Connaissez-vous Stéphie? Cette jeune fille trans de 11 ans, personnage principal de la bande dessinée en ligne Assignée garçon, touche environ 300 000 personnes par jour. L’auteure de ce phénomène se nomme Sophie Labelle.
La naissance de Stéphie
Sophie Labelle crée des bandes dessinées depuis qu’elle est toute petite. C’est son moyen d’expression préféré dans son enfance. « J’ai commencé par des livres à colorier que j’ai produits alors que je travaillais au Yukon à l’École Émilie-Tremblay. Les jeunes me demandaient de faire des dessins qu’ils pourraient colorier. » Mme Labelle s’était rendu compte que très peu de ressources scolaires existaient pour parler des stéréotypes de genre, surtout pour le niveau du primaire. Elle a donc publié des livres à colorier qui traitaient du sujet.
« Après, j’ai fait un album jeunesse », raconte Mme Labelle. « J’ai aussi écrit un roman, Le comité infernal des ordres ténébreux. Je voulais écrire un nouveau roman qui serait moins militant sur l’aspect des enjeux trans. Je me suis dit que je pourrais faire une bande dessinée et exorciser tous ces enjeux pour garder tout le reste pour mon roman. J’ai beaucoup travaillé avec les jeunes trans et j’avais besoin de verbaliser. »
C’est ainsi que Sophie Labelle s’est mise à développer le personnage de Stéphie. Sa bande dessinée en ligne s’inscrit dans une visée pédagogique. Elle explique : « Le but n’est pas tant de sensibiliser le public, mais de sensibiliser les personnes trans elles-mêmes. Il y a tout un aspect de prise en charge de soi que je voulais mettre de l’avant. Je voulais véhiculer un message positif pour les jeunes trans. Je voulais un personnage qui puisse répondre à toutes les choses négatives dites par l’entourage. »
Souvent, les produits culturels sur les personnes trans s’adressent à un public non trans. « Avec l’expérience de mes livres, j’ai réalisé que c’était vraiment une possibilité de s’adresser principalement aux personnes trans. »
But atteint, et même plus
Assignée garçon a vu le jour il y a à peine un peu plus d’un an en versions française et anglaise. La bande dessinée a reçu un accueil vraiment chaleureux. « La bande dessinée prend de plus en plus de place dans ma vie, alors j’ai décidé de démissionner peu à peu de la plupart des organismes dont je faisais partie », explique Sophie Labelle.
« Des gens me disent avoir fait leur affirmation d’identité après avoir lu ma bande dessinée », nous confie Mme Labelle. « Le fait que ma bande dessinée existe, ça apporte beaucoup de réconfort tant aux adultes trans qu’aux parents d’enfants trans. Je reçois aussi beaucoup de messages de personnes cisgenres (NDLR personnes qui s’identifient au genre qui leur a été assigné à la naissance) qui me disent mieux comprendre l’enjeu trans après avoir lu la bande dessinée. »
Mais avec la notoriété et le succès, vient aussi la responsabilité. « Le public est fou de Stéphie. Les gens ont beaucoup d’attentes envers elle », réalise Mme Labelle. Sa bédé exerce vraiment un impact important dans la société quand on constate le nombre de personnes qui lisent ce qu’elle écrit et les commentaires qu’elle reçoit. « C’est beaucoup de pression, beaucoup de responsabilités », avoue Sophie.
Ça ne change pas le monde, mais…
La créatrice d’Assignée garçon est rapidement devenue une bédéiste émérite. À ce titre, elle a été invitée comme conférencière tant au Canada qu’aux États-Unis pour expliquer le message véhiculé par sa bande dessinée. Elle s’exprime aussi sur tout ce qui touche le transféminisme, le positivisme par rapport au corps des personnes trans et en précise la terminologie. « Mes conférences sont souvent données devant des milieux universitaires et communautaires, mais je fais également des ateliers pour les jeunes, des lectures, des séances de signature, des discussions », rajoute Sophie Labelle.
Elle se fait aborder dans la rue à Montréal par des admirateurs qui la reconnaissent. À Seattle, alors qu’elle travaillait sur sa bande dessinée dans un café, un client ébahi lui a demandé si elle était vraiment l’auteure des aventures de Stéphie. « Je ne sais jamais comment réagir, c’est un peu surréaliste », avoue Sophie Labelle.
Avant son passage au Yukon, Sophie a participé à divers événements et a donné des conférences en Alberta, à Seattle, New York, Philadelphie, Washington et au Nouveau-Mexique. Elle repartira ensuite pour environ deux mois en France, en Belgique, en Irlande, en Allemagne, en Suisse, en Écosse, en Angleterre et en Suède où elle sera l’invitée de diverses associations.
Lorsque nous lui avons demandé quels étaient ses projets pour la prochaine année, elle a répondu d’un ton assuré : « Je veux que la prochaine fois que je rentre dans un Barnes & Noble (NDLR important libraire) aux États-Unis, qu’il y ait au moins un de mes livres. Je voudrais aussi que la bande dessinée sorte en version papier. »
Au Yukon, Sophie Labelle sera au Centre des femmes Victoria Faulkner le lundi 21 septembre à 17 h 30; et participera à un midi-causerie à l’École Émilie-Tremblay pour les élèves de 9e à 11e années le mardi 22 septembre.
Les livres à colorier, albums, affiches, autocollants de Sophie Labelle sont disponibles en ligne