On dit que la vie est un perpétuel recommencement. Pour vérifier la véracité de ce dicton, l’Aurore boréale retourne dans le passé, 30 ans plus tôt. Qu’est-ce qui suscitait l’intérêt de la communauté francophone à l’époque? Archives et souvenirs nous aident à retracer une partie de l’histoire.
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L’Aurore boréale, 20 mars 1987
Bottin des gens d’affaires
« Malgré qu’on en parle peu, l’Association des Franco- yukonnais désire encore voir son secteur économique se développer. En 1985, deux projets économiques importants étaient ébauchés. La soumission pour l’opération du restaurant de l’aéroport et le projet d’habitations Noroît, s’ils avaient eu le succès escompté, auraient donné le coup d’envoi au développement économique francophone au territoire. Les principaux intervenants des projets en question ayant quitté le Yukon, ces rêves de grandeur s’étaient un peu assoupis. À l’heure actuelle toutefois, l’AFY reprend, lentement mais sûrement, les démarches en vue de développer ses activités économiques. »
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Pour ce faire, le premier geste concret de l’Association franco- yukonnaise (AFY) a été de créer un bottin des gens d’affaires pour déterminer quels commerces avaient des propriétaires ou des employés francophones et lesquels pouvaient offrir un service en français à leur clientèle.
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« La chambre de commerce du Yukon, qui produit annuellement un bottin d’affaires, a déjà été approchée afin de savoir si elle considérerait annexer un chapitre francophone au prochain annuaire économique. Les réactions semblant plutôt positives, l’AFY espère concrétiser ce projet. »
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L’AFY recevait du financement du Bureau des services en français dans le cadre du projet de consultation continue comme suite à l’adoption de la Loi sur les langues. L’idée était d’aider le gouvernement du Yukon à établir un climat propice à la mise en œuvre de services en français au sein de la société yukonnaise.
C’est ainsi que le premier annuaire des services en français a vu le jour en 1990, et Alain Grenier en a été le coordonnateur. « Je me rappelle de la sollicitation que j’ai faite auprès des entreprises du Yukon », se souvient-il. « Les demandes de l’AFY auprès des anglophones agaçaient, en général, même si on ne nous le disait pas directement. J’avais mes contacts chez les anglophones et je savais que la ligne sur laquelle nous marchions était fragile. Nous étions au début des années 1990 et le Canada tentait de se relever de la crise du Lac Meech et des impacts de la crise d’Oka qui avait terni l’image du Québec et celle du Canada, mais avec des arguments fort différents. »
Mais curieusement, avec le bottin des services en français, l’attitude des anglophones était complètement différente : on était heureux de pouvoir y participer… Alain Grenier se souvient d’une anecdote. « Même que certains se sont creusé les méninges pour tenter de trouver un moyen de s’y inscrire, même si on ne parlait pas le français. Une entreprise, par exemple, avait tenté de justifier sa participation du fait que les emballages de ses produits étaient bilingues! »
Préoccupé par le fait que le bottin ne serait pas très garni, Alain Grenier a proposé aux entreprises d’acheter de la publicité pour en augmenter le nombre de pages. Les entreprises n’avaient pas de cartes de visite en français. « Même nos francophones, souvent, n’avaient pas de cartes de visite bilingues. Chez eux, le français aussi chatouillait parfois et on s’en cachait un peu, pour ne pas irriter les clients anglophones », se rappelle M. Grenier.
Le bottin a vu le jour avec une première édition substantielle et qui dépassait largement les attentes. Trente ans plus tard, le bottin existe encore et porte le nom de Répertoire des services en français, compte plus de 300 inscriptions sous différentes rubriques et est accessible en ligne.
Merci à Alain Grenier et Jeanne Beaudoin d’avoir fouillé dans leur mémoire.