Dans le calendrier julien des Romains, le solstice tombe les 24 juin et décembre. La naissance du Christ est célébrée au solstice d’hiver avec le renouveau de la lumière. Six mois plus tôt, au solstice d’été le 24 juin, naît Jean-Baptiste, le précurseur. Les feux de nuit symbolisent la puissance fertilisante du soleil et couvrent toujours les plages des pays celtes et nordiques, dont la France.
La première mention de la Saint-Jean-Baptiste en Amérique du Nord remonte à 1606 quand les colons français en route vers l’Acadie ont fait un arrêt sur la côte de Terre-Neuve le 23 juin. Selon les Relations des Jésuites, la tradition s’est implantée sur les rives du Saint-Laurent en 1636.
Comme les Irlandais célébraient la Saint-Patrick le 17 mars, les Canadiens-Français décident d’adopter saint Jean Baptiste comme saint patron. Le 24 juin 1834, l’association Saint-Jean-Baptiste (qui deviendra société Saint-Jean-Baptiste) est créée. Irlandais, Américains et Canadiens sont invités à la fondation. Le journal La Minerve conclut : « Cette fête dont le but est de cimenter l’union des Canadiens ne sera pas sans fruit. Elle sera célébrée annuellement comme fête nationale. » C’est à partir de cette date que la fête nationale des Canadiens-Français correspond avec la fête catholique de Saint-Jean-Baptiste, déjà bien ancrée dans la tradition.
Le 24 juin 1834 est chanté pour la première fois l’Ô Canada! Mon pays, mes amours de George-Etienne Cartier. En 1880, est chanté un autre Ô Canada qui deviendra l’hymne national du Canada cent ans plus tard.
La société Saint-Jean-Baptiste de Montréal prendra comme emblème la feuille d’érable et le castor. En 1908, le pape Pie X fait de saint Jean Baptiste le patron des Canadiens-Français. De Montréal, les célébrations s’étendent à d’autres localités du Québec, d’Acadie (1880), de Nouvelle-Angleterre et des États-Unis ainsi qu’à l’ouest de l’Outaouais jusqu’au Yukon où il fait clair toute la nuit le 24 juin. Au Klondike, l’événement est relaté autant dans les pages françaises que dans les journaux anglophones. (Voir article ci-dessous).
En 1902, il y a deux sociétés Saint-Jean-Baptiste sur les champs aurifères. Arthur Fortin, rédacteur de la page française du Yukon Catholic (juin 1902), raconte : « Le crique Dominion compte maintenant deux bureaux libres et indépendants de la St-Jean Baptiste… Chaque bureau compte de deux cents à quatre cents membres, étant admis que tout Canadien Français est membre « de facto » du centre le plus proche de l’endroit où il réside. Les principaux officiers choisis pour le « Bas du Dominion » sont les suivants : Aumonier, révérend père Corbeil pour les deux bureaux. Président, M. Arcand. Vice-président, M. de Montigny. Secrétaire, A. Bouchard.
Dawson Daily News
Le jeudi 27 juin 1901
Jour de saint Jean
N° 7 Bas-du-Dominion, 25 juin (champs aurifères du Klondike)
La grande fête de vendredi dernier, organisée par les Canadiens-Français et leurs amis en l’honneur de leur saint patron, restera longtemps ancrée dans les souvenirs de tous ceux et celles présents à la célébration, la mieux réussie jamais tenue au ruisseau Dominion (…)
Les membres de l’association locale (société Saint-Jean-Baptiste du ruisseau Dominion) ont été infatigables à préparer les lieux et les décorations. Une large tente avec auvent avait été montée sur une colline du 10 Bas-du-Dominion… Deux magnifiques arches de sapins marquaient le début et la fin de l’allée de conifères menant au terrain des festivités et à l’église. Il y avait des kiosques de nourriture et de limonade. Tout avait été prévu pour cette grande fête en plein air.
La journée a commencé par la grande messe pontificale sous la grande tente. Elle a été dite par père Bunoz de Dawson assisté des pères Allard et Lebert de la Fourche. Une grande chorale accompagnait les solistes, Messieurs Max Landreville, D. H. Morin, R. Le Roux et père Lefebvre.
En après-midi, Monsieur D. H. Morin, président de l’importante société (Saint-Jean-Baptiste) a souhaité la bienvenue et a présenté les orateurs à une grande foule enthousiaste. Anglophones et francophones ont tous écouté avec attention et exprimé leur plaisir d’être à l’événement.
Ensuite, la foule s’est déplacée sur le terrain de sport. Les gagnants des compétitions ont été :
Au 100 mètres : Joe Laliberté, premier; Charles Scurry, deuxième
-Course des garçons : Willy Payne, premier; Georges Hering, deuxième
-Course des filles : Annie Sinclair, première; Joséphine Blaner, deuxième
-Course à trois jambes : Jack Wilson et Charles Scurry
-Course de sac : Charles Scurry
-Course avec cuillère et pomme de terre : Édouard J. Drouin
-Course à cheval 1,4 mile : le cheval sorrel de M.M. Donovan premier; le cheval bess de Stewart Nopoleon, deuxième.
L’événement principal a été le souque à la corde (…) Au bout de dix minutes de grands efforts, on a déclaré l’égalité. La foule a ensuite été impressionnée avec les talents de funambule de monsieur Joe Côté.
Les officiels pour la journée étaient : le président D.H. Morin, le secrétaire John Warren, le trésorier, père Lefebvre. Au comité des rafraîchissements, messieurs Mallette, Gagnon et Guité et les dames du n° 7. Aux sports, messieurs Sirois et Warren. Annonceur, le docteur LaChapelle. Pour le lancement de l’événement, Tom Foucrault; les juges étaient messieurs Stewart, Brock et Willet. Tous les membres de société (Saint-Jean-Baptiste) du (ruisseau) Dominion ont participé activement à l’organisation de la fête.
En soirée, il y a eu un grand bal très jovial sans tenue de soirée. Messieurs (Gédéon) Pépin de Dawson et Lejuy de Granville ont animé la soirée avec de nombreuses mélodies.
Parmi les invités, on retrouvait l’honorable F. T. Congdon (Commissaire du Yukon), le juge Dugas, le père Bunoz, le maire Macdonald, l’avocat de la couronne J. C. Noël, les docteurs LaChapelle, Barrett et Darte (sic), messieurs Martin, Auguste Noël, Max Landreville, Hébert, Pépin, Marce (sic), L’heureux, F. A. Létourneau, Harmont, Warrington, Massé, Vachon. Beaudette, Smith, St-Onge, Le François, Mc Farlane. De Gold Bottom, M. et Mme Kline de M et Mme Frank Billot, William l’heureux, Willette, Hébert, McDonald et Leboeuf. De Granville, Madame F. Artaud, O. Blaner, F. Lejuy, J. Perron, Royer, X. Boulet, Campbell, Bedouin (sic), Le Blonde (sic), St. John (sic), Lelièvre, Brochu et William Croteau.
Traduction libre de l’anglais, Yann Herry.