Josée-Anne Paradis — Agence Science-Presse (extrait)
Les ouvrages à parler d’une planète en détresse et des hommes qui la surchauffent sont nombreux, et dorénavant essentiels. Une dénomination pour rassembler ces romans à saveur environnementale a vu le jour au tournant des années 2010 : la « cli-fi », pour « fiction climatique » en anglais.
En voici donc une brève sélection.
La fonte des glaces, Joël Baqué (P.O.L.)
C’est avec humour — et un brin de dérision jamais mal placée — que Joël Baqué s’attaque au réchauffement climatique planétaire, traitant ainsi avec grandiloquence d’un sujet que l’on découvre non dénué de matière littéraire. Louis, protagoniste de ce roman, deviendra bien malgré lui une icône mondiale de l’écologie. Tout commence par l’achat d’un manchot empereur empaillé, trouvé dans une brocante et pour lequel il exprime une fascination sans bornes, allant même jusqu’à aménager tout son grenier en l’honneur de l’oiseau, lui trouvant d’autres « compatriotes » et choisissant même de visiter l’Antarctique. Le retraité deviendra célèbre, adulé, suivi par de nombreuses personnes souhaitant le bien de la Planète. C’est tordu, souvent à mourir de rire et on se plaît à la lecture, car l’écriture y est soignée et poétique. De plus, ce roman et son ironie sont parfaits pour nous remettre gentiment sous le nez notre crédulité et quelques-uns de nos travers collectifs.
La saison brune, Philippe Squarzoni (Delcourt)
Philippe Squarzoni répond ainsi à une grande quantité de questionnements tels que : l’activité humaine a-t-elle un impact sur le réchauffement? Qu’en est-il de l’énergie nucléaire? Quelles politiques pourraient nous sauver?
Une façon aussi originale que pertinente de s’informer pour ensuite mieux agir.
Exodes, Jean-Marc Ligny (L’Atalante)
Si le titre est au pluriel, c’est que ce roman bouleversant décline six différentes voies que choisissent de prendre les protagonistes pour survivre. Car la catastrophe a eu lieu : la Terre est devenue presque entièrement hostile à toute vie humaine et plusieurs hommes, dans leur quête de survie, en ont oublié leur humanité… De main de maître, l’auteur nous propose de suivre six destins : poursuivre quelque temps sa vie telle quelle sous un dôme en Suisse ; chercher le salut dans les religions ; tout détruire et précipiter la fin imminente dans une vague violente ; se prostituer pour avoir accès à de la médication ; sauver les derniers animaux tel Noé ; ou s’enfuir, loin de tous ces humains à court de solutions… Les opinions sont unanimes : il s’agit d’un grand roman, d’une forte intensité, d’une aventure désenchantée qui frappe l’imaginaire au point de laisser un arrière-goût d’avertissement comme quoi il faut agir, maintenant.
Un jardin dans les Appalaches, Barbara Kingsolver (Rivages)
L’auteure, qui nous avait ravi avec l’histoire du changement de trajectoire de la migration des monarques dans Dans la lumière, revient cette fois avec un récit plus autobiographique. À la façon d’un grand manifeste écologique, elle raconte son année passée dans les Appalaches alors que sa famille et elle ont choisi d’opter pour le mouvement « slow food ». En effet, ceux-ci ont cessé d’encourager la surconsommation liée à la nécessité de manger et en s’affranchissant de l’alimentation industrielle, laquelle est désastreuse pour l’environnement. Bref, on s’approche de l’autarcie : un an durant, la famille Kingsolver produira sa propre nourriture. Ainsi, il y est question de semis, de poules, de plats cuisinés avec imagination, de bêtes d’élevage. Et si le tout intéresse vivement, c’est qu’on délaisse la théorie pour plonger dans le quotidien de quelqu’un qui a eu le courage de se mouiller pour aider la planète.
No Impact Man, Colin Beavan (10/18)
Il y a dix ans déjà, la tendance « zéro déchet » faisait des adeptes. Du lot, Colin Beavan, un citadin de Manhattan qui décidera, à la suite d’un pari qui prendra une ampleur insoupçonnée avec sa femme, de réduire au maximum son empreinte environnementale. Dans ce récit, on suit pas à pas le cheminement mental, mais également les actions concrètes, de cet homme qui a fait de ses idéaux sa réalité, armé de courage et de créativité. Mais le tout n’est pas sans embûches, bien entendu : il a une femme qui adore la fourrure, un jeune enfant à élever sans réfrigérateur, neuf étages à monter sans ascenseur pour se rendre à son appartement, etc. Un livre qui plaira à tous ceux pour qui, prendre soin du climat par la réduction de leur empreinte carbone est devenu une priorité.
Faunes, Christiane Vadnais (Altó)
Dans Faunes, c’est la nature qui prend sa revanche sur l’Homme, qui réclame son dû sous différentes formes. Avec son écriture sensuelle et biologique qui hameçonnera le lecteur, ce recueil de nouvelles dont toutes les histoires sont liées évoque des espèces qui mutent étrangement, des animaux sauvages qui en ont beaucoup à nous apprendre, des tempêtes qui se déchaînent et avalent tout ce que l’homme a construit pour ne laisser que la nature dans son plus simple apparat. Toujours à la limite du réel, avec une touche de fantastique, ce premier livre de la Québécoise Christiane Vadnais embaume d’ambiances volontairement étranges et nous laisse un goût en bouche : celui de la nature qui fait son appel et qu’il vaudrait mieux respecter.
Kyoto Forever 2, Frédéric Ferrer (L’œil du souffleur)
Ils sont nombreux, les experts se penchant sur les changements climatiques, et la valse à laquelle ils s’adonnent pour trouver un accord international est aussi lente qu’éreintante, mais aussi parfois burlesque et chimérique. C’est du moins ce qui est dépeint dans cette pièce de théâtre inspirée de réelles conférences internationales sur le sujet.
Les changements climatiques expliqués à ma fille, Jean-Marc Jancovici (Seuil)
Sous forme d’interrogations posées par sa fille — question de cacher le documentaire sous la fiction, sans être barbant —, l’auteur explique les bases de ce qu’il faut comprendre pour cerner le problème environnemental actuel (qu’est-ce que l’effet de serre, en quoi la raréfaction du pétrole et des forêts est grave, quels métiers sont liés à l’environnement, quelle révolution de pensée il faut prendre). Et bien plus.