Pierre-Luc Lafrance
Du 2 au 13 février, Jean-Sébastien Blais a participé à l’école d’hiver de l’Académie européenne de Bolzano (EURAC) en Italie sur les thèmes du fédéralisme, la gouvernance et la participation démocratique. À noter qu’il n’y avait qu’une trentaine d’étudiants acceptés parmi les 300 candidats. Du nombre, il n’y avait que deux Canadiens : notre Franco-Yukonnais et Aimée Bourassa. Fait étonnant, bien que le premier soit installé au Yukon et que la deuxième soit une étudiante au doctorat à Providence aux États-Unis, ils sont tous deux originaires de la région des Bois-Francs au Québec.
L’Aurore boréale a rencontré Jean-Sébastien Blais pour qu’il nous parle de son expérience. « Pour moi, c’était une initiative personnelle de me replonger dans la recherche en science politique. Je m’intéresse depuis longtemps aux questions de l’interaction entre élus et citoyens et de celles de l’utilisation de mécanismes de participation citoyenne pour le développement communautaire et social. C’était l’occasion idéale. »
Une participation longtemps espérée
Politologue de formation par sa maîtrise en science politique de l’Université Laval, son implication au sein de l’Association canadienne de science politique lui permet de connaître l’EURAC, un centre d’études privé qui regroupe 400 chercheurs œuvrant sur diverses questions, dont le fédéralisme, la gouvernance, la protection des minorités, le climat alpin et la neuroscience. Il postule donc en 2013, mais doit décliner l’invitation pour des raisons personnelles.
En 2014, quand l’occasion se présente de nouveau, il décide de se lancer dans l’aventure. « J’avais un intérêt pour connaître les meilleures façons de consulter la population et sur les mécanismes qui permettent d’améliorer la participation démocratique. C’était une merveilleuse occasion de fouiller ce sujet. Parfois, on a l’impression que les élus perdent de vue ce que veut leur communauté. Ils sont élus avec un mandat, mais après les élections, que deviennent leurs relations avec leurs commettants? Le système politique actuel nous amène trop souvent à utiliser la confrontation comme un élément central des rapports politiques. N’y aurait-il pas des moyens autres de faire des avancées entre citoyens et élus? »
L’édition 2015 de l’école d’hiver portait principalement sur la gouvernance dans le contexte du fédéralisme, une structure que l’on connaît bien au Canada, mais qui n’est pas commune à tous les pays. Par exemple, la France ou l’Espagne ne sont pas des états fédéraux, mais unitaires, car les lois et le système judiciaire sont les mêmes sur le territoire. « C’était fascinant d’avoir des perspectives de gens du monde entier. Il y avait des participants de toutes les régions d’Europe, dont la Russie et l’Ukraine, des gens d’Afrique, d’Amérique du Sud et d’Asie. » Parmi les cas étudiés, il y a eu la question référendaire en Écosse, en Catalogne et, bien sûr, au Québec. Les séances touchaient autant le national, que le provincial ou le municipal. Chaque jour, les participants assistaient à des présentations par des experts sur une question précise suivies d’interactions entre le conférencier et les participants. L’objectif était d’en tirer des leçons.
De nombreux sujets
Les participants ont échangé entre eux sur différentes questions, comme la nécessité du Sénat, les mécanismes de consultation publique et la façon d’accroître l’imputabilité des élus quant à leur mandat.
Un des objectifs de Jean- Sébastien Blais était d’approfondir ses connaissances sur le rapport citoyen-élus-expert relativement à l’élaboration de recommandations à présenter au gouvernement. Selon lui, le modèle de consultation mis en place en 2004 en Colombie- Britannique sur la réforme du mode de scrutin demeure toujours le modèle à suivre. En 2004, le gouvernement provincial a invité 160 citoyens sélectionnés de façon aléatoire (les seuls critères étaient le sexe et l’intérêt à la question) à étudier, avec le soutien d’experts, les différents modes de scrutin de façon à lui recommander celui à mettre en place pour accroître la participation électorale. Ce type consultation – de former une assemblée citoyenne — fut l’une des premières du genre dans le monde et s’est échelonnée de janvier à octobre 2014. La recommandation de l’assemblée citoyenne sera battue lors du référendum provincial de mai 2005. « Ce modèle demeure intéressant puisqu’on évacue le climat polarisé souvent associé aux consultations publiq
ues. Avec le modèle de sélection aléatoire, on a des gens intéressés par la question, mais qui arrivent habituellement sans un avis aussi tranché sur la question. Par contre, les discussions à l’EURAC m’ont confirmé que si c’est attrayant, le modèle est difficile à mettre en place, car cela demande beaucoup de temps et d’argent et surtout, cela met les décideurs dans une position où ils remettent beaucoup de pouvoir entre les mains des citoyens.
Retour…
Le Franco-Yukonnais revient de son expérience emballé. Il parle avec passion du modèle suisse qui recourt régulièrement au référendum pour consulter la population. « Ici, on n’utilise pas souvent cette méthode, sauf pour des questions de grande importance et juste le mot référendum fait un peu peur. Le modèle suisse n’est pas parfait, mais là-bas, élus et citoyens s’entendent pour dire que c’est le meilleur moyen pour mesurer le niveau de soutien pour une question précise. Pour moi, ce qui est intéressant, c’est que les décideurs suisses demandent régulièrement l’opinion des contribuables, ils ne se limitent pas à celle des experts de la question. » Il retient aussi qu’on tient souvent pour acquise la démocratie. « La possibilité de participer au débat public comme citoyen et d’être respecté est un des beaux fruits de la démocratie. Beaucoup de régimes dans le monde affirment leur respect des diverses libertés fondamentales et de la société civile, mais ils demeurent autoritaires. »