le Mercredi 11 septembre 2024
le Mardi 23 juin 2020 4:34 Société

Le mouvement Black Lives Matter crée des secousses jusqu’au Yukon

La manifestation du samedi 6 juin dernier, au centre-ville de Whitehorse, pour dénoncer le racisme et la brutalité policière.
Photo :  Robin Steudel
La manifestation du samedi 6 juin dernier, au centre-ville de Whitehorse, pour dénoncer le racisme et la brutalité policière. Photo : Robin Steudel

La lutte contre le racisme et la brutalité policière est un enjeu intersectionnel pour les communautés noires et autochtones du Yukon et du Canada.

La manifestation du samedi 6 juin dernier, au centre-ville de Whitehorse, pour dénoncer le racisme et la brutalité policière.
Photo : Robin Steudel

 

La mort de George Floyd, un Afro-Américain tué lors d’une intervention policière à Minneapolis le 25 mai dernier, a provoqué plusieurs manifestations aux États-Unis, puis au Canada, pour dénoncer la situation discriminatoire des communautés racisées.

Au début du mois de juin, une centaine de manifestants ont donc défilé dans les rues de Whitehorse et de Dawson pour décrier le racisme envers les communautés noires et autochtones au territoire et dans le reste du pays. Paige Galette, une des organisatrices de la marche dans la capitale du territoire, reconnaît « qu’il est fascinant de voir qu’un événement comme ça peut nous atteindre ».

Un long historique

Elle indique cependant que ce drame n’est pas unique à nos voisins du Sud. « Au Canada, c’est très facile de voir des gens qui se disent que ce n’est pas aussi grave qu’aux États-Unis ». Mme Galette rappelle l’incident entourant la mort de Regis Korchinski Paquet, une femme noire et autochtone, qui a chuté du 24e étage d’une tour d’habitation à la suite d’une intervention policière à Toronto le 27 mai dernier. « Mais je pense aussi à Andrew Loku ou à Jermaine Carby », ajoute celle-ci avec émotion.

Les raisons évoquées par Mme Galette résonnent aussi avec une autre des organisatrices de la manifestation contre le racisme anti-noir et autochtone, Annie Pierre. « C’est important de faire comprendre partout que ces communautés font face à des oppressions. » Le grand chef du Conseil des Premières Nations du Yukon (CPNY), Peter Johnson partage son avis. « L’histoire de nos peuples se ressemble. Ils ont vécu beaucoup de violence et d’épreuves », explique ce dernier.

Le rôle de la police

La brutalité policière et le rôle du corps policier sont aussi des enjeux au cœur de ce problème. « Il y a beaucoup de personnes des communautés noires ou autochtones qui sont aussi victimes de violence policière », affirme Annie Pierre. Il est par ailleurs nécessaire de comprendre la dimension historique de ces brutalités, informe le grand chef Peter Johnson. « Elle existe depuis presque 200 ans. Les North-West Mounted Police [qui deviendra plus tard la Royal Canadian Mounted Police] ont essayé de nous minimiser […] et certains en portent encore les séquelles », affirme-t-il. Aujourd’hui, ces séquelles sont encore visibles comme celles des impacts des pensionnats autochtones.

Le surintendant de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) au détachement de Whitehorse, Chan Daktari Dara, reconnaît le rôle de la GRC dans le racisme systémique. « Nos politiques, législations et procédures expliquent, selon moi, ce problème dans la police. » Par exemple, une personne aux prises avec un problème de consommation pourrait toujours se retrouver ballottée entre un refuge et une cellule pour dégriser, faute d’avoir un autre endroit pour le faire. « Il faut arrêter ce cycle où la police reçoit toute cette responsabilité […] le processus de guérison d’une personne bénéficie-t-il de la prison? », témoigne le superintendant. « C’est un système qui n’aide aucune cause », tranche Chan Daktari Dara qui souhaite voir une augmentation du soutien proposé aux populations vulnérables.

Un dialogue basé sur le respect

Le superintendant de la GRC du détachement de Whitehorse et le grand chef du CPNY concluent tous les deux qu’un dialogue doit être établi. « C’est important de construire une relation basée sur le respect », déclare Peter Johnson. Les corps policiers du Yukon, et du reste du pays, doivent traiter quiconque « tel qu’il le mérite dans la société », fait-il savoir.

Peter Johnson admet qu’il est encore difficile de voir quels seront les débouchés de ce mouvement. En revanche, il appelle à la solidarité de toutes les communautés. « Soyons ensemble aujourd’hui pour nos enfants, demain. »