Six mois après le tremblement de terre survenu en Haïti en 2010, Morgan Wienberg, alors âgée de 18 ans et tout juste diplômée de l’école secondaire F.-H.-Collins, se rend en Haïti pour faire du bénévolat. Elle y découvre les conditions épouvantables auxquelles sont confrontés les enfants dans les orphelinats du pays et décide de faire ce qu’elle peut pour y remédier. Aujourd’hui, elle continue à vivre en Haïti et accomplit un travail incroyable pour sauver des enfants haïtiens maltraités et dans le besoin.
En 2011, Morgan Wienberg décide de cofonder l’organisation de protection de l’enfance Little Footprints, Big Steps (LFBS) en utilisant les économies destinées à ses études. Huit ans plus tard, elle emploie quatorze personnes haïtiennes, son travail est reconnu dans le monde entier et un documentaire, réalisé par une équipe yukonnaise, est en cours de production.
Cette association est avant tout une organisation de protection de l’enfance qui s’emploie à protéger les enfants vulnérables en Haïti par le biais de la réunification des familles, de programmes et de partenariats locaux.
Une situation alarmante
« La première fois que je suis allée en Haïti, je pensais n’y aller que pour l’été. J’étais acceptée à l’Université McGill, mais une fois sur place, je ne pouvais pas oublier ce que j’avais vu et juste continuer ma vie. J’ai demandé de reporter ma scolarité. Trois ans de suite…Puis, j’ai décidé de rester ici », explique la jeune femme qui suit désormais un cours en ligne dans le domaine des droits de l’enfance.
La situation qu’elle ne pouvait plus chasser de son esprit, c’est celle de près de 30 000 enfants qui se retrouvent dans les 750 orphelinats du pays. Leurs conditions de vie sont alarmantes pour la jeune Yukonnaise. « Dans l’orphelinat pour lequel je travaillais, les enfants subissaient des sévices physiques. Une petite fille est décédée lorsque j’étais là. Il y avait des enfants en proie à du trafic humain. La directrice m’a même offert d’acheter des enfants! », se souvient la jeune femme.
La réalité est bien différente de ce qu’elle imaginait. « Je ne parlais pas le créole, alors je ne comprenais pas. Je tentais d’améliorer les conditions des enfants dans l’orphelinat, mais je ne pouvais pas. Tout ce que je leur donnais était confisqué pour être vendu. Je n’avais même pas le droit de donner du beurre d’arachides aux enfants, qui n’étaient nourris qu’une seule fois par jour avec une assiette de riz blanc. »
Faire tomber les barrières de la langue
« En apprenant le créole, j’ai pu parler avec les enfants, et j’ai compris que la plupart n’étaient pas de vrais orphelins et voulaient rentrer chez eux. » La jeune femme réalise alors la noirceur du système. La maltraitance n’est que la pointe de l’iceberg. Près de 90 % des enfants qui vivent dans ces établissements ne sont pas orphelins et ont encore de la famille (selon une étude faite en 2016).
Dans un pays en proie à de nombreuses crises sanitaires et sociales, les parents désespérés acceptent de donner ou même parfois de vendre leurs enfants à ces orphelinats. Ils pensent ainsi leur offrir un avenir plus confortable et l’accès à de la nourriture et à l’éducation. Mais pour la grande majorité des établissements, il n’en est rien.
Sur 750 orphelinats, seulement une trentaine satisfont aux critères du ministère des Affaires sociales et du Travail du pays. Les responsables leurrent les parents en détresse et les battent parfois dans le but de leur enlever leurs enfants, confisquant les certificats de naissance. « Les enfants sont vendus pour 800 $ US! D’autres subissent des sévices sexuels dans des systèmes où sont parfois impliqués des visiteurs étrangers. »
Désemparée, elle s’arme de courage et filme en cachette tout ce qu’elle peut, monte des dossiers, fait des plaintes. Il faudra plus de trois ans pour fermer l’établissement dans lequel elle a travaillé.
Protection de l’enfance, bien-être et développement
Morgan Wienberg décide de s’attaquer à la source du problème, tout en gardant les enfants au cœur de ses préoccupations. « Assurer le bien-être physique et émotionnel des enfants par l’accès aux soins de santé, au tutorat, à la nourriture, aux vêtements et à un lieu sûr et permettre une transition saine vers leur famille et leur communauté. » Voilà le grand mandat dont s’est doté l’organisme LFBS.
Pour changer les choses, la jeune fille décide de s’attaquer aux raisons pour lesquelles ces orphelinats continuent de se remplir. Elle s’adresse au gouvernement. « Même s’il est contesté, je trouvais important de travailler avec le système en place. Nous avons fait fermer plusieurs orphelinats, mais d’autres questions se sont ensuite posées. Comment retrouver les familles? Où placer les enfants qui n’en ont pas? Comment donner un réel appui aux communautés et aux familles de ces enfants? » Elle crée donc des maisons de transition pour assurer la sécurité des jeunes ainsi que des programmes de renforcement des communautés.
Développement familial et communautaire
Le programme de LFBS, en partenariat avec les autorités et les organisations locales, comprend des visites régulières aux enfants et à leur famille après leur réunification, des visites médicales et des ateliers sur la prévention des abus. « On aide les jeunes à retourner dans le système scolaire, et plus tard, à choisir une carrière. On aide les parents à devenir plus autonomes. On leur donne des formations, par exemple pour cultiver la terre », explique Morgan qui œuvre non seulement à aider les enfants, mais aussi à sortir tout un pays d’une situation de crise de longue durée. « L’autonomisation des familles renforce les communautés et le cycle de la pauvreté peut être brisé. »
Plaidoyer pour l’aide humanitaire
La jeune femme s’applique à fournir de l’aide orientée vers la population. Selon elle, il y a beaucoup de dons qui sont faits à travers diverses organisations humanitaires, surtout depuis les ouragans. Mais souvent, l’aide ne va pas aux communautés, comme c’est le cas pour la plupart des orphelinats.
Elle tente donc de conscientiser les personnes qui font des dons à le faire directement auprès d’organisations locales. LFBS utilise 6 % de ses revenus pour l’administration. Les 94 % restants vont directement à la communauté.
Si vous souhaitez aider, la jeune fille vous encourage à contacter son association. « Nous avons toujours besoin de personnes pour faire de la traduction ou d’autres tâches administratives. » L’aide financière reste cependant toujours très utile et peut se faire en ligne à littlefootprintsbigsteps.com.