Au temps de la Ruée vers l’or du Klondike, langue et foi sous-tendent l’identité canadienne-française. Elle peut s’épanouir au Yukon grâce au grand nombre de Canadiens français. L’importance de la francophonie au Klondike se manifeste aux élections, dans les pages françaises de la presse anglophone (voir encadré), dans les journaux personnels de chercheurs d’or et par le nombre de paroisses et chapelles sur les champs aurifères.
Le Yukon adopte donc un système électoral inhabituel au Canada, celui de ticket. Les partis présentent deux candidats, un francophone et un anglophone. Débats et publicités sont bilingues. Le prospecteur Lorenzo Létourneau note dans son journal : « Les représentants… ont l’air de vouloir nous conseiller de voter pour (Auguste) Noël et O’Brien, mais mon idée est formée depuis longtemps, je voterai pour (Alexandre) Prud’Homme et Wilson. »
Les journaux personnels comme ceux d’Arsène Simard et de Lorenzo Létourneau relatent la vie au Klondike. On y découvre l’importante francophonie des champs aurifères. Comme les mineurs ne peuvent s’absenter du travail, c’est à la francophonie de Dawson, politiciens et religieux, de franchir les quarante kilomètres pour rencontrer la francophonie des champs aurifères.
En 1902, à l’élection fédérale partielle au Yukon, tous les votes comptent. Le parti libéral de Laurier dépêche au Klondike Raymond Préfontaine, ex-maire de Montréal et futur ministre fédéral des Pêches et de la Marine sur les champs aurifères pour rencontrer les mineurs et… participer à une partie de chasse avec le docteur Omer Lachapelle de l’hôpital Sainte-Marie. Le candidat libéral gagnera.
Dans ses mémoires, Émilie Tremblay dont la cabane sur les champs aurifères ne sera démolie qu’à la fin des années 1980, raconte : « J’ai même reçu à ma table NN. SS. Breynat, Grouard, Langevin de St-Boniface, Bunoz et Coudert », tous des évêques qui franchiront des distances considérables pour rencontrer leurs ouailles (lire « L’administration catholique au Yukon », Aurore boréale du 22 février 2017).
Les fêtes religieuses rassemblent les deux francophonies sur les champs aurifères. La Saint-Jean-Baptiste de 1902 est mémorable. Elle est relatée autant dans les pages françaises que dans les journaux anglophones. La population catholique de Dawson est desservie par l’église Sainte-Marie à Dawson City et par cinq paroisses en plus de plusieurs chapelles sur les champs aurifères. Les pères oblats, francophones, administrent les sacrements. Les sœurs de Sainte-Anne dont la maison-mère est à Montréal s’occuperont de l’hôpital et de l’école. Les services sont offerts en français.
Dans une harangue, Arthur Fortin rédacteur de la page française du mensuel Yukon Catholic de mai 1902 souhaite que les 5 000 à 6 000 Canadiens-français au Klondike se lèvent pour affirmer leurs droits plutôt que de ne penser qu’à amasser de l’or, « toujours de l’or ». Si 80 % des 40 000 personnes au Klondike étaient américaines, le chiffre de cinq à six mille Canadiens français, même exagéré, indique que les francophones représentaient une grande proportion des Canadiens au Klondike, sinon la majorité.
PAGES FRANÇAISES AU KLONDIKE
« Arrivée des premiers bateaux »
Plusieurs journaux publient des pages françaises. Le dynamisme de la francophonie est illustré dans le journal Yukon Catholic d’avril 1902 : « Sont attendus par les premiers bateaux : M. et Madame Herdt et leur bébé de Montréal. Madame Herdt est la fille de l’Honorable juge Dugas, juge en chef du Territoire. Mademoiselle Blanche Bertrand, fille de M. Bertrand, surintendant des travaux publics est aussi attendue avec l’ouverture de la navigation. Aussi, M. Raymond Préfontaine, ex-maire de Montréal, et probablement M. Thomas Gauthier, échevin de la même ville. Nous avons le plaisir d’annoncer. l’arrivée de Madame Paillard et son fils Paul (fondateur du Syndicat lyonnais du Klondike), de Mademoiselle Blanche Léger et de M. Choyer, tous de Paris. de M. Edmond Barbeau, fils de M. Henri Barbeau. Il ne sera pas un étranger parmi nous, attendu que nous avons eu, pour la plupart, le plaisir de connaître avantageusement sa famille à Montréal. de M. Jack (Pierre-Nolasque) Tremblay, un des plus grands exploitateurs (sic) de mines que nous avons parmi nos compatriotes. M. Tremblay était accompagné d’un de ses frères, de M. H. Lasnier et de M. Lamoureux. Comme on le voit, la saison d’été promet d’être très active et très gaie à Dawson. »