La contribution d’un peuple, une entente de coexistence, des textes légaux peuvent être oubliés ou omis selon qui écrit l’histoire. De 1896 à 1911, c’est l’âge d’or de la francophonie au Klondike. Elle est présente dans toutes les sphères de la vie sociale, politique, économique et culturelle. Sa présence s’inscrit dans un Canada où francophones et anglophones s’aventuraient d’un océan à l’autre jusqu’à l’Arctique conformément à l’entente constitutionnelle de 1867 dont on vient de célébrer le 150e anniversaire.
Que reste-t-il?
Que reste-t-il de cette époque dynamique après 70 ans sans services en français et possibilité d’affirmation des droits issus de l’entente? Journaux, registres et photos ont consigné la présence et la contribution des francophones. Dans le Yukon Catholic, un des trois journaux du Klondike à publier des pages françaises, on y retrouve baptêmes, mariages et décès, comptes rendus d’événements communautaires et politiques, publicités en français des campagnes électorales, magasins et investissements, éditoriaux et harangues sur la place des Canadiens-Français au Klondike et au Canada, liste des noms de passagers sur les bateaux à aubes. Dans le premier éditorial, Arthur Fortin lie langue et foi : « À cause de l’encouragement apporté par les Canadiens-Français et les Français à la lecture du Yukon Catholic, Monsieur le rédacteur McCord, a bien voulu mettre à ma disposition, pour un bout de chronique française, tout l’espace que je pourrais désirer à ce sujet… J’ai cru que la chose serait utile à tous mes compatriotes sans distinction; étant admis qu’il nous est toujours plus facile de faire la revue d’une chose écrite dans la langue maternelle… » (Décembre 1901)
Services en français
Avec l’élection de Wilfrid Laurier en 1896, une fonction publique canadienne prend racine. Au pays de l’or, les mineurs francophones sont nombreux. Tenue des registres et procès-verbaux sont critiques pour l’enregistrement des concessions et les règlements judiciaires. Parmi tant d’autres, F.-X. Gosselin est commissaire à l’or, Gédéon Pépin est registraire aux mines, Napoléon Laliberté est conservateur au registre des sociétés, Raoul Rinfret arpente et Élie Verreau livre le courrier et… les sacs d’or.
Baptêmes
La vie spirituelle de la francophonie est consignée dans le registre de l’Église Sainte-Marie. Le docteur Omer Lachapelle y figure une quinzaine de fois comme témoin ou parrain. Le baptême de sa fille Marie Angela est consigné. Napoléon Laliberté et son épouse Christine Rainville assistent au mariage d’Horace et d’Alma De Villiers en 1911 et seront parrain et marraine du premier fils du couple Pépin-Albert en 1912.
Mariages
En 1903, l’alliance de deux grandes familles francophones du Yukon est relevée par les journaux anglophones. Jean-Alphonse, fils du juge Dugas de la cour territoriale, épouse Alice, de l’influente famille de prospecteurs Barrette qui avait présidé en 1900 à l’opulent mariage du soi-disant comte Carbonneau et de la richissime femme d’affaires du Klondike, Belinda Mulroney.
Funérailles
Des photos captent la foule le long de la procession qui suit le cercueil de Mérilda St-Pierre, épouse du musicien Gédéon Pépin, décédée en hiver 1909. En 1904, le politicien Alexandre Prud’homme inhume sa fille au cimetière catholique. Le monument du Old Grand Man du Klondike, Jack (Pierre) Tremblay, époux d’Émilie Fortin-Tremblay, y est l’un des plus imposants.
L’éloge aux obsèques du photographe devenu maître de poste, Joseph-Ena Duclos, témoigne de la contribution des francophones à la vie sociale du Klondike. « J.N.E Duclos (arrivé à Dawson en 1898) est décédé samedi soir à l’hôpital Sainte-Marie d’une pneumonie. M. Duclos laisse en deuil son épouse et ses deux garçons, seuls survivants de treize enfants. Aimé est aujourd’hui marié et travaille comme ingénieur pour la Northern Electric Company de Montréal, et Théobald a quitté pour le front avec la compagnie d’infanterie du Yukon (de Joe Boyle, richissime prospecteur du Klondike)… Aucun homme n’a été tenu en si haute estime par les citoyens de Dawson City. Les funérailles auront lieu mercredi matin à 9 h à l’Église catholique Sainte-Marie (Dawson Daily News, 2 avril 1917).
Journaux, registres et photos du Klondike témoignent de l’esprit de l’entente constitutionnelle de 1867. Autant de francophones que d’anglophones ont participé à l’histoire du Yukon.