Paul Mengoumou ( Francopresse)
C’est l’homme qui sait faire parler les statistiques sur les minorités de langue officielle. La statistique linguistique, Jean-Pierre Corbeil en a fait une spécialité.
Il est connu des journalistes, des enseignants, des groupes et associations partout au pays pour la qualité de ses publications, mais surtout ses conférences. Les chiffres sur les communautés francophones minoritaires, c’est sa passion. « J’ai plus de facilité a parler des enjeux inter-linguistiques que de parler de l’évolution du poulet congelé », dit-il.
Mais, modeste, Jean-Pierre Corbeil dit ne réaliser que ce qui est écrit dans sa définition des tâches, car « renseigner les Canadiens, ça ne veut pas dire diffuser uniquement les statistiques, c’est aussi les démystifier ».
Depuis 17 ans, celui qui est aujourd’hui le directeur adjoint de la statistique sociale et spécialiste en chef de la statistique linguistique démystifie les chiffres afin que les communautés francophones hors-Québec comprennent les défis et enjeux auxquels elles font face.
Chantal Bourbonnais de l’Association canadienne des professeurs d’immersion est parmi ceux et celles qui font souvent appel à son expertise. « C’est un excellent communicateur, explique-t-elle. Il a le don de rendre les chiffres intéressants, et de les humaniser. Ses commentaires nous aident à orienter nos décisions et nos actions ».
Quand on demande a Jean-Pierre Corbeil s’il se considère plus sociologue que statisticien, la réponse fuse sans hésitation. « Absolument ! par notre travail, on croit qu’on est plus statisticien ou mathématicien, rien n’est plus faux ». C’est à partir de son amour de la langue française que Jean-Pierre Corbeil a abouti à la sociologie.
A l’âge 12 ans, il a remporté un concours d’art oratoire dont le thème était la langue française. Une langue valorisée dans cette famille de 9 enfants de Laval avec un père qui ne faisait aucune concession sur la qualité du français. « Quand on parle une langue, on transmet une culture dont on est partie prenante ; on fait partie de mouvements sociaux, d’un héritage, d’un passé et d’un avenir », justifie Jean-Pierre, l’avant-dernier des enfants.
Plus tard, ce qui n’était qu’une curiosité se transforme en intérêt pour d’autres langues et le contact avec l’autre solitude. Il s’inscrit à l’Université McGill. « Il y a un parcours qui témoigne de l’intérêt pour l’autre. Et en matière linguistique, ce qui m’intéressait c’est la construction de l’exclusion. Comment on peut arriver à tenir en compte les différents mécanismes d’exclusion sans une société ». C’est le thème de sa thèse de doctorat en sociologie.
Comme employé à Statistique Canada, il va se rendre compte que les rapports inter-linguistiques peuvent aussi être analysés sous l’angle des rapports à la différence. « Le Canada est en ce sens un laboratoire ou l’on peut étudier les rapports intergroupes et en particulier en matière linguistique, et mon objectif fut de démystifier les statistiques pour que ça signifie quelque chose pour les gens qui n’ont aucune éducation en statistique », explique-t-il.
Le professeur Stacy Churchill de l’Université de Toronto tient Jean-Pierre Corbeil en haute estime. Ce spécialiste de l’éducation des minorités dit dépendre énormément des données publiées par Statistique Canada et surtout des études réalisées par Corbeil.
« Les gens ignorent qu’avant qu’une question apparaisse dans un sondage, il y a eu d’intenses discussions au préalable. Astucieux, Jean-Pierre s’est toujours assuré que la question sur la langue minoritaire soit présentée. Il joue un rôle clé à Statistique Canada pour les minorités de langues officielles », indique le professeur Churchill.
Pour Jean-Pierre Corbeil « La grande beauté des statistiques est de savoir comment on peut analyser des phénomènes de diverses façons, parfois à l’aide des chiffres, des fois avec des concepts. La statistique doit enrichir notre compréhension du monde ».