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le Jeudi 7 février 2019 11:33 Société

DOSSIER – J’aime ma francophonie

Les élèves du programme de français de l’école secondaire Vanier et leur enseignante, Mme Sylvie Hamel, démontrent leur amour du français.
Photo : Maryne Dumaine
Les élèves du programme de français de l’école secondaire Vanier et leur enseignante, Mme Sylvie Hamel, démontrent leur amour du français. Photo : Maryne Dumaine

Francophone, ça veut dire quoi?

Dépendamment du pays d’où l’on vient, de notre parcours personnel, de notre éducation et de beaucoup d’autres facteurs, le terme francophone peut avoir des significations différentes.

Les élèves du programme de français de l’école secondaire Vanier et leur enseignante, Mme Sylvie Hamel, démontrent leur amour du français.
Photo : Maryne Dumaine

 

Un mot simple, mais encore difficile à définir

Selon l’encyclopédie en ligne Wikipédia, « la francophonie, également appelée monde francophone ou encore espace francophone, désigne l’ensemble des personnes et des institutions qui utilisent le français comme langue de première socialisation, langue d’usage, langue administrative, langue d’enseignement ou langue choisie ». Une définition très large, mais qui au moins a la valeur d’exister.

Au Canada, les choses semblent un peu plus compliquées. En effet, pour le bureau de Statistique Canada, la question n’est pas encore élucidée. « Nous ne donnons pas de définition unique de ce qu’est un francophone, car il n’y a pas de consensus », explique Jean-Pierre Corbeil, directeur adjoint du programme du recensement de la population à Statistique Canada.

En effet, selon l’endroit au Canada où l’on se trouve ou l’institution avec laquelle on fait affaire, la définition varie. Voilà qui complique un peu les choses.

Selon Éric Forgues, de l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, deux définitions trouvent leur place dans le monde canadien. La première désigne les personnes dont le français est la première langue apprise et encore comprise (autrement appelée la langue maternelle). Si cette définition peut sembler intéressante, notons qu’elle manque d’inclusion, puisque les personnes dont le français n’est pas la langue maternelle ne font pas partie de cette définition, même si ces personnes parlent le plus souvent français à la maison, à l’école ou au travail. Heureusement, une seconde définition existe, plus inclusive cette fois, qui se base sur le concept de première langue officielle parlée. Dans ce cas, si la langue (officielle) la plus parlée dans la vie courante est le français, alors la personne est considérée comme francophone.

La politologue Linda Cardinal affirme quant à elle que « la définition dépend du contexte. Pour une minorité, on va toujours essayer d’utiliser le nombre le plus avantageux ».

Le nombre le plus avantageux

Grâce à la seconde définition, les statistiques incluent les personnes qui sont « francophones par choix ». Ce choix stratégique de définition permet notamment à la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada d’afficher fièrement que 2,7 millions de personnes ont choisi le français au Canada, dans neuf provinces et trois territoires. « En adoptant cette définition, on encourage celles et ceux qui veulent pratiquer leur français à le faire. C’est une définition plus inclusive qui laisse la possibilité à chacun de choisir sa langue officielle et qui est plus en adéquation avec l’idée de bâtir un Canada bilingue », déclare le président de la FCFA, Jean Johnson. « Les nombres sont importants », exprime Isabelle Salesse, directrice de l’Association franco-yukonnaise (AFY). « Le Règlement sur les langues officielles dit que des services du gouvernement fédéral seront offerts là où les nombres le justifient », ajoute-t-elle.

Certaines provinces se sont dotées d’une définition. C’est notamment le cas de l’Ontario, qui considère comme francophones « les personnes pour lesquelles la langue maternelle est le français, de même que les personnes pour lesquelles la langue maternelle n’est ni le français ni l’anglais, mais qui ont une bonne connaissance du français comme langue officielle et qui utilisent le français à la maison ». Si cette définition inclut les personnes immigrantes qui choisissent le français, elle n’inclut pas les anglophones bilingues… Qu’en est-il également de la personne qui connaît le français, mais ne le pratique pas dans la vie de tous les jours?

Et au Yukon, la francophonie c’est quoi?

