Denis Lord (L’Aquilon) et Paul Mengoumou (Francopresse)
La Commission scolaire francophone des Territoires du Nord-Ouest (CSFTNO) en cour d’appel des TNO et l’Association des parents ayants droit de Yellowknife (APADY) viennent de subir un cuisant revers devant la Cour d’appel des TNO.
Les juges Slatter, Watson et Robowtham ont infirmé un jugement de première instance et ont rejeté les agrandissements prévus à l’École Boréale de Hay River et une partie de ceux de l’École Allain-St-Cyr de Yellowknife. Ils ont également nié à la CSFTNO le droit de gérer ses admissions et la protection des droits linguistiques des enfants d’âge préscolaire (trois à cinq ans)
L’école Allain-St-Cyr aura tout de même droit à un gymnase, à des espaces pouvant servir à des élèves ayant des besoins spéciaux et à d’autres tâches, et à l’accès à des espaces spécialisés (labos de science, enseignement des arts ménagers et de l’anglais langue seconde). Un délai doit être défini par les deux parties pour mettre cette mesure en application.
« Nous avons le droit de retourner en cour si le plan qui nous est soumis n’est pas acceptable », précise Suzette Montreuil, présidente de la Commission scolaire francophone. Selon les juges, les requérants n’ont pas réussi à prouver qu’ils avaient droit, par exemple, à la construction d’une aile secondaire distincte ou d’une salle de classe séparée pour chaque niveau.
La juge Robowtham a inscrit un jugement dissident en ce qui concerne l’École Allain St-Cyr, privilégiant la construction de locaux de musique, d’enseignement des arts ménagers et autres, à un simple accès à ces derniers.
La CSFTNO et l’APADY ont 60 jours pour faire appel en Cour suprême du Canada. Lors d’une assemblée à l’École Allain St-Cyr le 13 janvier, les parents ont voté très majoritairement pour cette démarche
Trente-deux ans après le rapatriement de la Constitution et l’adoption de la Charte canadienne des droits et libertés qui garantit un droit à une éducation primaire et secondaire aux minorités linguistiques dans leur langue à même les fonds publics, un nombre important de conseils scolaires francophones éprouve encore des difficultés à faire respecter l’article 23 de la Charte.
À suivre cette année, trois autres causes types qui sont engagées dans des recours juridiques à plusieurs niveaux afin de faire valoir leurs droits de gestion scolaire.
Colombie-Britannique
La première de ces causes se trouve en Colombie-Britannique. Elle a été entendue par les juges de la Cour suprême du Canada le 2 décembre 2014. Elle oppose l’Association des parents de l’École Rose-des-Vents de Vancouver et le Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique au ministère de l’Éducation de cette province.
Depuis 2010, un regroupement de parents francophones de cette école se bat pour convaincre la province que les installations et les moyens de transport alloués à leurs enfants étaient insuffisants pour offrir une éducation équivalant à celle des écoles anglophones.
Ce qui vient renforcer l’assimilation, puisque de nombreux candidats choisissent l’école anglaise. La Cour suprême de la Colombie-Britannique a statué que les droits garantis par l’article 23 de la Charte ont été enfreints. D’ici mars, la Cour suprême du Canada aura à déterminer si la Cour provinciale a eu raison.
Yukon
La deuxième cause à suivre se situe au Yukon. Depuis plusieurs années, le conseil scolaire francophone du Yukon veut contrôler la pleine gestion scolaire.
Pour le directeur général de la Fédération nationale des conseils scolaires francophones, Roger Paul, c’est la cause la plus importante. « La demande implique la gestion des programmes, des infrastructures, du personnel, des finances, du système d’éducation. Donc, le droit de gérer les admissions des enfants issus de l’immigration. »
Un jugement en 2010 a donné gain de cause à la Commission scolaire. La Cour ordonne aussi que les fonds alloués par Patrimoine canadien et détenus par le Yukon soient affectés à l’usage exclusif des communautés francophones. En 2014, revers de fortune en appel, la Cour invalide le jugement et ordonne un nouveau procès dont l’issue n’a pas satisfait le conseil scolaire.
La Cour suprême du Canada a accepté d’entendre l’appel le 21 janvier 2015.
Saskatchewan
Une autre cause à surveiller cette année oppose le Conseil des écoles fransaskoises au gouvernement de la Saskatchewan.
Elle a pour enjeu le financement équitable de l’éducation en langue française. Une poursuite déposée en 2012 par le conseil scolaire contre le ministère de l’Éducation faisait état d’un sous-financement structurel depuis sa création en 1995. Le conseil scolaire demande de lui reconnaître des responsabilités additionnelles imposées par l’article 23 de la Charte en vertu duquel le conseil scolaire a un mandat éducatif, culturel, identitaire et communautaire afin de réparer les torts causés par l’assimilation.
En août 2014, la Cour du Banc de la Reine a ordonné à la Saskatchewan de verser une somme de 500 000 $, alors que le conseil scolaire demandait plus de trois millions de dollars.
La province demande au Conseil des écoles fransaskoises de retourner à la table de négociations pour une solution à long terme. « Ce sont des batailles de David contre Goliath », déclare Roger Paul de la Fédération nationale des conseils scolaires francophones.
Une solution à long terme est régie par des principes clairs du droit à l’éducation française, dit-il, soit « l’équivalence et l’homogénéité des infrastructures, le droit de gestion des admissions, le programme de francisation des 3 à 5 ans et une formule de financement adaptée aux besoins particuliers des conseils scolaires francophones. »