– L’Aquilon (Article sur l’Arctique)
Dans la foulée du rapport de l’Enquête nationale sur les femmes autochtones disparues et assassinées, les femmes inuites réclament une aide comparable à celle accordée à leurs soeurs des Premières Nations.
Il y a un an, le comité responsable de l’Enquête nationale sur les femmes autochtones disparues et assassinées rendait son rapport final après quatre années d’enquêtes à travers tout le Canada. Pavé de plus de 500 pages, le second volume appelé Réclamer notre pouvoir et notre place présentait une longue série de lignes directrices permettant la mise en œuvre des appels à la justice.
Dans une recommandation de l’Enquête concernant les appels à la justice propres aux Inuits, on peut lire : « Nous demandons à tous les gouvernements de mettre sur pied des refuges, des maisons de transition et des maisons d’hébergement de deuxième étape sécuritaires pour les femmes et les filles inuites qui fuient la violence. De telles maisons et refuges doivent être établis dans toutes les communautés inuites et dans les centres urbains ayant une grande population inuite. »
Le 29 mai dernier, l’annonce du premier ministre Justin Trudeau de débloquer 44,8 millions $ pour la construction de dix nouveaux refuges dans les communautés des Premières Nations situées dans des réserves d’un bout à l’autre du pays a indigné la présidente de l’organisme Pauktuutit qui représente les femmes inuites du Canada.
« Cette annonce est profondément décevante. C’est comme si les femmes inuites avaient encore été oubliées et que nos voix étaient tombées dans l’oreille d’un sourd », a déploré Rebecca Kudloo. Cette décision qui concerne les réserves autochtones exclut de facto les collectivités inuites qui sont des municipalités et non des réserves.
« En raison du manque de refuges, les femmes inuites se déplacent souvent vers le sud à la recherche de sécurité, mais elles deviennent vulnérables à d’autres formes de violence et de danger », indique la vice-présidente de Pauktuutit, Gerri Sharpe.
En réponse à cette décision, Mme Kudloo a demandé un investissement immédiat de 20 millions $ pour financer la construction de cinq nouveaux refuges pour les femmes et les enfants inuits. Bien que le choix des collectivités n’ait pas encore été arrêté, les refuges seraient situés au Nunavut en majorité, mais également à Ottawa qui compte la plus forte population inuite urbaine au Canada.
À l’heure actuelle, les femmes inuites sont quatorze fois plus fréquemment victimes de violence que les autres Canadiennes, alors que 37 communautés inuites parmi les 51 que compte l’Arctique canadien n’ont pas d’endroit sécuritaire pour accueillir ces femmes.
Le problème majeur réside dans le manque d’infrastructure. Selon Gerri Sharpe, « le principal obstacle est l’infrastructure et la somme que nous avons demandée incorpore les coûts des matériaux ainsi que les coûts de transport. »
Afin de trouver une porte de sortie, Mme Kudloo est en discussion intensive avec les instances fédérales ainsi qu’avec le sénateur du Nunavut, Dennis Patterson. De son côté, Mme Sharpe ne cache pas sa frustration, mais estime qu’une solution peut et doit être trouvée avant la fin de l’année 2020.
Une situation différente au Yukon
Dans le territoire du Yukon, le refuge de Dawson, qui peut accueillir une dizaine de personnes, est ouvert aux femmes des communautés du Nord comme Old Crow, Mayo ou encore Pelly Crossing.
La directrice générale du refuge, Jen Gibbs, indique que l’organisme doit faire face à des défis différents de ceux rencontrés au Nunavut. En effet, l’organisme subit un sous-financement chronique qui ne lui permet pas d’embaucher plus d’une personne par quart de travail.
Cependant, cette situation ne les empêche pas d’aller de l’avant et de proposer des séances d’information et du matériel de sensibilisation à la violence familiale. Toutes ces activités sont en partie financées par des dons.
« C’est un défi à la fois grand et complexe, mais nous travaillons fort en partenariat avec la Première Nation de T’rondëk Hwech’in, car la ville de Dawson est au cœur de son territoire traditionnel. Pour nous, il est très important de travailler en partenariat avec eux, car, c’est une façon de promouvoir la réconciliation qui est l’une des étapes de la décolonisation », conclut-elle.