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le Lundi 15 Décembre 2014 11:31 Société

Se redécouvrir dans le regard de l’autre

Marie-Hélène Comeau faisait partie d’un groupe d’une trentaine d’artistes qui étaient à Dakar du 20 au 30 novembre dans le cadre du 5e Forum international de la Caravane des dix mots Photo : fournie.
Marie-Hélène Comeau faisait partie d’un groupe d’une trentaine d’artistes qui étaient à Dakar du 20 au 30 novembre dans le cadre du 5e Forum international de la Caravane des dix mots Photo : fournie.

Pierre-Luc Lafrance

L’artiste Marie-Hélène Comeau était à Dakar dans le cadre du 5e Forum international de la Caravane des dix mots qui avait lieu du 20 au 30 novembre. Elle faisait partie d’un groupe d’une trentaine d’artistes venus d’Afrique, d’Amérique et d’Europe qui s’est réuni en marge du Sommet de la Francophonie qui avait lieu au même moment. Ils ont participé à cet événement qui comprenait des formations, des rencontres professionnelles, des ateliers artistiques, des conférences, des projections de films et une grande soirée festive. L’Aurore boréale l’a rencontrée pour qu’elle nous parle de son expérience.

Marie-Hélène Comeau faisait partie d’un groupe d’une trentaine d’artistes qui étaient à Dakar du 20 au 30 novembre dans le cadre du 5e Forum international de la Caravane des dix mots Photo : fournie.

Marie-Hélène Comeau faisait partie d’un groupe d’une trentaine d’artistes qui étaient à Dakar du 20 au 30 novembre dans le cadre du 5e Forum international de la Caravane des dix mots Photo : fournie.

Au contact des autres artistes, elle s’est rendu compte qu’elle avait plus que la langue en commun avec eux. « Dans toute la francophonie, on fait face aux mêmes difficultés pour vivre de notre art. Au Sénégal cette année, ça a été encore pire, parce que presque tout le budget dédié aux arts a été attribué au Sommet de la Francophonie. »

Tous les artistes présents ont participé à un projet d’art communautaire dans leur milieu à partir de dix mots. « On avait les mêmes mots, seulement la signification fluctue d’un milieu à l’autre, d’une personne à l’autre. »

Dans le cadre de cette activité, Mme Comeau a fait plusieurs rencontres. « Au fil des ans, les organisateurs se sont arrangés pour que l’on ait un impact dans les pays où a lieu le forum. Par les interventions publiques et les ateliers avec les jeunes dans les écoles, on pouvait créer des liens. On a aussi projeté des films sur les différentes réalisations, dont le projet au Yukon. »

Elle a proposé trois ateliers en milieu scolaire. « Je faisais de l’origami avec les jeunes. Au début, j’avais peur que la différence culturelle rende les choses plus difficiles, mais non, un enfant reste un enfant. Les jeunes étaient curieux et attentifs. Ils avaient le goût de jouer, de créer. » Avant d’entrer en classe, elle cherchait avec les professeurs et les bibliothécaires des images nordiques… ce qui ne fut pas toujours une tâche aisée. « On s’est débrouillé. Parfois, on prenait des atlas pour que je leur montre d’où je venais. J’avais aussi apporté des choses sur le Yukon. À un moment donné, j’ai parlé aux étudiants des aurores boréales, et il y a un jeune qui m’a dit que c’était comme un arc-en-ciel… mais de nuit. »

Le choix des mots pour la prochaine édition de la Caravane des dix mots a permis à l’artiste de mesurer la différence culturelle entre les deux peuples. « Il y avait le mot gris-gris qui pour eux est significatif et le mot inuit. Ils ignoraient ce que ça voulait dire. Ça m’a permis de parler du peuple inuit et de la réalité du Nord. » Les professeurs assistaient aux ateliers et ils se sont montrés curieux, ce qui a permis de beaux échanges.

Un regard différent sur la francophonie yukonnaise

L’artiste a été fascinée de découvrir les différents visages de la francophonie. « Chaque pays a une relation qui lui est propre avec la langue. Les Africains sont d’anciennes colonies françaises. Ils parlent différents dialectes à travers le même pays et leur façon de se comprendre, c’est à travers le français qui est en quelque sorte la langue commune. C’est très différent de la réalité canadienne, acadienne ou québécoise. »

Mme Comeau a eu l’occasion de parler beaucoup du Yukon, car elle a été très sollicitée pour des entrevues. « Les gens étaient au courant qu’il y avait des francophones au Québec, mais ils ignoraient qu’il y en avait dans le reste du Canada. Ils n’avaient jamais entendu parler de l’Acadie. »

Si Marie-Hélène Comeau a beaucoup appris sur ces collègues et leur culture, elle en a aussi beaucoup appris sur sa propre culture à travers le regard de l’autre. « Je me demandais quelle était notre place dans la francophonie. L’histoire franco-yukonnaise est toute jeune et n’a pas de racines profondes. Nos infrastructures sont récentes. Mais les gens étaient vraiment intéressés d’entendre l’histoire du Yukon francophone et de ses particularités. Ici, les francophones viennent de partout : il y a des Québécois, mais aussi des Canadiens d’autres provinces, des Européens et de plus en plus de gens du continent africain. Au Yukon, les francophones viennent de différentes cultures, et c’est la langue qui sert de lien. C’est une richesse qu’on a ici et qui est assez remarquable. J’ai pu constater que la franco-yukonnie avait une place à prendre à l’échelle mondiale. »

Déjà, l’artiste visuelle a la tête tournée vers l’avenir. Elle va lancer un nouveau projet en 2015 dans le cadre de la Caravane des dix mots, cette fois en collaboration avec la Garderie du petit cheval blanc et avec les étudiants du programme FACE. « Je vais les inviter à utiliser les mots dans du land art, une tendance en art contemporain qui amène les gens à créer à l’extérieur avec des matériaux trouvés dans la nature. »