et Frédéric Cammarano (Francopresse)
Les jeunes Canadiens votent moins que leurs aînés, mais ils parlent plus qu’eux de politique et défendent des causes selon un récent rapport du Centre Samara pour la démocratie, un organisme sans but lucratif qui veut améliorer la démocratie canadienne.
À l’élection fédérale de 2015, plus de la moitié des jeunes âgés de 18 à 24 ans ont voté. Bien que ce soit une amélioration par rapport à l’élection de 2011 (39 %), ce groupe d’âge est encore celui qui vote le moins au pays, à égalité avec les 25 à 34 ans, selon les chiffres d’Élections Canada.
Au Yukon, le taux de participation des jeunes de 18 à 24 ans est néanmoins supérieur à la moyenne nationale pour la même tranche d’âge.
Entre 2011 et 2015, le pourcentage d’homme de 18-24 qui a voté est passé de 39 % à 52,9 %. Cette augmentation de presque 14 % place néanmoins les jeunes hommes yukonnais juste en au-dessous de la moyenne du Canada à 53,8 %.
La même tendance s’observe chez les jeunes femmes yukonnaises : leur taux de participation a augmenté de 20,6 % entre les deux élections, pour s’établir à 62,6 %.
Avec ce gain énorme, celles-ci parviennent maintenant à surpasser la moyenne nationale qui est de 60,5 %.
Le mystère 18-24
Malgré ces augmentations, il reste à savoir pourquoi les jeunes ne vont pas voter autant que leurs aînés, dit Adelina Petit-Vouriot, analyste des recherches au Centre Samara pour la démocratie.
Elle affirme que des chercheurs en sciences politiques ont fourni plusieurs explications à ce sujet, notamment le manque d’intérêt des partis politiques pour les jeunes, et ces derniers « ne voient pas le vote comme un devoir de citoyenneté ou, au moins, beaucoup moins que les autres générations ».
« Ils voient aussi qu’il y a d’autres avenues politiques qui pourraient être plus faciles pour poursuivre un changement », dit Mme Petit-Vouriot.
Les jeunes âgés de 18 à 29 ans sont plus nombreux que les autres groupes d’âge à tenir un événement ou un rassemblement sur la politique, à faire du bénévolat, à signer une pétition et à manifester, selon le rapport.
Pour Anna Tölgyesi, Yukonnaise âgée de 18 ans, la participation des jeunes aux élections est reliée à la défense de leurs intérêts. « S’ils ne se sentent pas représentés par les politiciens, ils n’iront pas voter », commente-t-elle.
Une autre piste évoquée par Anna Tölgyesi pour expliquer le taux de participation plus faible des jeunes est l’impression d’un manque d’impact derrière son vote, comme le serait une goutte d’eau dans l’océan. « C’est un acte sur le très long terme et certains se questionnent si leur vote a réellement de la valeur. »
Un exemple d’implication politique : le PFCNO
L’arrivée du Parlement franco-canadien du Nord et de l’Ouest (PFCNO) à Whitehorse en novembre est un exemple d’implication politique chez les jeunes au Yukon.
Mme Tölgyesi en est d’ailleurs la coordonnatrice pour l’Association franco-yukonnaise (AFY), avec Josée Jacques, agente de projets, Arts et culture et Jeunesse à l’AFY. Elle a participé deux fois à l’événement comme députée et s’implique beaucoup dans sa communauté : elle a notamment été présidente de l’organisme Jeunesse Franco-Yukon pendant deux ans.
Le PFCNO regroupe plus d’une quarantaine de jeunes d’expression française, âgés de 16 à 25 ans, issus des provinces et territoires de l’Ouest et du Nord pour simuler une session parlementaire.
Les délégués siégeront comme députés ou ministres. Certains iront même jusqu’à déposer des projets de loi qu’ils auront préparés. Six jeunes du territoire participeront à l’événement, dont la première ministre de cet exercice politique, Marguerite Tölgyesi. C’est la première fois que ce poste est pourvu par une Yukonnaise dans l’histoire du PFCNO.
De plus en plus de jeunes femmes décident de participer à la politique, selon Josée Jacques.
« Depuis quatre ans, je vois de plus en plus de filles déposer leur candidature pour des postes de ministres [au PFCNO] », a-t-elle observé.
Le PFCNO est une preuve concrète de l’implication des jeunes Yukonnais pour la politique. « Je n’ai jamais eu de la difficulté à trouver des candidats », souligne Mme Jacques.
Que ce soit par courriel, par téléphone ou sur les réseaux sociaux, les jeunes discutent plus de politique que les autres générations. Aussi, 61 % des jeunes disent même avoir discuté avec quelqu’un qui ne partage pas leur avis politique au cours du dernier mois.
L’utilisation des réseaux sociaux est un outil de sensibilisation utile, témoigne Anna Tölgyesi. « Beaucoup de jeunes de mon âge publient sur les médias sociaux les plateformes où tu peux regarder les enjeux que les politiciens soutiennent pour t’informer en vue du vote. »
Viser les jeunes paie
Mme Petit-Vouriot soutient qu’il faut que les partis sensibilisent les jeunes à aller voter, ce qu’ils négligent de faire bien souvent. C’est pourtant une stratégie qui pourrait faire toute la différence le 21 octobre prochain, jour de l’élection fédérale, selon l’analyste.
« Il y a des partis politiques qui ont vraiment mis l’accent sur les jeunes et ça leur a donné l’élection », dit-elle en parlant de 2015.
Christophe Traisnel, professeur en sciences politiques à l’Université de Moncton, rappelle que tous les groupes d’âge ont été plus nombreux à voter aux dernières élections. Il se pourrait que les enjeux de l’élection aient été plus importants aux yeux des électeurs que lors des précédentes élections, selon le professeur.
M. Traisnel croit que les jeunes votent moins que leurs aînés pour deux raisons. La première, c’est qu’il y a un « temps d’adaptation » lorsqu’un groupe obtient nouvellement le droit de vote. « Quand on obtient le droit de vote, on ne l’utilise pas tout de suite », dit-il en précisant que, selon le rapport, ce « temps d’adaptation » semble diminuer pour les jeunes d’aujourd’hui.
La deuxième raison, c’est que les jeunes perçoivent la participation politique différemment de leurs aînés.
Selon M. Traisnel, pour les personnes âgées de plus de 50 ans, la participation politique se résume au droit de vote, aux élections et aux partis politiques. « Chez les jeunes, j’ai l’impression qu’ils ont une image beaucoup plus ouverte et variée de ce que peut être la politique », dit-il en précisant qu’ils s’impliquent davantage que leurs aînés pour défendre des causes politiques.
Mais cette définition de la politique ne se traduit pas par un intérêt pour celle-ci. Les jeunes sont en queue de peloton lorsqu’il s’agit d’intérêt pour la politique, selon le rapport.
Les données de l’analyse du Centre Samara pour la démocratie proviennent d’un sondage effectué par le centre pour son rapport bisannuel La démocratie à 360º. Plus de 4 000 Canadiens adultes ont répondu au sondage entre le 16 janvier et le 6 février 2019.