Le territoire ne s’est pas doté d’une définition précise. Plusieurs chiffres peuvent dès lors décrire la situation francophone territoriale.

Selon la définition qui compte uniquement les personnes de langue maternelle, les francophones représenteraient 5 % de la population. Ce qui est déjà bien lorsqu’on observe la carte de la francophonie au Canada (voir ci-contre). Mais si nous choisissons la définition plus inclusive, le chiffre monte alors à 14 % (personnes du Yukon qui connaissent le français, selon le recensement de 2016). Selon le même recensement, le Yukon se situe à la 3e place des endroits les plus bilingues au Canada! Avec l’un des meilleurs taux d’augmentation du bilinguisme au pays!

 

Source : francopresse

 

L’AFY n’a pas encore fait d’exercice approfondi au sujet de la définition d’un Franco-Yukonnais. « Nous avons cependant défini la clientèle », explique Mme Salesse. En effet, l’AFY a fait le choix clair d’offrir des services à toute personne « qui fait le choix de vivre en français et de participer à la francophonie yukonnaise ». Une définition inclusive, basée sur le choix linguistique autant que sur les capacités.

Notons également le grand nombre d’employés du gouvernement du Yukon et de personnes du public qui suivent des cours de français (187 inscriptions à la session d’hiver). « L’augmentation du nombre d’employés du gouvernement suivant des cours de français va de pair avec la stratégie d’augmentation de l’offre des services en français », déclare Mme Salesse.

Quelques pistes de réflexion

Face à cette confusion dans les définitions, il semble rester quelques grandes questions à se poser. Si pour le moment Statistique Canada comptabilise les personnes de langue maternelle française, qu’en est-il des personnes nées bilingues? Qu’en est-il de nos enfants franco-yukonnais, nés dans un environnement anglophone? Nos étudiants de l’Académie Parhélie qui obtiennent leur diplôme dans les deux langues?

Ces enfants devront, à l’âge adulte, choisir entre se déclarer comme francophone ou anglophone lorsque viendra l’heure de répondre au recensement. Langue de papa ou langue de maman? Qu’en est-il de ces enfants qui parlent français, mais qui sont nés de deux parents anglophones qui ont choisi la langue française pour l’éducation de leurs enfants? Ces enfants, parfaitement bilingues, devront-ils choisir?

La FCFA travaille actuellement sur le sujet du recensement, notamment dans le but de pouvoir déterminer plus précisément le nombre de francophones qui ont droit à l’éducation de langue française en milieu minoritaire.

« Présentement, seule la question sur la langue maternelle, posée dans le formulaire court du recensement, permet de déterminer le nombre de personnes qui, en milieu minoritaire, ont droit à l’éducation en français. Or, dans une francophonie en profonde mutation, cette seule question ne permet plus de rejoindre tous les ayants droit. […] La Fédération est d’avis que des questions comme « Dans quelles langues avez-vous reçu votre éducation » et « Dans quelles langues vos parents ont-ils reçu leur éducation » seraient plus utiles. Elles permettraient d’identifier non seulement les individus de langue maternelle non officielle qui ont été éduqués en français, entièrement ou en partie, mais aussi ceux et celles qu’on appelle parfois les « francophones de génération perdue », soit les parents qui ont été éduqués en anglais alors que leurs propres parents avaient, eux, reçu leur éducation en français », peut-on lire sur le site Web de la FCFA.

Par ailleurs, puisqu’un des objectifs du gouvernement fédéral est d’augmenter le taux de bilinguisme au Canada, peut-on imaginer que dans quelques années, le recensement ne demandera pas de choisir entre deux langues, mais plutôt entre deux catégories, soit bilingue ou unilingue?

Pour le moment, la définition pour le Yukon reste encore à débattre, même si Mme Salesse affirme qu’« auprès du gouvernement, de façon générale, nous utilisons la définition la plus inclusive ».

Le Larousse, lui, semble ne pas trop se soucier des statuts sociopolitiques. Il donne une version assez simple et somme toute assez valide : « Francophone : personne qui parle le français. » Comme quoi les dictionnaires de France ont quand même parfois le dernier mot!


Propos recueillis auprès d’Isabelle Salesse, 
 Sources : Wikipédia et fcfa.ca