Lorsque Patrick Beille a proposé à sa compagne Lauren d’aller visiter le Yukon, elle ne savait même pas où ça se trouvait sur la carte. Elle l’a suivi parce que c’était le rêve de son homme, mais ça n’a pas été un coup de cœur pour elle.
Ils sont venus au Yukon trois mois, de la fin décembre au début avril 2010. « Lauren est venue seulement les quinze premiers jours, parce qu’elle voulait absolument voir où j’allais mourir… je vivais dans une cabane sans eau ni électricité sur le lac Kluane », raconte Patrick qui a passé deux mois et demi en solitaire.
« Pour moi, le Yukon, ça a toujours été mythique depuis que je suis tout petit », avoue Patrick. « Je l’ai connu par les livres de Jack London. » D’aussi loin qu’il se souvienne, il est fasciné par les endroits sauvages et peu peuplés.
De projet en projet…
Lauren Beille vient de Baltimore et Patrick, de Narbonne, dans le sud de la France. Ils se sont rencontrés en France alors que Lauren travaillait pour une compagnie qui offrait des tours à vélo. Patrick exploitait une ferme avec des moutons et un restaurant saisonnier. Un jour, Lauren cherchait un endroit pour faire déjeuner ses clients. « Je n’ai pas trouvé un restaurant, j’ai trouvé un mec », commente-t-elle en riant.
Le couple a vécu quatre ans en France. Parick raconte : « On a décidé de tout vendre pour commencer une nouvelle aventure. Nous sommes partis aux États-Unis, à Chicago, où j’ai géré la filiale américaine d’une entreprise française. Au bout de deux ans, on a eu l’idée de monter une brasserie à Baltimore. » Ils n’avaient aucune expérience dans la fabrication de la bière. « Oh! Ça ne nous arrête pas trop cela », dit Lauren. Entre-temps, une petite Kluane est venue agrandir la famille.
… jusqu’au Yukon
« J’étais vraiment malheureuse au travail à Baltimore. Ce n’était pas du tout notre mode de vie, la grande ville, les politiques, les priorités des gens autour de nous, ce n’était pas du tout ce qu’on cherchait », explique Lauren.
Patrick a vendu la brasserie et Lauren a démissionné. Puis la famille Beille a passé l’été 2015 au Yukon. « Les trois premières semaines, c’était un peu la lune de miel. Les deux mois et demi suivants, c’était le travail. Comment peut-on venir vivre au Yukon? On pensait que ce serait beaucoup plus facile que ça ne l’est en réalité », avoue Patrick.
Le couple a alors rencontré des gens, s’est informé des règles pour vivre ici quand on n’est pas Canadiens et ont cherché des employeurs qui acceptaient de participer au programme des nominés, sans succès. « On a frappé à plein de portes et il y en avait rarement de bonnes », dit Patrick. « J’ai envoyé des centaines de demandes avec mon CV et des réponses, j’en ai reçues deux. » Un employeur leur a dit que c’était d’accord et qu’il allait engager Patrick. Ils sont montés dans l’avion le cœur joyeux pour retourner en France puisque leur visa était expiré. Une fois arrivé, Patrick a appris que l’employeur se désistait.
Parcours difficile
« Pour rentrer au Canada comme étranger, ou bien tu es quelqu’un d’exceptionnel, bardé de diplômes, ou tu acceptes un travail que les Canadiens ne veulent pas faire », déplore Lauren. « Nous avons un CV qui se situe au milieu. Les employeurs ne souhaitent pas engager un entrepreneur pour être un aide-cuisinier. »
Patrick et Lauren avouent ne pas avoir reçu beaucoup d’aide pour les guider dans les dédales administratifs. « On s’est retrouvé en gros à se débrouiller par nous-mêmes », nous dit Patrick.
Mais une semaine avant leur départ, ils ont rencontré une francophone qui travaillait au gouvernement. « Ce sont des gens comme vous dont on a besoin au Yukon. Même si vous avez été un peu perdus dans les arcades du système, ne désespérez pas, si vous arrivez à trouver un emploi, je vous expliquerai comment faire », leur a-t-elle assuré.
Depuis la France, Patrick a continué sa quête et a finalement reçu une réponse positive de la part d’un employeur prêt à entreprendre les démarches pour le programme de nominé. Depuis mars dernier, il travaille à Inn on the Lake au lac Marsh.
« Je suis très reconnaissant qu’il ait fait la démarche », explique Patrick en parlant de son patron. « En cherchant, je n’ai pas trouvé, à part lui. Du coup, je me fais un point d’honneur pour qu’il soit satisfait de mon travail. C’est grâce à lui qu’on est ici. »
Adaptation très positive
Aujourd’hui, Patrick, Lauren et Kluane Beille habitent une maison hors de la ville. La petite va au Jardin d’Émilie. « Tous les jours, on pense à la chance que nous avons que Kluane soit au Jardin d’Émilie », s’exclame Patrick tandis que Lauren surenchérit : « Nous sommes super impressionnés par cette école, et en plus, Whitehorse est vraiment une ville qui est parfaite pour les jeunes familles. »
« Je n’ai jamais de ma vie rencontré des gens aussi sympathiques, posés et aussi simples qu’ici. Si jamais nous devions repartir, c’est vraiment les gens et l’environnement qui me manqueraient le plus ainsi que le mode de vie », conclut Lauren.