Josette Duchier s’éteignait le 16 novembre dernier à l’âge de 92 ans. Josette a légué l’histoire francophone du sud-ouest du Yukon à travers sa passion pour l’or et sa famille du Grand Nord.
Cette petite dame parisienne était parente par alliance de familles francophones du Yukon. Les frères Louis et Eugène Jacquot des Vosges (Alsace) étaient arrivés au territoire en 1898 et Paul Birckel en 1922. Ils avaient épousé des dames des Premières Nations. Un des fils Birckel, Paul, chef de la Nation Champagne-Aishihik, a signé un des premiers accords d’autonomie gouvernementale autochtone au Canada.
L’or et le Grand Nord étaient gravés dans l’imaginaire des familles de France. Tout jeune, le mari de Josette, un autre Paul, s’est lancé dans la recherche de l’or. Les ruisseaux alsaciens ne pouvaient que mener aux fabuleux cours d’eau du Yukon des histoires familiales. Paul et Josette sont alors allés rencontrer leur famille au territoire. Josette y a attrapé la fièvre de l’or. Enfants et petits-enfants sont venus eux aussi tenter leur chance au Yukon. Membres de la Fédération française d’orpaillage, ils participaient aux compétitions mondiales annuelles qui, en 2007, se tenaient à Dawson City. J’y accompagnais Josette, connue l’année précédente. Elle transmettra sa passion à ma fille Lara âgée de 7 ans qui depuis, à son tour, participe aux championnats à travers le monde.
Arrivé au Yukon en 1981, j’ai connu le nom des pionniers francophones dans le livre Yukon Places & Names de Couts. Je découvrais la vie de ceux du Sud-ouest yukonnais au printemps 1983. Sandra Henderson, enseignante au programme d’immersion qui venait de commencer au Yukon, tenait à faire vivre des expériences authentiques en français à ses élèves. Silver City, un relais abandonné sur les rives du lac Kluane, s’y prêtait bien grâce aux services en français du parc national Kluane, aux étudiants de l’Institut de recherche arctique, aux pilotes survolant les mers de glace, à Cécile Cox du Musée d’histoire naturelle de Burwash et aux artistes de la région comme Libby Dulac. À cette francophonie, s’ajoutait Joséphine (Josie) Jacquot-Sias, propriétaire des lieux de la colonie et fille de Louis Jacquot qui avait participé à la Ruée vers l’or de 1898. À Silver City, les élèves vivaient le passé et le présent de la francophonie yukonnaise.
Joséphine racontait la vie en français au Yukon et son voyage dans les Vosges dans les années mille neuf cent trente. Elle insistait pour que j’aille voir une parente à Paris, Josette. Celle-ci allait souvent en Alsace et connaissait toute l’histoire de la famille. Pendant tout le trajet en auto de Paris aux Vosges, j’enregistrais Josette raconter cette fabuleuse histoire.
Josette m’a présenté la mul titude de cousins, chacun avec ses souvenirs. Les histoires du lac Kluane et des Vosges déferlaient. Sans école à Burwash, Louis Jacquot avait envoyé ses deux aînés en France. Alsacien et pressentant la guerre, il a décidé de rapatrier ses enfants. Josie l’avait accompagné dans ce voyage à travers continent et océan. La famille de France s’était attachée aux enfants. Les liens ont perduré. Avec Josette, je revoyais les lieux vus par Josie, les sentiers qui rappelaient le Yukon à son frère, lui aussi nommé Louis, et la vie française qui a marqué l’adolescence de sa sœur Rosalie. Des photos pensées perdues furent retrouvées. Les souvenirs surtout des parents de Premières Nations étaient montrés avec fierté.
Les lettres aux familles et les séjours à Paris chez Josette ont mené en 2009 à la venue au Yukon de treize cousins et cousines de France pour revoir Jacquot et Birckel du Yukon et d’Alaska, faire un saut au Klondike où l’aventure a commencé en 1898 et être reçus par le gouvernement du Yukon.
Ce ne fut pas l’or qui a fait la fortune des Jacquot, mais la vie dans le Grand Nord. Josette a livré aux Yukonnais un pan de l’histoire francophone et à certains la fièvre de l’or.