Jean-Pierre Dubé (Francopresse)
Après l’annonce du gouvernement Trudeau en juin 2018 de réviser la Loi sur les langues officielles (1988), la ministre chargée du portefeuille, Mélanie Joly, a détaillé le 11 mars les consultations à venir pour définir les enjeux. Ottawa tiendra ensuite un symposium national à la fin mai pour tirer des conclusions. Mais pas de projet de loi dans un avenir prévisible.
Le gouvernement libéral s’engage à mieux outiller les communautés de langues officielles, souligne la ministre Mélanie Joly, pour qu’elles puissent « relever les nouveaux défis auxquels elles sont confrontées pour assurer leur vitalité à long terme ».
Ces défis seraient en partie du domaine juridique. Au cours des dernières années, il s’est avéré plus difficile pour les minorités francophones de faire des percées devant les tribunaux en éducation et services au public.
Sur le plan politique, la francophonie a subi des revers en Ontario, avec les coupes de l’administration Ford au Commissariat aux services en français et à l’Université de l’Ontario français. Au Nouveau-Brunswick, le climat institutionnel et social aurait dégénéré suivant l’élection d’un gouvernement de coalition chevillé par un parti voué à combattre le bilinguisme.
Les tendances démographiques à long terme ont incité le fédéral à formuler un redressement, note la ministre. « Le nombre de francophones augmente moins vite que la population canadienne dans son ensemble et le taux de bilinguisme stagne chez la majorité anglophone
hors Québec. »
Un taux de bilinguisme de 20 %
Dans le Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023 lancé en mars 2018, le gouvernement a élaboré des cibles sur vingt ans. Ottawa s’est engagé à relever la part des locuteurs dans les communautés minoritaires de 3 à 4 % afin de générer une hausse de 400 000 francophones.
Selon l’énoncé, le fédéral a aussi fixé cet objectif ambitieux : « faire passer notre taux national de bilinguisme de 17,9 % à 20 % d’ici 2036, grâce surtout à l’augmentation du pourcentage des anglophones bilingues à l’extérieur du Québec de 6,8 % à 9 %. »
Les forums auront lieu au cours des prochains mois dans cinq grandes villes : Moncton, Sherbrooke, Ottawa, Edmonton et Vancouver. Les tables rondes dans plusieurs juridictions visent la collecte de l’opinion d’experts, de militants et de la population.
Depuis l’automne dernier, plusieurs réflexions sont en cours sur la modernisation, dont celles du commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, attendues ce printemps.
« Désigner une autorité centrale pour la mise en œuvre »
Le Comité permanent des langues officielles du Sénat a déjà produit trois études sur la réforme linguistique en attendant de publier son rapport final en juin. Depuis novembre, onze mémoires sur la modernisation auraient été déposés au Comité permanent des langues officielles des Communes.
La Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada a publié le 5 mars sa proposition d’un nouveau libellé de la Loi. Il est question notamment de « désigner une autorité centrale pour la mise en œuvre, la création d’un droit de participation des minorités de langue officielle et de l’élargissement de la portée des droits et obligations ».
D’après l’organisme parapluie, la Loi adoptée en 1969 et remplacée en 1988 n’a jamais été pleinement respectée. « Au cours de la dernière décennie, affirme le groupe, la situation s’est dégradée à un tel point que des mots comme “stagnation, déclin et plafonnement” font partie du vocabulaire utilisé dans les rapports du commissaire aux langues. »
Il faudra toutefois attendre après les élections fédérales de l’automne avant de reprendre les débats et les propositions du gouvernement quant à l’avenir de la législation.