue date s’inquiète de le voir changer. Le prochain défi réside certainement dans la cohabitation entre les nouveaux et les anciens explorateurs du Nord qui doivent apprendre à se le partager et à le respecter ensemble.
Kim Pasche : réensauvager notre quotidien
Et si les réponses à nos nombreuses questions se trouvaient simplement dans notre passé ? En reconnectant avec les gestes de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs, Kim Pasche essaye de comprendre pourquoi nous nous sommes détachés des peuples premiers.
À la recherche de cet héritage endormi, le trappeur vit une partie de l’année au cœur de la forêt dans la communauté de Mayo. En se replongeant dans des traditions enfouies, Kim ne prétend pas détenir les solutions ; il observe, compare et tente de comprendre.
Sa manière très humble d’aborder sa quête lui a permis de collaborer avec les Premières Nations. « Je suis invité à réfléchir avec eux sur comment transmettre et maintenir les savoirs traditionnels », explique-t-il. L’importance accordée par les peuples autochtones aux savoirs du passé est bien différente de notre perception occidentale. « L’Occident aime voir le monde comme un problème à résoudre, on est tout le temps en train d’essayer de résoudre des imperfections », observe-t-il.
À l’inverse, pour les Premières Nations, le trappeur croit qu’ « il y a une confiance sur l’acquis, [qu’]on capitalise sur cet héritage, et [qu’]on part du principe que si on est là, c’est qu’on est issu d’une série de bons choix ». La globalité et les modèles de moins en moins diversifiés dans lesquels nous vivons nous emprisonnent et nous éloignent de la simplicité et des choses à notre portée : « La vie est beaucoup plus simple quand on lâche cette idée de vouloir résoudre des choses et de penser qu’on aurait une emprise globale sur les enjeux qui sont autour de nous », estime Kim Pasche. Pour lui, la richesse de la nature sauvage surpassera toujours la technique.
Catherine Forest : le doux chaos d’une famille de cinq, dans un autobus
C’est d’abord et essentiellement par volonté de prendre le temps de partager des moments de qualité ensemble que Catherine, Jean-François et leurs trois filles ont décidé de quitter leur ferme pour vivre sur la route. « C’était l’idée de profiter de la vie ensemble », explique-t-elle, simplement. Les trois adolescentes de Catherine Forest font l’école à la maison depuis toujours et leur éducation a toujours été enrichie par leur environnement. Après avoir vécu la réalité d’une ferme, l’idée d’élargir les horizons de leurs enfants sur la route s’est imposée. « On s’est dit que si on était toujours à la découverte d’endroits nouveaux et qu’on s’intégrait dans la culture et dans la nature […], ça rendrait leur éducation plus vivante et beaucoup plus riche ! », raconte Catherine.

Catherine Forest et sa famille sillonnent les routes depuis 7 ans avec leur gros autobus rouge. Photo : Catherine Forest.
Depuis, la famille vit au rythme des saisons : l’hiver dans le Sud et l’été entre le Yukon et le Québec. L’autobus rouge qui les emmène partout a créé dans leur quotidien la spontanéité et la flexibilité qu’ils recherchaient. Même si – Catherine ne le cache pas – vivre dans un si petit espace avec trois adolescentes est un défi, la récompense de changer de cour arrière tous les soirs vaut certainement les quelques compromis que la vie de van représente.
Trish Newport : vivre l’extrême avec force et fierté
Il y a de ces personnes qui n’aiment pas beaucoup la normalité telle qu’on l’entend. Trish est définitivement de celles-là. Les dix années qu’elle a passées dans une tente prospecteur au Yukon en témoignent, tout comme le hamac qui remplaçait son lit dans sa chambre d’étudiante. La vie extrême qu’elle a menée au cœur du Yukon, entre les quatre toiles de sa tente, répondait à son besoin de se sentir vivante. « C’était difficile, mais j’aime bien les choses difficiles! Chaque matin, je me réveillais et il faisait très froid, mais je pensais : “J’ai réussi, je suis en vie!” », dit-elle en riant. Poussée par le besoin de se dépasser, elle dit n’avoir jamais été aussi bien que dans la forêt.
