– Francopresse
« Je vous souhaite des rêves à n’en plus finir et l’envie furieuse d’en réaliser quelques-uns », lançait l’un des Belges les plus célèbres au monde, Jacques Brel, lors d’une entrevue accordée le 1er janvier 1968 à la chaine Europe 1. Force est de constater qu’en 2021, nous avons dû revoir nos ambitions à la baisse.
« Je te souhaite de pouvoir à nouveau embrasser tes parents », écrit-on sur une carte de vœux. « J’aimerais tant pouvoir te serrer contre moi », reçoit-on en échange. En 2021, plus personne n’ose rêver de grandes aventures et de rencontres étourdissantes.
En 2021, on vise petit, on vise « nouvelle normalité ». On épargne sa candeur en renonçant à des aspirations trop hardies. On se convainc que c’est bon pour la planète, de ne plus trop voyager. On se trouve un nouveau loisir, de ceux qui se pratiquent en solo et pas trop loin de la maison. On se concentre sur ce qu’il nous reste. On arrête l’abonnement à la salle de sport ; de toute manière, elle est fermée.
Et puis, petit à petit, avec l’infinie patience et l’implacable efficacité du chat devant le trou de la souris, l’ennui et l’anxiété gagnent la partie. On éteint la radio. On renonce à se battre. On fera ce qu’on nous dira, quand on nous le dira, à condition que nos magasins de bricolage restent ouverts.
2020 nous a volé notre insouciance et notre liberté. Nos vacances à la mer et nos réunions de famille. Nos ligues de hockey et nos fêtes de fin d’année. Nos jobs, aussi. Nos espoirs.
Alors on a appris à faire contre mauvaise fortune bon cœur. Et puis du pain. Mais nos rêves ont rétréci.
Dictons les règles du jeu
Méfions-nous de notre lassitude : certains ne se gêneront pas pour en tirer profit si nous n’y prenons pas garde. Méfions-nous de la peur, de celle qui se nourrit de l’ignorance et enfle dans les bas-fonds de nos réseaux sociaux.
Méfions-nous des solutions faciles, des diseurs de bonne aventure et de leurs calculs simplistes. Méfions-nous de ceux qui chercheront à nous diviser et tenteront de nous faire croire que l’austérité est la solution.
Osons rêver plus grand qu’eux, plus grand que la morosité et préparons-nous pour demain ; car demain viendra, et il nous faudra reconstruire. N’attendons pas que d’autres le fassent à notre place : dictons les règles du jeu.
Exigeons des loyers abordables, des transports en commun efficaces, des services de garde accessibles, des espaces publics inclusifs et des salaires justes. Créons des jardins communautaires, des festivals de poésie et des ateliers collectifs.
« N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question », écrivait Simone de Beauvoir dans Le Deuxième Sexe en 1949. Refusons de lui donner raison. Réclamons des politiques durables, féministes et sociales.
Cette crise a décousu nos vies, mis en lumière les failles de nos systèmes sociaux et révélé les disparités sociales et économiques de nos sociétés. Les fissures sont maintenant exposées au grand jour ; ne nous contentons pas de les reboucher.
Démolissons les murs, agrandissons la pièce! Il est temps de bâtir plus grand, plus lumineux, plus ouvert. Plus que jamais, soyons créatifs.
Je conclurai en paraphrasant mon compatriote belge : « En 2021, je vous souhaite des idées à n’en plus finir et l’envie furieuse de vous battre pour en réaliser quelques-unes. »