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le Jeudi 18 avril 2019 14:36 Société

Dossier ruralité – Résurgence de l’agriculture de proximité : producteurs et consommateurs se rapprochent

Erin Rowe et Stéphane Lanteigne dans leurs potagers-conteneurs de Sudbury.
Photo : Le voyageur
Erin Rowe et Stéphane Lanteigne dans leurs potagers-conteneurs de Sudbury. Photo : Le voyageur

Éric Boutilier (Le Voyageur)

Un nombre croissant de Canadiens optent pour l’achat de produits locaux. Les producteurs et les marchands locaux arrivent à joindre cette clientèle soucieuse de consommer des produits de proximité. S’ajoutent à l’équation de nouveaux maraîchers urbains.

Erin Rowe et Stéphane Lanteigne dans leurs potagers-conteneurs de Sudbury.
Photo : Le voyageur

 

Le développement de nouvelles technologies et les innovations dans le domaine agricole permettent désormais de cultiver dans des lieux habituellement peu propices à l’agriculture, que ce soit en raison du climat ou de la faible qualité du sol.

Stéphane Lanteigne et sa conjointe, Erin Rowe, sont propriétaires de Smart Greens Sudbury dans le nord-est de l’Ontario. Le couple s’est lancé en affaires dans la dernière décennie afin de retrouver ses racines nord-ontariennes et de faire carrière dans un domaine en évolution. « En fait, nous étions tous les deux enseignants en Corée du Sud. Alors notre premier défi a été de nous ajuster lors de notre retour au Canada », raconte Stéphane Lanteigne.

De nouveaux procédés

Stéphane Lanteigne croit que la demande d’aliments récoltés le jour même continuera de croître de façon soutenue au cours des prochaines années. « Je pense que de plus en plus de gens au Canada et en Amérique du Nord changent leur régime alimentaire et qu’il va y avoir un véritable boum dans l’offre de ces produits alimentaires », avance-t-il.

Le producteur de choux frisés biologiques a d’ailleurs réglé la question de capacité de production, dans le Nord ontarien, en utilisant des serres hydroponiques. La récolte se fait maintenant l’année durant et la production hebdomadaire a doublé. « L’ensemble de notre production se trouve dans un système de 400 pieds carrés (37 mètres carrés), où nous faisons pousser environ 135 livres (61 kilos) de chou frisé par semaine », affirme Stéphane Lanteigne.

Après de nombreuses recherches, les propriétaires de Smart Greens Sudbury se sont taillé une part du marché, et ce, malgré certains défis logistiques. « Avec l’hydroponique, il faut être vraiment attentif aux changements du système et aux problèmes mécaniques qui peuvent se produire, car autrement, la production risque de baisser de 50 % en moins d’une ou deux semaines », souligne le producteur.

« Nous n’avons pas essayé d’avoir une grande production au début, car on a voulu bâtir une clientèle en premier sur une période de douze mois », poursuit-il. En fait, si les choses continuent de bien aller, le couple a l’intention d’agrandir ses installations afin de faire pousser d’autres produits.

Cultiver en communauté

Dans la grande région de Sudbury, un organisme communautaire tente de stimuler l’appétit de la population pour le potager. Foodshed Project, un réseau de jardins communautaires, compte développer et promouvoir de tels espaces publics, comme le prescrit la stratégie alimentaire du Grand Sudbury.

La vice-présidente du regroupement, Meghan Perrin, a constaté que plusieurs résidents bénéficient de ces jardins communautaires. « Foodshed Project a commencé il y a quelques années en regroupant des bénévoles de différents jardins communautaires qui ont voulu partager des ressources et s’aider les uns et les autres », relate Meghan Perrin.

Aujourd’hui, le réseau comprend plus de 35 espaces de culture. Afin d’encourager le développement de nouveaux jardins, l’organisme fournit du financement et commande du matériel en vrac.

« Il y a toutes sortes de modèles qui existent parmi ces 35 jardins. Les jardiniers peuvent faire pousser de la nourriture pour eux-mêmes ou, comme dans le cas de Coniston, les aînés donnent des produits aux banques alimentaires », rapporte la vice-présidente.

Le point de rencontre

Entre les jardins, les producteurs et les consommateurs, il y a le marché public. Celui de Sudbury, qui existe depuis 2000, connaît un succès retentissant. En 2008, ses ventes directes étaient évaluées à 1,6 million de dollars. La croissance s’est poursuivie au point où un deuxième marché est né en 2017 et un événement d’hiver a vu le jour en 2018.

Cet appétit croissant pour les marchés dépasse les frontières du Grand Sudbury. L’affluence est constante dans les institutions de Kingston et Toronto (en l’occurrence le St. Lawrence), fondées respectivement en 1801 et 1803, et le marché By d’Ottawa, exploité de façon ininterrompue depuis 1830. Ailleurs, une période de jachère semble avoir pris fin dans les années 1990.

Farmers’ Markets Ontario, fondé en 1992, a observé ce retour en force des marchés publics. La province comptait 60 marchés en 1988, 130 en 1999 et 140 en 2009. Plus de dix ans plus tard, l’organisme compte 182 marchés membres, auxquels s’ajoutent 304 marchés à la ferme inscrits.

Le phénomène ne s’étend pas qu’à Ontario, bien entendu. L’exemple de Terre-Neuve est aussi criant : la demande est telle que les promoteurs du marché public de la capitale, St-Jean, ont dû en revoir les dimensions. « Nous accueillons près de 2500 personnes par semaine », précisait le président du conseil d’administration du marché, Josh Smee, le printemps dernier. « Lorsque la construction du nouveau marché sera complétée plus tard cet été, nous croyons pouvoir accommoder le double de clients, soit 5000 personnes ou plus par semaine. »

Décidément, le terreau est fertile. L’offre tiendra-t-elle le coup?