Le Canada a deux langues officielles : le français et l’anglais. Pourtant, la dualité linguistique est loin d’être égalitaire et le français est même en déclin au pays, selon Statistique Canada. La ministre du Développement économique et des Langues officielles, Mélanie Joly, a rendu public vendredi dernier le document intitulé Français et anglais : vers une égalité réelle des langues officielles au Canada, dans lequel elle se dit inquiète quant à la vitalité de la francophonie au pays et la qualifie même de vulnérable. La francophonie acclame le document.
« Le temps est venu d’offrir une vision modernisée de notre dualité linguistique et de notre bilinguisme au pays afin d’assurer leur avenir », lit-on dès les premières lignes du document.
En mars 2019, la ministre Joly présentait aux parlementaires fédéraux une proposition de modernisation de la Loi sur les langues officielles. Cette proposition incluait les modifications estimées nécessaires pour donner un nouveau souffle à la dualité linguistique canadienne.
Français et anglais : vers une égalité réelle des langues officielles au Canada est un pas de plus vers la modernisation de la Loi. Jusqu’à maintenant désigné comme le « livre blanc » sur les langues officielles, ce document de réforme linguistique présente les intentions du gouvernement. Il comporte une série de recommandations visant à adresser l’urgence de renforcer la place du français au pays.
Le français, une langue vulnérable
« Plus de 51 ans après la création de la Loi, il faut aujourd’hui que cette dernière favorise davantage l’égalité de statut et de l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne », affirme la ministre.
Selon Statistique Canada, moins de 10 % des anglophones qui vivent à l’extérieur du Québec parlent français actuellement. Pourtant, si l’on compare avec le Québec, le taux de bilinguisme serait de 40 % chez les francophones.
On comprend ici l’ampleur de l’inégalité. « Ce document présente la francophonie comme la seule langue officielle vulnérable au pays, c’est très courageux de la part de la ministre », commente Jeanne Beaudoin, présidente de l’Association franco-yukonnaise (AFY). C’est d’ailleurs sur ce constat que se basent plusieurs des recommandations incluses dans le document.
Encourager l’apprentissage
Afin de favoriser le bilinguisme hors Québec, le document propose de soutenir l’accès à l’éducation et à l’immersion en français langue seconde. La Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF) voit cela d’un bon œil et souligne l’accent mis sur l’obligation du gouvernement fédéral pour appuyer l’enseignement de la langue de la minorité. « De plus, nous saluons la reconnaissance de l’importance des mesures et stratégies visant la jeunesse, notamment au niveau de la sécurité linguistique ainsi que des échanges linguistiques et culturels, dans ce document de réforme », affirme la FJCF.
Un document acclamé par les organismes francophones
Outre la FJCF, nombreux sont les organismes de la francophonie canadienne à s’être manifestés suite à cette annonce.
La Fédération des communautés francophones et acadiennes (FCFA) du Canada accueille elle aussi positivement le document de réforme. L’organisme souligne particulièrement la recommandation d’enchâsser dans la Loi le Programme de contestation judiciaire ainsi que le droit d’être entendu en français devant la Cour suprême sans l’aide d’un interprète.
Le document inclut d’autres demandes initiées par la FCFA, comme la désignation du Conseil du Trésor comme agence centrale chargée de la mise en œuvre de la Loi. « C’est très important, affirme Jeanne Beaudoin. Cette agence aurait un pouvoir réel de rappeler à l’ordre les ministères qui ne suivent pas les directives. Pour le moment, Patrimoine canadien est responsable de faire respecter la Loi, mais il n’a pas de pouvoir sur les ministères. »
Concernant l’immigration, le gouvernement renouvèle son objectif d’atteindre un poids démographique des francophones hors Québec à 4,4 % en favorisant l’immigration francophone et la francisation des immigrants.
« On trouve dans ce document des mesures qui auront un effet transformateur sur le pays et sur la dualité linguistique. […] On a le sentiment d’avoir été entendus et compris », estime le président de la FCFA, Jean Johnson, porte-parole des 20 organismes membres, dont 12 associations porte-parole provinciales et territoriales et huit organismes nationaux à vocation sectorielle.
Au Yukon
L’Association franco-yukonnaise (AFY) accueille également le document avec enthousiasme. « Nous nous réjouissons des mesures identifiées dans ce document qui devraient nous permettre de nous diriger plus efficacement vers une égalité réelle des langues officielles au Canada. Nous avons le sentiment d’avoir été entendus », affirme Jeanne Beaudoin.
L’organisme porte-parole des francophones du Yukon se réjouit particulièrement que le document de réforme reconnaisse le statut particulier du français comme langue vulnérable ayant besoin de mesures spécifiques de protection et de promotion afin d’atteindre l’égalité entre les deux langues officielles du Canada.
Une étape positive, mais l’urgence demeure
Malgré cette route désormais pavée, l’urgence d’atteindre la ligne d’arrivée est cependant au cœur des préoccupations à l’approche des élections fédérales. « Nous réitérons l’importance de terminer rapidement les travaux pour obtenir un projet de loi fort et inclusif qui reconnaitra ce statut particulier du français au Canada », mentionne le communiqué franco-yukonnais. Mme Beaudoin ajoute : « Nous sommes impatients que le projet de loi soit finalisé. Notre vœu, c’est qu’il soit enclenché avant les élections ». La FCFA exprime le même souhait et le même sentiment d’urgence.
Même discours de la part de l’Alliance des femmes de la francophonie canadienne, qui s’est engagée elle aussi à travailler avec le gouvernement afin de « préciser certains éléments ». L’organisme porte-parole des 1,326 million de femmes issues des communautés francophones et acadiennes du Canada se dit également impatient de voir aboutir un projet de modernisation de la Loi, mais mentionne toutefois que la prise en compte de l’Analyse comparative entre les sexes plus (ACS+) est non négligeable et reste au cœur de ses préoccupations.
La dernière recommandation du document propose un examen périodique de la Loi tous les 10 ans. Elle n’a jamais été révisée depuis sa création, il y a 51 ans.