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le Jeudi 21 mars 2019 10:22 Société

Modification de la Loi sur les langues officielles – vision yukonnaise du projet

Mélanie Joly et Jean Johnson, président de la FCFA
Photo : Page Facebook de la FCFA
Mélanie Joly et Jean Johnson, président de la FCFA Photo : Page Facebook de la FCFA

Le 5 mars dernier, l’Association franco-yukonnaise (AFY), porte-parole officiel de la communauté franco-yukonnaise, annonçait à ses membres son appui à la proposition de modernisation de la Loi sur les langues officielles dévoilée par la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada.

Mélanie Joly et Jean Johnson, président de la FCFA
Photo : Page Facebook de la FCFA

 

La proposition de modernisation de la Loi sur les langues officielles a été présentée aux parlementaires fédéraux. Aboutissement d’un travail de titan mené pendant plus d’un an, elle inclut toutes les modifications que la FCFA et ses membres estiment nécessaires pour garantir le plein respect de la Loi et donner un nouveau souffle à la dualité linguistique canadienne.

« Cette proposition de projet de loi est une étape importante du processus de valorisation et de protection de la dualité linguistique au pays. À l’occasion du 50e anniversaire de la Loi sur les langues officielles, la FCFA a obtenu l’engagement du premier ministre canadien, Justin Trudeau, de procéder à la modernisation de la Loi. En consultation avec tous ses membres, la FCFA a donc développé une proposition de projet de loi qui suggère des changements positifs et durables afin de consolider les droits constitutionnels des communautés de langues officielles », affirme Jeanne Beaudoin, présidente et ancienne directrice de l’AFY.

« Au cours des cinquante dernières années, nous avons pu faire l’expérience de la Loi, apprécier ses résultats positifs, mais aussi identifier ses faiblesses et ses incohérences. On peut d’ailleurs dire que la Loi sur les langues officielles (1969) et la Charte canadienne des droits et libertés ont préparé le terrain à l’adoption de la Loi sur les langues du Yukon en 1988 », poursuit-elle.

Une méthode hors du commun

« Ce n’est pas un processus habituel, car c’est normalement la Chambre des communes qui, à l’aide du Sénat, fait les projets de loi ou de changement de loi. Modifier une loi prend beaucoup de temps; c’est pourquoi nous avons choisi de faire une grande partie du travail afin d’accélérer le processus. Le gouvernement peut maintenant étudier la proposition et faire des recommandations éclairées », ajoute Mme Beaudoin.

Il s’agit du premier geste de ce type posé par la FCFA au cours de ses quatre décennies d’existence. Ce projet de loi a été préparé par des juristes chevronnés et revu par un légiste. « C’est un geste qui montre notre sérieux dans ce dossier, et il est nécessaire parce que le contexte est très sérieux. Alors qu’on souligne cette année le 50e anniversaire de la première Loi sur les langues officielles, le français et la dualité linguistique sont sous attaque dans certaines régions du pays. La modernisation de la Loi est devenue encore plus prioritaire parce qu’il faut réaffirmer avec force que la dualité linguistique est une valeur fondamentale du pays », souligne quant à lui le président de la FCFA, Jean Johnson.

Quelles modifications?

La proposition de projet de loi de la FCFA recommande quatre séries de changements à la Loi, soit :

• La désignation d’une autorité centrale capable de donner des directives à toutes les institutions fédérales pour le respect de la Loi, et d’exiger des résultats de leur part;

• La création d’un droit de participation des minorités de langue officielle à la mise en œuvre de la Loi, notamment par la création d’un conseil consultatif;

• L’ajout de mécanismes d’imputabilité avec des dents, comme la création d’un tribunal administratif des langues officielles et le renforcement du rôle du commissaire aux langues officielles;

• L’élargissement de la portée des droits et obligations prévus par la Loi, incluant l’obligation pour les juges de la Cour suprême d’être bilingues, l’inclusion dans tout transfert de fonds aux provinces et territoires de clauses exigeant de ceux-ci des mesures en matière d’appui aux langues officielles, et l’obligation pour le gouvernement fédéral d’adopter des politiques d’immigration favorables à la dualité linguistique.

