Huguette Young (Francopresse)
La nomination de Rob Nicholson au poste de ministre des Affaires étrangères a été accueillie comme une douche froide. Dans les milieux politiques comme au sein des communautés francophones, cette nomination laisse les dirigeants pantois.
Selon la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, Marie-France Kenny, cette nomination est une grande déception, car les belles paroles du gouvernement Harper sur la scène internationale ne se sont pas traduites par des gestes.
« On vient de rater une belle occasion », a-t-elle signalé.
Elle voit cette nomination comme un recul pour la dualité linguistique, car le prédécesseur de M. Nicholson, John Baird, était capable de converser en français avec ses homologues des pays étrangers. Dans son discours d’adieu à la Chambre des communes, ce dernier n’a toutefois pas prononcé de paroles en français. Il a annoncé subitement sa démission et se dirige vers le secteur privé. M. Nicholson a été nommé le 9 février lors d’un remaniement ministériel.
M. Nicholson, anciennement à la Justice et jusqu’à tout récemment à la Défense nationale, devient le chef de la diplomatie canadienne. Un poste, disent plusieurs intervenants, qui ne lui convient pas puisque le ministre des Affaires étrangères est en quelque sorte le visage du Canada, un pays bilingue et biculturel.
Au bureau du premier ministre Harper, on indique que le ministre de la Francophonie, Christian Paradis, joue un rôle important sur la scène internationale. Mais ce n’est pas les Affaires étrangères, corrige Mme Kenny.
Certains ont laissé entendre que le poste de M. Nicholson était peut-être un poste temporaire jusqu’au prochain scrutin d’octobre.
C’est une explication qui n’en est pas une, reprend Mme Kenny. « Il n’y a pas de justification. Je la cherche, mais il n’y en a pas. »
C’est le même son de cloche de la part de la présidente de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick, Jeanne d’Arc Gaudet.
« Parfois, on a l’impression qu’on fait trois pas en avant et deux en arrière. »
Elle ne comprend pas cette décision d’autant plus que le gouvernement de Stephen Harper a appuyé la candidature de Michaëlle Jean à la tête de l’Organisation internationale de la Francophonie. Voilà que cette nomination de M. Nicholson vient en quelque sorte anéantir ces efforts.
« C’est comme si on travaillait en vase clos », a-t-elle fait savoir lors d’un entretien téléphonique.
Selon Jeanne d’Arc Gaudet, au lieu de mettre quelqu’un qui ne s’exprime pas en français dans un poste aussi névralgique, il aurait fallu mettre quelqu’un qui aspire à ces hautes fonctions. Pourquoi ne pas être « proactif » comme le premier ministre Stephen Harper et suivre des cours en français?
Selon elle, le bilinguisme perdu du terrain depuis quelques années.
« C’est symptomatique de gens qui ne croient pas en cette vision. »
Le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, s’est également dit indigné, qualifiant la nomination de M. Nicholson de « loin d’être souhaitable », vu le caractère bilingue du Canada.
«C’est un poste senior du gouvernement. Je m’attendais à ce que le ministre des Affaires étrangères puisse au moins dire quelques mots en français », s’est-il offusqué.