, l’Aquilon
Une partie du plateau Milne formé il y a 4 000 ans s’est effondré entre le 30 et le 31 juillet. Il a perdu 43 % de sa superficie qui fait aujourd’hui 106 kilomètres carrés. Ultime témoin des temps glaciaires, ce plateau était étudié et visité depuis une dizaine d’années par des scientifiques de l’Université Carleton à Ottawa et du Service canadien des glaces, une division du Service météorologique du Canada.
Luke Copland, titulaire de la Chaire de recherche de l’Université en glaciologie à Ottawa, étudie le plateau Milne depuis 2008. La dernière fois qu’il s’y était rendu, c’était lors de l’été 2015, alors qu’il collectait des données dans le cadre de ses recherches.
Même si des signes de fractionnement étaient apparus sur le plateau depuis 2000 et que cinq fractures majeures avaient eu lieu entre 2003 et 2012, l’effondrement de juillet a étonné l’ensemble des chercheurs.
« Nous nous attendions à un tel évènement, car les fractures observées devenaient de plus en plus larges, mais nous pensions que ça n’arriverait pas avant plusieurs années », indique-t-il.
Les températures particulièrement élevées dans l’Arctique cet été ont également surpris. La moyenne estivale était supérieure de 5 degrés et un record de température de 37 degrés Celsius a été relevé dans le nord de la Russie.
« Les températures élevées ont été une grande surprise et l’Arctique est bien plus chaud que ce que nous avions observé auparavant et nous ne nous y attendions pas », remarque M. Copland.
Perte des données scientifiques
Lors de l’été 2019, Jérémie Bonneau de l’Université Carleton s’était rendu pour la seconde fois sur le plateau Milne dans le cadre de son doctorat. Entre 2018 et 2019, il n’avait pas remarqué de changement notable dans la glace. « Il n’y a pas eu de signe avant-coureur, raconte-t-il. Les premiers jours (après l’annonce de l’effondrement), j’étais ébranlé, car nos plans sont tombés à l’eau. »
Plusieurs appareils de mesure des courants, de la température et de salinité de l’eau, ainsi qu’une station météo restés sur place ont été perdus lors de l’effondrement. Si le montant des pertes matérielles s’élève à plus de 90 000 $, M. Bonneau déplore d’abord la perte des données que ce matériel avait permis d’amasser depuis juillet 2019.
« On savait que l’on prenait un risque, mais le plus triste, c’est la perte des données que nous n’avons pas pu télécharger. » En raison de la pandémie, l’équipe de chercheurs n’avait pas pu se rendre sur le plateau comme les autres années.
Le plus urgent, selon lui, est de s’y rendre à nouveau afin de faire le bilan. « Dès que l’on peut y aller, on va se rendre sur le terrain et évaluer ce qu’il est encore possible de faire là-bas. Une fois que l’on aura évalué sur le terrain comment les choses se passent, on déploiera peut-être des instruments », précise-t-il.
Réorientation des recherches
Bien qu’une partie du terrain d’étude de M. Bonneau soit maintenant à la dérive, celui-ci y voit la possibilité de réorienter son sujet de thèse.
« Mon doctorat n’est pas en suspens, mais je vais sûrement changer la direction de ma recherche, note-t-il. Auparavant, j’étudiais l’interaction entre l’océan et la barrière de glace. Maintenant que la barrière n’est plus là, mon étude va plutôt se centrer sur la situation avant et après l’effondrement, et comment la barrière de glace peut influencer l’écosystème. »
La plateforme Milne était la dernière plateforme intacte, n’ayant pas subi de fractures majeures dans les 30 dernières années, et M. Copland n’envisage pas d’amélioration dans le futur.
« Dans les prochaines années, nous nous attendons à perdre tous les plateaux de glace restants », regrette-t-il.