Pour le Yukon, qu’est-ce que cela signifie?

« Au Yukon, cela pourrait changer beaucoup de choses. D’abord, le gouvernement fédéral pourrait donner l’exemple à notre gouvernement territorial », déclare Jeanne Beaudoin.

Depuis 1988, le Canada et le Yukon signent des ententes visant à financer les services en français au Yukon. Le ministère du Patrimoine canadien, quant à lui, conclut des ententes avec les gouvernements provinciaux et territoriaux dans le cadre de son Programme des langues officielles dans l’enseignement depuis 1970.

Le Canada et le Yukon signent aussi des ententes dans plusieurs autres domaines, et depuis plus de 25 ans, l’AFY exhorte les gouvernements à inclure des clauses linguistiques au profit des minorités de langue officielle dans toutes ces ententes. « Quand les besoins de notre communauté seront pris en compte dans ces ententes, nous aurons fait un pas de géant », de dire Mme Beaudoin.

Elle ajoute d’ailleurs : « Il faut donner à la Loi l’importance qui lui est due. Les droits linguistiques sont des droits constitutionnels. Ils ont un caractère réparateur. Les 50 dernières années nous ont démontré que le respect de la Loi sur les langues officielles dépend largement de la volonté politique de l’heure, ce qui laisse la communauté d’expression française du Yukon en situation précaire et imprévisible. C’est une aberration de devoir toujours aller devant les tribunaux quand un droit linguistique n’est pas respecté. Avec la modernisation de la Loi que nous suggérons, le non-respect des droits linguistiques serait passible de sanctions ou d’ordonnances exécutoires. Il y a des conséquences à brûler un feu rouge ou à ne pas marquer un arrêt, car la loi n’est pas respectée. C’est aussi simple que ça. »

Ainsi, la proposition de la FCFA pour moderniser la Loi sur les langues officielles demande que ces ententes contiennent des clauses d’appui au développement des communautés francophones assorties d’une enveloppe financière, et que des mécanismes de reddition de compte efficaces, prévoyant des pouvoirs de sanction, soient créés. La proposition insiste aussi sur l’obligation du gouvernement de consulter les communautés quant à la mise en œuvre de la Loi.

« La question des droits linguistiques nous préoccupe beaucoup au Yukon. Les élections fédérales et territoriales arrivent à grands pas. Nous devons en profiter pour nous faire entendre, surtout avec la montée du populisme et de la francophobie qui sévissent dans plusieurs régions du Canada », conclut Mme Beaudoin.

Le travail derrière cette proposition

La FCFA a travaillé sur ce projet de concert avec plusieurs organismes et institutions de la francophonie canadienne. Elle tient à ce qu’il inspire non seulement le travail des parlementaires, mais aussi les plateformes des partis politiques pour la campagne électorale fédérale de l’automne prochain. « Nous avons rencontré près de 100 parlementaires au cours de la dernière année, et nous leur avons dit que nous voulons travailler avec eux pour un changement réel, tangible et durable pour les générations à venir en matière de langues officielles au pays. C’est la raison pour laquelle nous avons investi tout cet effort de défrichage et de réflexion », souligne M. Johnson.

Le projet de loi en entier est disponible sur le site Web de la FCFA : fcfa.ca/modernisation-de-la-loi-sur-les-langues-officielles. La FCFA du Canada est un organisme national qui regroupe les associations francophones porte-parole de neuf provinces et des trois territoires, ainsi que six organismes nationaux : l’Alliance des femmes de la francophonie canadienne (AFFC), la Commission nationale des parents francophones (CNPF), la Fédération des associations de juristes d’expression française de common law (FAJEF), la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF), la Fédération des aînées et aînés francophones du Canada (FAAFC) ainsi que la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF). Elle agit à titre de porte-parole de 2,7 millions de Canadiennes et de Canadiens d’expression française vivant en situation minoritaire.

Reste maintenant à savoir quelles seront les réactions du gouvernement fédéral au sujet de cette proposition.