Cet amour pour la vie hors réseau, Trish le porte depuis qu’elle est toute petite. À dix ans, lorsque son enseignant à l’école lui demande d’écrire ce qu’elle veut faire quand elle sera plus grande, elle répond, déjà bien sûre d’elle: « Je veux habiter dans la forêt sans eau et sans électricité. » Ce rêve, elle l’a accompli haut la main. Aujourd’hui, fière et comblée par les défis quotidiens que cette vie lui a apportés, elle se consacre à sa vie de responsable adjointe des programmes pour Médecins Sans Frontières. Si ce métier lui impose souvent de dormir entre quatre murs, elle ne trouve le sommeil qu’en ouvrant la fenêtre pour écouter les sons qui l’entourent et qui lui rappellent le vent qui soufflait sur sa tente.
Ces six âmes libres et quelque peu téméraires poursuivent leur idéal, loin des foules des grandes villes, au rythme que la nature leur impose et dans le respect le plus sincère de celle-ci. Si leur quotidien n’a que peu de points communs, ces minimalistes du Grand Nord ont toutes et tous le même objectif : être libres. Cette récente ruée vers la liberté, le nouveau trésor du Klondike, offre la chance à celles et ceux qui en ont le courage de vivre comme ils l’entendent, loin de toute forme de jugement. De la maison à quatre façades à la cabine autosuffisante, chaque habitante et habitant du Nord vit le Yukon à sa façon. En échange, cet environnement unique qui nous offre cette chance n’a besoin que d’une chose : être respecté.
L’été arrive et avec lui débutent les expéditions en pleine nature. Cette année, laissez les pâtes déshydratées au placard et offrez-vous un repas royal, directement sur votre feu de bois, grâce aux conseils de Maya Poirier, du ministère de l’Environnement du Yukon.
Les secrets de la cuisine sur feu de bois
Allumer un feu en toute sécurité
La première étape consiste à allumer un feu de camp sécuritaire, car un incendie risquerait de gâcher votre festin! Choisissez un espace dégagé loin de la végétation, sous un ciel ouvert et proche d’un point d’eau. Dégagez la zone et creusez un petit trou que vous entourerez de roches de taille moyenne. Versez un peu d’eau dans le fond de votre trou pour humidifier la terre. Choisissez ensuite des herbes sèches et des brindilles que vous disposerez en tipi. Une fois votre tipi allumé, ajoutez-y graduellement des branches un peu plus grosses jusqu’à l’obtention d’un beau feu de bois.
Choisir ses ustensiles de cuisine
Vous n’en pouvez plus de manger des saucisses sur un bâton? Sortez votre vieille casserole en fonte bien usée, elle fait des miracles et est aussi efficace qu’un four traditionnel. Mijotés, chilis, pizzas maisons, les possibilités sont infinies. Une fois votre festin prêt à cuire, placez la casserole sur une grille ou sur deux grosses bûches et assurez-vous qu’elle ne touche pas directement les braises afin d’éviter de retrouver votre repas carbonisé.
Partir sans laisser de traces
Après vous être régalés, éteignez votre feu de façon sécuritaire. Ramassez tous vos déchets et assurez-vous de ne rien laisser derrière vous. Respectez les terres des Premières Nations et les ressources que l’environnement nous offre et faites en sorte que les animaux et les autres utilisateurs puissent également profiter de l’espace.
Pour en apprendre davantage et vous assurer d’utiliser la nature avec respect, participez aux ateliers de Maya et Nadine Poirier offerts par le ministère de l’Environnement du Yukon.
ALLER ENCORE PLUS LOIN :
La recette de croustade de grand-maman Claudette sur le feu par Catherine Forest.
La Croustade de grand-maman Claudette sur le feu par Catherine Forest
4 tasses de pommes tranchées, ou tout autre fruit fraîchement cueilli
1/3 tasse de beurre
1 tasse de cassonade
1/3 tasse de farine
2/3 tasse de gruau d’avoine
pincée de sel
cannelle ou muscade
Mélangez tous les ingrédients et disposez le mélange sur votre base de fruits frais.
Cuire 35 à 40 minutes sur la braise ou jusqu’à ce que la croustade soit bien cuite.
Dégustez, sans en laisser une miette!