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le Vendredi 4 août 2017 12:01 Société

John Fingland — un homme, deux cultures

John Fingland s’est réapproprié ses racines autochtones après avoir vécu plusieurs années à Ottawa avec sa famille adoptive. Photo fournie
John Fingland s’est réapproprié ses racines autochtones après avoir vécu plusieurs années à Ottawa avec sa famille adoptive. Photo fournie

La rafle des années 1960 (connue en anglais sous le terme Sixties Scoop) est une politique gouvernementale responsable de l’enlèvement de milliers d’enfants autochtones de leur famille pour les faire adopter par des familles blanches au Canada. Plus de 20 000 enfants auraient été touchés. Parmi eux se trouvait John Fingland.

Septième enfant de sa famille, John Fingland, membre de la Première nation de Champagne et de Aishihik, a été adopté par des Blancs et a vécu à Ottawa. Il a poursuivi ses études en programme d’immersion française et s’exprime dans un excellent français.

Retrouvailles difficiles

« Je suis allé à l’Université d’Ottawa et j’ai obtenu un baccalauréat en histoire canadienne. » C’est au moment de demander des prêts et bourses au gouvernement du Canada qu’il a appris que son statut de membre de la Première nation Champagne et Aishihik lui permettait d’obtenir du financement pour ses études. Par la suite, il a reçu un appel de la Première nation qui lui offrait du travail au Yukon.

John Fingland s’est réapproprié ses racines autochtones après avoir vécu plusieurs années à Ottawa avec sa famille adoptive. Photo fournie

John Fingland s’est réapproprié ses racines autochtones après avoir vécu plusieurs années à Ottawa avec sa famille adoptive. Photo fournie

Les parents biologiques de John vivent à Champagne ainsi que toute sa famille élargie. « Quand j’ai su que ma mère et mes quatre sœurs ne voulaient pas me connaître, ça a été difficile. Je les vois, même ils ne me parlent pas, sauf mes deux frères », raconte John. « Mais il y a tellement de membres des Premières nations au Yukon qui ont vécu des choses drôlement plus difficiles avec les écoles résidentielles, avec l’alcool et la violence. Alors, j’ai réalisé que mon histoire n’était pas aussi triste que la leur. »

John Fingland se trouve très chanceux. Il a parcouru le monde avec sa famille adoptive. « À 10 ans, je suis allé en Afrique, à 11 ans, en Israël, à 12 ans, on a visité l’Amérique du Sud, à 14 ans, l’Europe. J’ai étudié à l’université. »

À la découverte de ses racines

« J’ai obtenu un emploi ici [au Yukon] parce qu’on cherchait quelqu’un de bilingue et qualifié pour être guide dans le parc national Kluane. Je venais tout juste d’arriver au Yukon. Je me sentais comme un usurpateur parce que je parlais de choses que je n’avais encore jamais vues. »

Son identité autochtone, il se l’est réappropriée en cours des vingt dernières années. C’est au Yukon qu’il a appris à chasser, à pêcher, à cueillir les baies. « J’étais un jeune homme qui aimait beaucoup la ville. Je pensais que j’habiterais à Champagne pour un ou deux ans avant d’aller vivre à Whitehorse, mais plus j’y suis, moins je veux retourner en ville. »

En questionnant les personnes de sa génération qui ont vécu au Yukon sur l’intérêt qu’elles portent à leur culture, John se fait répondre que celle-ci fait partie de leur vie quotidienne. Leur enfance s’est passée à aller à la chasse aux spermophiles avec leur grand-mère et cueillir les baies.

« Eux devaient aller à la chasse pour manger, mais pour moi, c’est intéressant. Je veux faire connaître cette histoire », explique John.

Le partage de la culture autochtone

En été, l’historien est guide au Centre culturel Da Ku de Haines Junction. Il travaille aussi occasionnellement à Shakat Tun Adventures et Long Ago People Place pour raconter l’histoire des Premières nations, leur culture et leur héritage.

« Je trouve cela difficile parce que nos histoires doivent être racontées exactement comme on nous les a transmises. Elles doivent rester les mêmes au fil des siècles. Tes grands-parents te racontent une histoire et la répètent constamment jusqu’à ce que tu puisses leur raconter exactement comme ils te l’ont contée. À ce moment-là, ils te donnent l’histoire. Avant cela, on ne peut la raconter à personne d’autre. Une personne qui a appris beaucoup d’histoires et une personne riche. »

Aujourd’hui, il occupe le poste de coordonnateur des savoirs traditionnels au gouvernement. Il cartographie les endroits où les Anciens ont tué un orignal, un caribou et pêché du poisson. « On aura ainsi une carte pour montrer l’étendue du territoire de la Première nation qui est encore vivant pour nous. Un territoire n’est pas seulement un endroit où l’on vivait, mais c’est un endroit vivant que l’on utilise encore et beaucoup plus que ce que les genspensent. »

Les droits autochtones

Beaucoup de Blancs travaillent avec les Premières nations et aiment leur culture. Mais juste pour une question de sang, ils ne seront jamais des membres des Premières nations. « Moi, c’est avec ça que j’ai quelques fois des problèmes. Il y a des Blancs qui vivent à Haines Junction depuis quatre générations, mais ils n’ont pas les mêmes droits que moi, un enfant d’Ottawa. J’arrive au Yukon et à cause de mon sang, je peux chasser l’orignal pendant toute l’année. J’ai beaucoup plus de droits que des personnes qui habitent ici depuis 70 ans. »

« Je pense qu’il devrait y avoir une finalité un jour pour les droits autochtones, disons 75 ans. Après cela, les personnes du Yukon devraient toutes être des Yukonnais, sans égard au sang. Mais ce n’est pas une idée populaire auprès des Premières nations », avoue-t-il.